Thursday, January 14, 2021

Swiss Customs - Import - Tariff & VAT

Importation (en CH)

Décision de perception subséquente

Droit de douane

TVA

Un acte à titre onéreux n’est pas requis

Solidarité des différents débiteurs

La faute n’est pas une condition

Application du DPA

 

 

Tribunal administratif fédéral (CH)

Cour I A-1835/2019 

Arrêt du 14 janvier 2021 

A._______ Sàrl B._______, 

recourante, 

contre 

Administration fédérale des douanes (AFD), 

Domaine de direction Poursuite pénale, autorité inférieure. 

Droits de douane, perception subséquente.

 

Faits:

 

A. 

A._______ Sàrl B._______ (ci-après: la Société) est une société à responsabilité limitée ayant son siège à Ollon (VD), inscrite au registre du commerce depuis le 3 novembre 2008 et qui a pour but l’exploitation de restaurants-bars et activés accessoires. Dans le cadre de son activité, la Société exploite notamment le restaurant « A._______ » (...) (ci-après: le restaurant ou l’établissement). C._______ et D._______ sont les administrateurs de A._______ Sàrl B._______, bénéficiant chacun d’une signature individuelle, selon le registre du commerce.

 

B.


B.a 
E._______ était une société en nom collectif (ci-après: E._______SNC) dont le siège était situé à (...), inscrite au registre du commerce le (...) et radiée le (...), dont le but était la vente en gros ou de détail de produits alimentaires ou non alimentaires.

 

B.b Le 9 février 2017, F._______, l’un des associés avec signature individuelle de E._______SNC, a fait passer par la frontière (...), des lots de marchandises de produits alimentaires sans les déclarer. Ce passage du (...) 2017 a fait l’objet d’un contrôle par une patrouille du Corps des gardes-frontières.

 

C.
C.a 
L’Administration fédérale des douanes (ci-après: AFD) représentée par la Direction générale des douanes (ci-après: DGD ou autorité inférieure) a ouvert une enquête qui a été dirigée par la Direction d’arrondissement des douanes de Genève, Section antifraude douanière de Lausanne selon l’organisation de l’administration douanière prévalant jusqu’au 31 décembre 2018. Actuellement, cette unité organisationnelle de l’AFD (DGD) est nommée « Domaine de direction Poursuite pénale ».

 

C.b Cette enquête a permis d’établir la liste des clients ayant bénéficié des livraisons de E._______SNC, dont notamment le restaurant. Dans le cadre de cette enquête, plusieurs factures ont été saisies et obtenues notamment auprès de E._______SNC et F._______, fiduciaire de la Société.

 

C.c Les factures saisies ont révélé que F._______ n’avait pas déclaré l’importation de produits alimentaires livrés à l’établissement exploité par la Société entre (...) 2016 et (...) 2017, à savoir 400 Kg bruts de frites surgelées et 40 litres d’huile, soit 250 Kg bruts le (...). 2016, 150 Kg bruts le (...) 2017 et 40 litres le (...). 2016.

 

D. 

Par décision de perception subséquente du 8 avril 2019, la DGD a invité la Société à verser un montant total de CHF 958.80 de droit de douane et 56.15 de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), soit un total de CHF 1'014.95, somme des redevances non perçues correspondant aux 400 Kg bruts de frites et 40 litres d’huile importés (CHF 62.80 + CHF 560.- + CHF 336.- + CHF 56.15 de TVA). La Direction d’arrondissement a également indiqué que F._______ était solidairement assujetti au paiement de cette somme et qu’un intérêt moratoire était dû.

 

E. 

Par courrier daté du 12 avril 2019, la Société (ci-après: recourante) a interjeté recours contre ladite décision de perception subséquente auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF ou Cour de céans ou Tribunal). La recourante a fait notamment valoir que la marchandise provenant de E._______SNC avait été achetée de bonne foi et qu’elle-même ne pouvait pas être tenue responsable des infractions commises par son fournisseur. Ainsi, elle a contesté être redevable du montant de CHF 1’014.95 et a conclu à l’annulation de la décision.

 

F. 

Par réponse du 18 juillet 2019, l’AFD, représentée par la DGD (ci-après: autorité inférieure), a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. A l’appui de sa réponse, l’autorité inférieure a notamment indiqué qu’elle ne mettait pas en cause la bonne foi de la recourante mais que l’assujettissement de la recourante intervenait indépendamment de toute faute. 

Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que nécessaire, dans la partie en droit.

 

Droit:

 

1.
1.1 
Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), celui-ci, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF, notamment l’AFD et les directions d’arrondissement. En vertu de l'art. 116 al. 2 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0), l’AFD est représentée par la DGD dans les procédures devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral.

 

1.2 La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral est régie par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas autrement (cf. art. 37 LTAF; art. 2 al. 4 PA; arrêts du TAF A-4510/2018 du 20 mai 2019 consid. 1.2; A-3322/2018 du 11 décembre 2018 consid. 1; voir également art. 116 al. 4 LD).

 

1.3 La recourante, qui est directement touchée par la décision attaquée, dont elle est la destinataire, et qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, a manifestement qualité pour porter l'affaire devant le Tribunal administratif fédéral (cf. art. 48 al. 1 PA). La décision attaquée, datée du 29 juin 2018, a été notifiée au plus tôt le lendemain. Compte tenu des féries judiciaires d’été (cf. art. 22a al. 1 let. b PA), le recours, déposé le 29 août 2018, est intervenu dans le délai légal de trente jours (cf. art. 50 al. 1 PA). Un examen préliminaire relève qu’il répond en outre aux exigences de forme et de contenu de la procédure administrative (cf. art. 52 al. 1 PA). Il convient donc d’entrer en matière sur le recours.

 

1.4 La recourante peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et l'inopportunité (cf. art. 49 PA; cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7éd., Zurich 2016, n. marg. 1146 ss; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/ LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2éd., Bâle 2013, n. marg. 2.149).

 

1.5 Le Tribunal administratif fédéral constate les faits et applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués à l’appui du recours (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 300 s.). La maxime inquisitoire doit toutefois être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits, en vertu duquel celles-ci doivent notamment indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver leur requête (cf. art. 52 al. 1 PA). Partant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n’examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l'y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1; 122 V 157 consid. 1a; ATAF 2014/24 consid. 2.2; 2012/23 consid. 4; ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER/MARTIN BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2013, ch. 1135 s.).

 

1.6 Conformément à l'art. 116 al. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0), l’AFD est représentée par la DGD dans les procédures devant la Cour de céans.

 

2. 

Le litige porte en substance sur la perception subséquente de redevances douanières et de la TVA à l’importation sur 400 kg bruts de frites et 40 litres d’huile. Cette marchandise a été importée entre les mois (...) 2016 et (...) 2017 pour un montant d’impôt non perçu de CHF 1’1014.15. Cette somme se base sur (...) livraisons étendues sur une période de (...) (cf. ci-dessus, Faits C.c et D.).

 

3.
3.1 
Selon l’art. 7 LD et l'art. 1 de la loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD, RS 632.10), les marchandises introduites dans le territoire douanier sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées conformément aux dispositions des lois précitées (Grundsatz der allgemeinen Zollpflicht). Les tarifs douaniers sont précisés dans les annexes de la LTaD. Demeurent toutefois réservés les dérogations, ainsi que les allègements et les exemptions prévus par les traités internationaux ou par les dispositions spéciales de lois ou d’ordonnances (cf. art. 2 et 8 ss LD et art. 1 al. 2 LTaD; arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1 [arrêt confirmé par l’arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020]; A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.1 et les références citées).

 

3.2 La Loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA, RS 641.20) est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (cf. RO 2009 5203; Message sur la simplification de la TVA, FF 2008 6277). Aux termes de l’art. 1 al. 2 let. c LTVA, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue également pour toutes importations de biens (impôt sur les importations, cf. art. 50 ss LTVA). La LD s’applique à l’impôt sur les importations pour autant que les dispositions de la LTVA n’y dérogent pas (cf. art. 50 LTVA; XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, § 16 n° 376). Sont soumises à l'impôt sur les importations, l'importation de biens, y compris les prestations de services et les droits y afférents (cf. art. 52 al. 1 let. a LTVA). L'objet de l'impôt sur les importations est le même que l'objet de l'impôt en matière de droits de douane (cf. arrêt du TAF A-7049/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.2). L'importation du bien, c'est-à-dire son transfert dans la zone douanière, est le fait générateur de la TVA à l'importation et est, en conséquence, l'élément déclencheur de l'imposition. Un acte à titre onéreux (entgeltliches Umsatzgeschäft) n'est pas requis (cf. arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 [arrêt confirmé par l’arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020]; A-825/2016 du 10 novembre 2016 consid. 4.2).

