Sunday, October 31, 2021

VAT (Swiss Law)

 

VAT (Swiss Law)

 

Notion de contre-prestation

Rabais, escomptes et autres remises

Diminution de la contre-prestation imposable

Contrat d’entreprise générale

 

 

Tribunal fédéral suisse

2C_647/2021  

Arrêt du 1er novembre 2021  

IIe Cour de droit public  

 

Participants à la procédure 

A.________ SA, 

représentée par, 

recourante, 

 

contre  

 

Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne. 

 

Objet 

Taxe sur la valeur ajoutée (2011 à 2014; diminution de la contre-prestation imposable), 

 

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 28 juin 2021 (A-2119/2021). 

 

 

(…)

 

5.  

La recourante prétend que l'arrêt attaqué viole la loi fédérale du 12 juin 2009 sur la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20) et, plus particulièrement, son art. 41 al. 1. Le Tribunal administratif fédéral aurait refusé à tort que les notes de crédits sur acompte émises lors de la construction de l'immeuble à Carouge, soient déduites de son chiffres d'affaires pour le calcul de la TVA des années 2011 à 2014.

 

 

5.1. La Confédération perçoit une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à chaque stade du processus de production et de distribution (art. 1 al.1 LTVA). Sont notamment soumises à TVA les prestations fournies sur le territoire suisse par des entreprises assujettis moyennant une contre-prestation (art. 18 al. 1 LTVA). Une prestation consiste dans le fait d'accorder à un tiers un avantage économique consommable dans l'attente d'une contre-prestation (art. 3 let. c LTVA). Elle peut aussi bien prendre la forme de livraisons de biens que de prestations de services (art. 3 let. d et e LTVA). Quant à la contre-prestation, elle représente la valeur patrimoniale que le destinataire de cette prestation, ou un tiers à sa place, remet en contrepartie (art. 3 let. d à f LTVA). La TVA se calcule sur la contre-prestation effective, qui comprend notamment la couverture de tous les frais, qu'ils soient facturés séparément ou non, ainsi que les contributions de droit public dues par l'assujetti (art. 24 al. 1 LTVA).

 

 

5.2. La contre-prestation remise en échange d'une prestation - déterminante pour le calcul de la TVA (cf. supra consid. 5.1) - est en règle générale acquittée sous la forme d'une somme d'argent. Elle peut cependant revêtir d'autres formes, telles que la livraison d'un bien ou la fourniture d'un service en échange, ainsi la reprise d'une dette du prestataire. En d'autres termes, la contre-prestation peut être tout avantage patrimonial accordé par le destinataire (arrêt 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.4). Elle peut selon les circonstances être versée à une autre personne que le prestataire: c'est notamment le cas lorsque le destinataire paie une dette de ce dernier (cf. notamment AFC, Info TVA 07 - Calcul de l'impôt et taux de l'impôt, ch. 1.3.1, consulté le 13 octobre 2021 sur www.estv.admin.ch; BOSSART/CLAVADETSCHER, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer, 2015, n° 81 ad art. 18 LTVA). Ainsi, lorsque le destinataire d'une prestation paie lui-même les sous-traitants de l'entreprise prestataire, ses versements constituent en principe autant de contre-prestations - ou avantages patrimoniaux - offertes à celle-ci, qui devrait sinon rétribuer elle-même de tels sous-traitants. Peu importe que ces coûts n'apparaissent dès lors pas dans la facture que l'entreprise assujettie adresse à son client (cf. arrêt 2A.215/2003 du 20 janvier 2005 consid. 7).