 

3.3 Conformément à l’art. 51 al. 1 LTVA en lien avec l’art. 70 al. 2 et 3 LD, le débiteur de la dette douanière est assujetti à l’impôt sur les importations. Est débiteur de la dette douanière (a) la personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière, (b) la personne assujettie à l'obligation de déclarer ou son mandataire et (c) la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées ou exportées (cf. art. 70 al. 2 LD; arrêt du TF 2C_535/2019 du 23 juillet 2020 consid. 5; ATAF 2015/35 consid. 3.3.2). Le cercle des assujettis doit être interprété de manière large conformément à la volonté du législateur (cf. arrêt du TF 2C_177/2018 du 22 août 2019 consid. 5.4; LYSANDRE PAPADOPOULOS, Notion de débiteur de la dette douanière: fer de lance de l'Administration des douanes, Revue douanière 1/2018, p. 30). Les assujettis aux droits de douane sont imposables pour toutes les importations de biens, sans égard à leur statut de fournisseur ou acheteur de la marchandise, de propriétaire, de commerçant ou encore de simple consommateur. L'élément décisif a ainsi exclusivement trait au fait que les conditions de l'art. 70 LD sont réunies ou ne le sont pas. Il est en outre sans importance que l'assujetti aux droits de douane soit immatriculé au registre des contribuables de l'Administration fédérale des contributions en qualité d'assujetti à la TVA (cf. arrêts du TAF A-1234/2017 du 17 avril 2019 consid. 6.4.1; A-7933/2008 du 8 février 2010 consid. 4.1; A-2677/2007 du 16 janvier 2009 consid. 2.4; A-4351/2008 du 13 janvier 2009 consid. 2.3.3; CAMENZIND ET AL., Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz, 3ème éd. 2012, p. 898; DIETER METZGER, Kurzkommentar zum Mehrwertsteuergesetz, 2000, p. 220; DANIEL RIEDO, Vom Wesen der Mehrwertsteuer als allgemeine Verbrauchsteuer und von den entsprechenden Wirkungen auf das schweizerische Recht, 1999, p. 4 et 172). Les débiteurs répondent solidairement de la dette douanière, le recours entre eux étant régi par les dispositions du droit privé (art. 70 al. 3 LD).

 

4.
4.1 
A teneur de l'art. 118 al. 1 LD, quiconque, intentionnellement ou par négligence, soustrait tout ou partie des droits de douane en ne déclarant pas les marchandises, en les dissimulant, en les déclarant inexactement ou de toute autre manière (let. a) ou se procure ou procure à un tiers un avantage douanier illicite (let. b), commet une soustraction douanière. De manière analogue, l’art. 96 al. 4 LTVA prévoit que celui qui, de manière intentionnelle ou par négligence, réduit la créance fiscale au détriment de l'Etat en ne déclarant pas des marchandises, en les déclarant de manière inexacte ou en les dissimulant lors de leur importation (let. a), en obtenant un remboursement indu (let. b) ou en obtenant une remise d’impôt injustifiée (let. c), commet une soustraction de l’impôt. Dans les deux cas, la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0) est applicable (cf. art. 128 al. 1 LD, respectivement art. 103 LTVA).

 

4.2
4.2.1 
Selon l'art. 12 al. 1 let. a DPA, lorsqu'à la suite d'une infraction à la législation administrative fédérale, c'est à tort qu'une contribution n'est pas perçue, la contribution et les intérêts seront perçus après coup ou restitués, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable. Est assujetti à la prestation ou à la restitution celui qui a obtenu la jouissance de l'avantage illicite, en particulier celui qui est tenu au paiement de la contribution (art. 12 al. 2 DPA). Dès lors, quiconque tombant dans le champ d’application de l’art. 51 LTVA respectivement 70 LD, tant pour les droits de douane que pour l’impôt sur les importations (cf. ci-dessus, consid. 3.3), peut être considéré comme le débiteur de la contribution soustraite. En effet, cette personne est ipso facto considérée comme favorisée si elle a obtenu un avantage illicite (cf. arrêts du TF 2C_414/2013 du 2 février 2014 consid. 3; 2A.82/2005 du 23 août 2005 consid. 3.1; arrêts du TAF A-6884/2018 du 8 avril 2020 consid. 2.5; A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1).

 

4.2.2 Le seul fait d'être économiquement avantagé par le non-versement de la redevance en cause constitue un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA. Il n'est donc pas nécessaire qu'une faute ait été commise, ni − a fortiori − qu'une action pénale soit intentée (cf. ATF 129 II 385 consid. 3.4.3; 114 Ib 94 consid. 5b; 107 Ib 198 consid. 6c; arrêt du TF 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 7.4 [non publié aux ATF 140 II 194]; arrêts du TAF A-6884/2018 consid. 2.5; A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1; JEAN GAUTHIER, La loi fédérale sur le droit pénal administratif, in Mémoires publiés par la Faculté de droit de l'Université de Genève, vol. 46, 1975, p. 23 ss, p. 43/44; le même, Les infractions fiscales soumises à la loi fédérale sur le droit pénal administratif, in RDAF 1999 II p. 56 ss, spéc. p. 59). Il suffit que l'avantage illicite procuré par l'absence de perception de la contribution (cf. arrêt du TF 2A.458/2004 du 3 décembre 2004 consid. 3.1) trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédérale. Peu importe, partant, que la personne assujettie n'ait rien su de l'infraction, ni qu’elle n’ait tiré aucun avantage personnel de celle-ci (cf. ATF 129 II 160 consid. 3.2; 115 Ib 358 consid. 3a; arrêts du TF 2C_420/2013 du 4 juillet 2014 [résumé in: RF 69/2014 p. 705] consid. 3.2 et 2C_415/2013 du 2 février 2014 consid. 4.4; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1; A-1234/2017 du 17 avril 2019 consid. 5.2 et A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 2.6.3).

 

4.2.3 La créance de perception subséquente en vertu de l'art. 12 DPA est fondée sur la créance initiale à laquelle la Confédération a droit en vertu de la législation fiscale ou douanière. Cette créance subséquente n’est ainsi pas tant une nouvelle créance qu’un complément à la créance initiale (cf. arrêt du TF 2C_723/2013 du 1er décembre 2014 consid. 2.6; REMO ARPAGAUS, Zollrecht, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XII, 2ème éd. 2007, n° 511). L’art. 12 DPA constitue donc bien la base légale indépendante sur laquelle est fondée une procédure de rappel d’impôt en défaveur du contribuable (cf. arrêt du TF 2C_366/2007 du 3 avril 2008 consid. 5; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2; A-1357/2016 du 7 novembre 2017 consid. 7.3).

 

4.2.4 Quand bien même l'art. 12 DPA est contenu dans une loi pénale, il trouve également application en droit douanier, ainsi que pour les problématiques relatives à la TVA à l'importation (cf. art. 128 al. 1 LD et art. 103 al. 1 LTVA; arrêt du TF du 4 août 1999 publié in Archives 68 p. 438 consid. 2b et les références citées; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2; A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 2.6.1; PASCAL MOLLARD ET AL., Traité TVA, 2009, p. 555, n° 468). Cette disposition est une norme fiscale normale (normale Abgabenorm), dont l'application doit être établie dans une procédure administrative, et non dans une procédure pénale administrative (cf. arrêts du TF 2C_201/2013 précité consid. 7.4; 2A.603/2003 du 10 mai 2004 consid. 2.4 s.; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid.4.2; A-6021/2007 du 23 décembre 2009 consid. 3.1, 3.2 et 3.5). Il existe donc une différence claire entre, d'une part, la procédure administrative tendant à la détermination de la prestation ou de la restitution due, conformément à l'art. 12 al. 1 et 2 DPA, et, d'autre part, la procédure pénale (cf. arrêts du TF 2C_492/2017 du 20 octobre 2017 consid. 7.1 s.; 2C_263/2014 du 21 janvier 2015 consid. 4.2.1; 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 7.4; arrêt du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2).