 

 

5.3. La problématique des rabais, escomptes et autres remises sur le prix d'une prestation est pour sa part réglée à l'art. 41 al. 1 LTVA. Selon cette disposition, si la contre-prestation acquittée par le destinataire de la prestation ou convenue avec lui est corrigée, le chiffre d'affaires imposable de l'entreprise assujettie doit être adapté au moment de la comptabilisation de la correction ou de l'encaissement effectif de la contre-prestation corrigée. Cela signifie que les remises accordées lors de la conclusion du contrat ou postérieurement à celle-ci (réductions de contre-prestation accordées ensuite de rabais, d'escomptes ou autres) peuvent être déduites de la contre-prestation convenue pour le calcul de la TVA. Une telle déduction n'est cependant admissible, d'après la jurisprudence, que si elle se trouve dans un rapport direct avec l'opération à la base de la contre-prestation initiale (arrêt 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.4; voir également ATF 136 II 441 consid. 3.2 et 2C_928/2010 du 28 juin 2011 consid. 2.3 rendu en application de l'ancienne LTVA).

 

 

5.4. S'agissant du fardeau de la preuve, conformément au principe général de l'art. 8 CC, il appartient à l'autorité fiscale d'établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette fiscale ou la suppriment (cf. ATF 143 II 661 consid. 7.2, 140 II 248 consid. 3.5; 121 II 257 consid. 4c/aa).

 

 

5.5. En l'occurrence, dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a constaté qu'entre le 12 décembre 2013 et le 7 octobre 2014, la recourante avait perçu des acomptes d'un montant total de 8'084'646 fr. 51 pour la construction d'un immeuble "clef en main" à la rue E.________ à Carouge. Il a également établi qu'après réception desdits acomptes, l'intéressée avait émis des notes de crédit pour une somme cumulée de 3'868'000 fr., avant d'effectuer divers versements d'une valeur correspondante sur un compte bancaire détenu par F.________, C.________ et G.________. Le Tribunal administratif fédéral n'a en revanche pas déterminé si ces trois personnes représentaient les véritables maîtres de l'ouvrage, le cas échéant organisés sous la forme d'une société simple, sachant que le contrat d'entreprise avait été formellement conclu par une société anonyme tierce, soit D.________ SA. Il n'est de toute manière pas parvenu à établir les motifs des versements effectués en leur faveur, ni la manière dont leurs montants avaient été fixés, de sorte qu'il n'a pas discerné en quoi de tels versements auraient pu entretenir un lien direct avec la construction commandée à la recourante. En l'absence d'un tel lien, le Tribunal administratif fédéral a retenu que ces versements ne constituaient en aucun cas des réductions de la contre-prestation reçue par la recourante au sens de l'art. 41 al. 1 LTVA.

 

 

5.6. On ne voit pas que le raisonnement suivi dans l'arrêt attaqué, tel qu'il vient d'être présenté, violerait le droit fédéral. Sans connaître la justification et la finalité exactes des notes de crédit émises par la recourante, il est impossible de considérer qu'elles se trouveraient dans un lien direct avec la construction de l'immeuble de Carouge et, partant, qu'elles auraient diminué la contre-prestation obtenue par l'intéressée pour la réalisation de cet ouvrage en application de l'art. 41 al. 1 LTVA. Le simple fait que ces notes de crédit aient donné lieu à divers versements en faveur des personnes ayant prétendument commandé et financé l'immeuble sous la forme d'une société simple ne suffit pas à démontrer un tel lien, quoi que répète la recourante dans son mémoire. Comme le relève l'AFC dans sa réponse, il est tout à fait envisageable que de tels versements aient servi à rétribuer des prestations effectués sur ou en dehors dudit chantier par les récipiendaires, qui étaient alors tous actifs d'une manière ou d'une autre dans l'immobilier, ou qu'ils aient représenté des dividendes dissimulés en faveur de ces mêmes personnes, sachant qu'elles étaient toutes actionnaires de sociétés impliquées dans le projet de Carouge (et notamment de la recourante). Il incombait à la recourante, en tant qu'entreprise prestataire assujettie à la TVA, de démontrer le contraire et d'apporter les éléments permettant de déterminer la véritable raison des versements qu'elle a opérés. Elle doit supporter les conséquences de cette absence de preuve, laquelle empêche d'admettre l'existence d'un rapport direct entre les notes de crédit et sa prestation d'entreprise générale et, partant, toute réduction de la contre-prestation obtenue pour ce travail en application de l'art. 41 al. 1 LTVA.  