 

4.2.5 En cas de perception subséquente de droits de douane, un intérêt moratoire est dû à compter de l’exigibilité de la dette douanière (cf. art. 74 al. 1 LD et art. 1 al. 1 let. b et al. 2 de l’ordonnance du DFF du 11 décembre 2009 sur les taux de l’intérêt moratoire et de l’intérêt rémunératoire [RS 641.207.1]). Il en va de même s’agissant de la perception subséquente de l’impôt à l’importation (cf. art. 57 al. 1 LTVA et art. 1 al. 1 let. a de l’ordonnance du DFF susmentionnée; toutefois à ce sujet, arrêt du TAF A- 5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 8). La dette douanière est exigible dès sa naissance (cf. art. 72 al. 1 LD). Elle naît notamment au moment où le bureau de douane accepte la déclaration en douane (cf. art. 69 let. a LD), ou, si la déclaration en douane a été omise, au moment où les marchandises franchissent la frontière douanière ou sont utilisées ou remises pour d'autres emplois ou, si aucune de ces dates ne peut être établie, au moment où l'omission est découverte (cf. art. 69 let. c LD). Aussi, l'exigibilité de la dette douanière selon l'art. 72 al. 1 LD ne dépend pas de la fixation de la dette dans une décision de taxation (cf. arrêt du TAF A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.5.1; REGINE SCHLUCKEBIER, in Zweifel/Beusch/Glauser/Robinson [éd.], Commentaire de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, 2015, n° 5 ad art. 57 MWSTG; MICHAEL BEUSCH in: KOCHER/CLAVADETCHER, ZOLLGESETZ (ZG), 2009, n° 2 ad art. 72 ZG).

 

5.
5.1 
En l’espèce, suite au contrôle du (...) 2017 et à l’enquête menée par les autorités douanières, il est établi et non contesté par la recourante, qu’elle a commandé et reçu 400 Kg de frites et 40 litres d’huile entre (...) 2016 et (...) 2017 qui lui ont été livrés par E._______SNC. En effet, parmi les destinataires et clients de E._______SNC figurait le restaurant exploité par la recourante. Ces frites et l’huile ont été importées depuis la France et sont ainsi des biens et marchandises soumis à la TVA sur les importations et aux droits de douane (cf. art. art. 7 LD en lien avec l’art. 1 LTaD et 52 al. 1 let a. LTVA). Cette importation a été effectuée de manière incontestée par F._______, alors associé de E._______SNC, qui a également été reconnu comme étant assujetti, au sens de l’art. 51 al. 1 LTVA et 70 al. 2 let. a LD, à la perception subséquente. En outre, l’enquête effectuée par les autorités douanières a permis de révéler que l’assujetti F._______ ne s’était pas acquitté des droits de douane et de la TVA à l’importation, déclenchant ainsi la procédure de perception subséquente

5.2 La recourante soutient à cet égard qu’elle n’est pas responsable du fait que des marchandises de provenance étrangère n’aient pas été dédouanées. Comme relevé par le Tribunal, il ressort du texte légal et de la jurisprudence qu’il existe plusieurs « catégories » de débiteurs qui répondent solidairement de la dette douanière indépendamment du statut sous lequel ils apparaissent dans le processus d’importation de biens (consommateurs, acheteurs, fournisseurs etc. [cf. ci-dessus, consid. 3.3]). Certes, la recourante n’a pas elle-même traversé la frontière franco-suisse avec la marchandise. Cependant, le passage des frites surgelées et de l’huile par la douane déclenche à lui seul l’assujettissement aux redevances douanières et à l’importation. Ainsi, la recourante, en tant que destinataire de la marchandise et personne pour le compte de laquelle des marchandises ont été importées et commandées, est une personne assujettie au sens de l’art. 51 LTVA en lien avec l’art. 70 al. 2 let. c LD au même titre que F._______. La recourante est donc solidairement débitrice des droits de douanes et de la TVA à l’importation avec F._______.

 

5.3 La recourante avance qu’elle a acquis les frites et l’huile de bonne foi et qu’elle n’est en rien responsable des infractions commises par F._______ et donc du non-paiement par ce dernier de cette somme correspondant aux redevances douanières. Elle ne serait ainsi pas débitrice du montant de CHF 1'014.95 correspondant aux 400 Kg de frites et 40 litres d’huile commandés.