 

 

(…)

 

 

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  

 

1.  

Le recours est rejeté. 

 

2.  

Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 

 

3.  

Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

Monday, October 25, 2021

Lugano Convention - Brexit

 

Lugano Convention

Jurisdiction (EU)

Conflict of Laws (EU)

Brexit

Responsibility of the Board of Directors (Swiss Law)

 

 

Tribunal fédéral suisse

4A_133/2021; 4A_135/2021  

Arrêt du 26 octobre 2021  

Ire Cour de droit civil  

 

 

4.  

Selon la jurisprudence, une cause est de nature internationale lorsqu'elle a une connexité suffisante avec l'étranger, ce qui est toujours le cas lorsque l'une des parties possède son domicile ou son siège à l'étranger, peu importe que ce soit le demandeur ou le défendeur, et indépendamment de la nature de la cause (ATF 141 III 294 consid. 4; arrêt 4A_443/2014 du 2 février 2015 consid. 3.1). Tel est le cas en l'espèce, car les sociétés demanderesses ont leur siège au Royaume-Uni et en Lettonie.

 

 

4.1. En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la LDIP, sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b et al. 2 LDIP).

 

 

4.1.1. Les États parties à la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano révisée le 30 octobre 2007 [CL]; RS 0.275.12) sont la Suisse, l'Union européenne, l'Islande, la Norvège et le Danemark (sans les Iles Féroé et le Groenland), mais pas le Royaume-Uni. Celui-ci était auparavant lié par la CL en sa qualité de membre de l'Union européenne. Il est toutefois sorti de celle-ci le 31 janvier 2020 ( Brexit). Les modalités de cette sortie ont été réglées par l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (JO L 29 du 31 janvier 2020, p. 7 ss; ci-après: Accord de retrait), lequel prévoyait notamment une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020 (art. 126 de l'Accord de retrait) pendant laquelle le Royaume-Uni continuait d'être traité comme un État lié par la CL (cf. art. 129 par. 1 de l'Accord de retrait, qui dispose que, pendant la période de transition, le Royaume-Uni est lié par les obligations découlant des accords internationaux conclus par l'UE). Conformément à l'Échange de notes des 28/30 juin 2020 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la continuation de l'application des accords entre la Suisse et l'Union européenne au Royaume-Uni pendant la période de transition après son retrait de l'Union européenne au 31 janvier 2020 (RS 0.122.1), il a été convenu qu'en ce qui concernait la législation suisse, le terme "Etat membre de l'UE" continuerait d'inclure le Royaume-Uni durant la période de transition (arrêt 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 6.1.1 destiné à la publication).

 

 

4.1.2. Selon l'art. 67 par. 1 de l'Accord de retrait, les dispositions du Règlement de l'Union européenne no 1215/2012 (Règlement Bruxelles I), lequel constitue le pendant de la CL dans les relations entre les divers États membres de l'Union européenne, s'appliquent, sur le territoire du Royaume-Uni et des États membres de l'Union européenne, aux actions judiciaires intentées avant la fin de la période de transition en cas de situations impliquant le Royaume-Uni. Selon l'Office fédéral de la justice, lequel s'est prononcé sur les conséquences du Brexit sur l'application de la CL, les autorités judiciaires saisies demeurent compétentes lorsque la procédure a été introduite sous le régime de la CL et demeure pendante au 1er janvier 2021 (OFJ, Auswirkungen des "Brexit" auf das Lugano-Übereinkommen, RSPC 2021 p. 86).

 

 

4.2. Sous réserve d'autres dispositions prévues par la CL, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État lié par la CL sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État (art. 2 al. 1 CL). L'application de l'art. 2 CL suppose le domicile du défendeur dans un État contractant, ainsi qu'un autre élément international; celui-ci est donné lorsque le demandeur a son domicile à l'étranger, même si l'État du domicile n'est pas partie à la CL (ATF 135 III 185 consid. 3.3; arrêt 4A_224/2013 du 7 novembre 2013 consid. 2.1).  

En l'occurrence, la procédure a été introduite en 2014, soit bien avant le Brexit, par deux sociétés ayant leur siège dans des États qui étaient alors tous deux membres de l'Union Européenne et, partant, liés par la CL, à l'encontre de défendeurs ayant tous leur domicile respectivement leur siège en Suisse, elle aussi partie à la CL. Les sociétés demanderesses ont fondé leurs prétentions sur la responsabilité des organes de la société anonyme (art. 754 ss CO), matière relevant du champ d'application de ladite convention (art. 1 al. 1 CL; arrêt 4A_36/2016 du 14 avril 2016 consid. 3.2). La compétence des autorités suisses repose ainsi sur l'art. 2 CL.

 

 

4.3. L'art. 2 al. 1 CL règle exclusivement la compétence internationale, c'est-à-dire la compétence générale des tribunaux de l'État du domicile du défendeur, mais non la compétence locale (le for interne) dans l'État du domicile, laquelle est régie par le droit interne de celui-ci, soit en l'occurrence par les dispositions de la LDIP (ATF 131 III 76 consid. 3.4; arrêts 4A_36/2016, précité, consid. 3.5.1; 4A_224/2013, précité, consid. 2.1).

 

 

4.4. Aux termes de l'art. 151 al. 1 LDIP, lors de différends relevant du droit des sociétés, les tribunaux suisses du siège de la société sont compétents pour connaître des actions contre la société, les sociétaires ou les personnes responsables en vertu du droit des sociétés. Les tribunaux suisses du domicile ou, à défaut de domicile, ceux de la résidence habituelle du défendeur sont également compétents pour connaître des actions contre un sociétaire ou une autre personne responsable en vertu du droit des sociétés (art. 151 al. 2 LDIP).

 

 

4.5. L'autorité de première instance s'est déclarée compétente au regard de l'art. 151 al. 1 LDIP pour connaître de l'action en dommages-intérêts intentée à l'égard des responsables en vertu du droit des sociétés. Pareille solution, qu'aucune partie ne remet en cause à ce stade, ne prête pas le flanc à la critique.

 

 

4.6. Conformément aux règles de conflit pertinentes en l'espèce, le droit suisse régit la responsabilité pour violation des prescriptions du droit des sociétés (art. 154 et 155 let. g LDIP).

 

 

7.1. En vertu de l'art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. La responsabilité des administrateurs envers la société fondée sur cette disposition est subordonnée à la réunion des quatre conditions générales suivantes, à savoir la violation d'un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et l'existence d'un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir et la survenance du dommage (ATF 132 III 342 consid. 4.1; arrêts 4A_294/2020 du 14 juillet 2021 consid. 4.1.1; 4A_342/2020 du 29 juin 2021 consid. 5.1). Il appartient à la partie demanderesse à l'action en responsabilité de prouver la réalisation de ces conditions (art. 8 CC), qui sont cumulatives (ATF 136 III 148 consid. 2.3; 132 III 564 consid. 4.2; arrêt 4A_294/2020, précité, consid. 4.1.2.1.2 et les références citées).  

L'art. 754 al. 1 CO vise non seulement les membres du conseil d'administration, mais également toute personne qui s'occupe de la gestion, à l'instar des directeurs de la société anonyme, lesquels dépendent directement du conseil d'administration (arrêt 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 4.2). La responsabilité fondée sur cette disposition incombe donc non seulement aux membres du conseil d'administration, mais aussi aux organes de fait, c'est-à-dire à toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation de la société, à savoir celles qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d'une manière déterminante (ATF 132 III 523 consid. 4.5; 128 III 29 consid. 3a; arrêt 4A_294/2020, précité, consid. 3.1). Pour qu'une personne soit reconnue comme administrateur de fait, il faut qu'elle ait eu la compétence durable de prendre des décisions excédant l'accomplissement des tâches quotidiennes, que son pouvoir de décision apparaisse propre et indépendant et qu'elle ait été ainsi en situation d'empêcher la survenance du dommage (ATF 136 III 14 consid. 2.4; 132 III 523 consid. 4.5).