 

5.4 Il n’est pas nécessaire qu’une infraction pénale ait été réalisée pour que la recourante soit débitrice solidaire des montants d’impôts liés aux importations litigieuses. Il n’est pas non plus nécessaire qu’une action pénale ait été intentée respectivement qu’une infraction pénale soit constatée par un jugement à l’encontre de la recourante, dès lors qu’il est établi que des contributions fiscales n’ont pas été prélevées pour les 400 Kg de frites et 40 litres d’huile. Le fait que la recourante soit de bonne foi, ce qui n’est aucunement remis en cause par le Tribunal, n’y change rien. En effet, la faute ainsi que le comportement découlant du fait d’une tierce personne n’est pas décisif. Le seul critère décisif constitue l’assujettissement aux droits de douane (cf. art. 70 LD) ainsi qu’à l’impôt sur les importations (cf. art. 51 LTVA). En tant que personne pour le compte de laquelle 400 Kg de frites et 40 litres d’huile ont été commandés et livrés et donc comme assujettie aux redevances précitées, la recourante est débitrice du montant de CHF 1'014.95. Elle ne peut pas se prévaloir du fait qu’elle ignorait que ce montant n’avait pas été acquitté par F._______ respectivement qu’elle n’avait pas connaissance du fait que ce dernier aurait éventuellement commis une infraction. En effet, elle est tenue au paiement de l'impôt, même si elle ne savait rien de son obligation de déclaration des marchandises et n'a tiré aucun avantage personnel des infractions commises (cf. arrêt du TAF A-4158/2016 du 4 avril 2017 consid. 3.5.3).

 

5.4.1 Il sied de relever que F._______ est également débiteur de ce montant de CHF 1'014.95. Cela ne signifie pas que la recourante est libérée du paiement, respectivement de son statut de débitrice. Au contraire, elle est débitrice solidaire avec F._______. Il découle de cette solidarité que les autorités douanières peuvent obtenir le montant des redevances non payées auprès de toutes les personnes débitrices de la dette fiscale, y compris la recourante. Pour le surplus, la recourante pourra le cas échéant, se retourner contre F._______ pour réclamer la somme dont elle se sera acquittée (cf. ci-dessus, consid. 3.3. in fine).

 

5.4.2 Enfin, la dette douanière d’un montant de CHF 1'014.95 était exigible dès le 9 février 2017, soit dès que l’omission de déclaration a été découverte, de sorte qu’un intérêt moratoire est dû depuis cette date sur la somme totale précitée (cf. art. 57 LTVA; art. 69 let. c LD en lien avec l’art. 50 LTVA).

 

6. 

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que les autorités douanières ont rendu une décision de perception subséquente à l’encontre de la recourante pour un montant total de CHF 1'014.95 (CHF 62.80 + CHF 560.- + CHF 336.- + CHF 56.15 de TVA), somme des redevances non perçues correspondant aux 400 Kg bruts de frites et 40 litres d’huile (250 Kg bruts le [...] 2016, 150 Kg bruts le [...] 2017 et 40 litres le [...] 2016) importés pour le compte de la recourante entre (...) 2016 et (...) 2017. La recourante, qui ne remet aucunement en cause les calculs d’assiette effectués par l’autorité inférieure, est ainsi débitrice du montant précité du fait de son assujettissement à la dette douanière et à la TVA à l’importation et ce même si elle n’a commis aucune faute.

 

7. 

Les considérants qui précèdent conduisent le Tribunal administratif fédéral à rejeter le recours. Vu l'issue de la cause, les frais de procédure arrêtés à 500 francs sont mis à la charge de la recourante qui succombe, en application de l'art. 63 al. 1 PA et des art. 1 ss du Règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2). L'autorité de recours prélève, selon le dispositif, l'avance de frais déjà versée. Une indemnité à titre de dépens n'est allouée ni à la recourante, qui n’est par ailleurs pas représentée (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario), ni à l'autorité inférieure (art. 7 al. 3 FITAF). 

(Le dispositif est porté à la page suivante) 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce: 

1. 

Le recours est rejeté. 

2. 

Les frais de procédure fixés à 500 (cinq cents) francs sont mis à la charge de la recourante. Ils sont prélevés sur l’avance de frais du même montant versée par la recourante. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé: 

  • –  à la recourante (Acte judiciaire) 
  • –  à l'autorité inférieure (n° de réf. [...]; Acte judiciaire) 

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante. 

 

Indication des voies de droit: 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle et doit indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

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