 

 

7.2.1. L'administrateur qui n'exerce pas ses attributions avec toute la diligence nécessaire (art. 717 al. 1 CO) manque à ses devoirs (première condition) au sens de l'art. 754 al. 1 CO. L'administrateur doit ainsi faire preuve de toute la diligence nécessaire, et pas seulement de l'attention qu'il porterait à ses propres affaires (ATF 139 III 24 consid. 3.2). La diligence due doit être appréciée objectivement en tenant compte de toutes les circonstances: il faut donc comparer le comportement que l'administrateur a eu avec celui qu'un administrateur raisonnable, confronté aux mêmes circonstances, aurait eu. En se plaçant au moment du comportement ou de l'omission reproché à l'administrateur, il faut se demander si, en fonction des renseignements dont il disposait ou pouvait disposer, son attitude paraît raisonnablement défendable (ATF 139 III 24 consid. 3.2 et les références citées; arrêts 4A_342/2020, précité, consid. 5.2.1; 4A_19/2020 du 19 août 2020 consid. 3.1.2, non publié in ATF 146 III 441).  

Il appartient notamment à l'administrateur de contrôler de manière régulière la situation économique et financière de la société (ATF 132 III 564 consid. 5.1). L'obligation de surveillance subsiste même si l'administrateur a délégué le pouvoir d'agir à l'actionnaire unique et propriétaire économique de la société; en effet, l'administrateur n'est pas seulement responsable envers les actionnaires, il l'est aussi envers la société en tant qu'entité juridique autonome et envers les créanciers de la société (arrêt 4A_120/2013 du 27 août 2013 consid. 3). S'il ressort du dernier bilan annuel que la moitié du capital-actions et des réserves légales n'est plus couverte, le conseil d'administration convoque immédiatement une assemblée générale et lui propose des mesures d'assainissement (art. 725 al. 1 CO). S'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification de l'organe de révision (art. 725 al. 2 1re phrase CO). Lorsque les dettes sociales ne sont plus couvertes, les administrateurs doivent en principe en aviser le juge (art. 725 al. 2 CO). Exceptionnellement, il peut être renoncé à un avis immédiat au juge, si des mesures tendant à un assainissement concret et dont les perspectives de succès apparaissent comme sérieuses sont prises aussitôt (ATF 132 III 564 consid. 5.1; 116 II 533 consid. 5a). En pratique, pour déterminer s'il existe des "raisons sérieuses" d'admettre un surendettement, le conseil d'administration ne doit pas seulement se fonder sur le bilan, mais aussi tenir compte d'autres signaux d'alarmes liés à l'évolution de l'activité de la société, tels que l'existence de pertes continuelles ou l'état des fonds propres. L'administrateur qui tarde de manière fautive à aviser le juge au sens de l'art. 725 al. 2 CO répond du dommage qui en découle (ATF 132 III 564 consid. 5.1). 

 

Thursday, October 7, 2021

Intellectual Property - Counterfeiting and Piracy - Swiss Watches

Intellectual Property

Counterfeiting and Piracy

Import

Customs

 

Intellectual Property Rights enforcement program

Suspected violations can be reported to CBP here

 

Louisville CBP Continues to See and Seize Counterfeit Designer Watches

Republication

https://www.cbp.gov/newsroom/local-media-release/louisville-cbp-continues-see-and-seize-counterfeit-designer-watches

Release Date: 

October 7, 2021

 

LOUISVILLE, Ky— From September 10-30 U.S. Customs and Border Protection (CBP) officers assigned to the Port of Louisville seized 66 separate shipments containing 3,345 counterfeit designer watches worth $67.07 million, and the flow of counterfeit watches continue. On October 4 and 5, CBP officers made two seizures of 59 Rolex and three Audemars Piguet counterfeit designer watches. Had these watches been real, they would have been worth $2.68 million. Counterfeit watches like these continue to pour into the U.S., but CBP officers are seizing these nightly. Louisville CBP recently seized 62 designer watches that could have been worth $2.6 million.

The first shipment arrived from Hong Kong and was destined for a residence in Puerto Rico. The second shipment was arriving from Hong Kong and was heading to Miami. Officers inspected these parcels to determine if the goods were admissible in accordance with CBP regulations. The first shipment had 24 Rolex watches and 3 Audemars Piguet watches, while the second parcel contained 35 Rolex watches. The watches were determined to be counterfeit by CBP’s trade experts at the Centers of Excellence and Expertise. If they were real, the watches would have been valued at $987,000 and $1.69 million respectively.

“Our officers and import specialists have done an excellent job targeting shipments and identifying counterfeit items,” said LaFonda Sutton-Burke, Director, Field Operations-Chicago. “CBP protects businesses and consumers every day with an aggressive intellectual property rights enforcement program.”

Historically, counterfeit watches and jewelry have been one of the top seized counterfeit products by CBP, with more than a quarter of the counterfeit goods coming from Hong Kong. Counterfeit watches and jewelry make up almost half of the total MSRP of seized goods (an average of $650 million over the last two years).

“CBP officers play a critical role in the Nation’s efforts to keep unsafe counterfeit and pirated goods from harming the American public,” said Thomas Mahn, Port Director-Louisville.  “This is yet another dramatic example of how CBP officers work every day to protect the American consumer, the US economy and US jobs.”

Sold in underground outlets and on third party e-commerce websites, counterfeit commodities fund smugglers and members of organized crime. Consumers often believe they are buying a genuine product but soon realize the item is substandard and potentially dangerous.

CBP Trade protects the intellectual property rights of American businesses through an aggressive Intellectual Property Rights enforcement program, safeguarding them from unfair competition and use for malicious intent while upholding American innovation and ingenuity. Suspected violations can be reported to CBP here.

Every year, CBP seizes millions of counterfeit goods from countries around the world as part of its mission to protect U.S. businesses and consumers. These goods include fake versions of popular products, such as smartphones and related accessorieselectronicsapparelshoescosmetics, and high-end luxury goods, as well as goods posing significant health and safety concerns, such as counterfeit pharmaceuticals, bicycle and motorcycle helmets, medical devices, supplements and other consumables. Sold online and in stores, counterfeit goods hurt the U.S. economy, cost Americans their jobs, threaten consumer health and safety, and fund criminal activity. Visit the National IPR Coordination Center for more information about IPR including counterfeiting and piracy.

Nationwide in Fiscal Year 2020, CBP seized 26,503 shipments containing goods that violated intellectual property rights. The total estimated value of the seized goods, had they been genuine, was nearly $1.3 billion. CBP has established an educational initiative to raise consumer awareness about the consequences and dangers that are often associated with the purchase of counterfeit and pirated goods. Information about the Truth Behind Counterfeits public awareness campaign can be found at https://www.cbp.gov/FakeGoodsRealDangers.

CBP's border security mission is led at 328 ports of entry by CBP officers from the Office of Field Operations.  Please visit CBP Ports of Entry to learn more about how CBP’s Office of Field Operations secures our nation’s borders. Learn more about CBP at www.CBP.gov.

 

U.S. Customs and Border Protection is the unified border agency within the Department of Homeland Security charged with the management, control and protection of our nation's borders at and between official ports of entry. CBP is charged with securing the borders of the United States while enforcing hundreds of laws and facilitating lawful trade and travel.

 

Tuesday, October 5, 2021

Customs Law (Swiss)

Customs Law (Swiss)

 

Admission temporaire

 

Admission temporaire en franchise (de moyens de transport étrangers)

 

Créance de perception subséquente

 

Application du DPA en droit douanier

 

Exigibilité de la dette douanière

 

Assujettissement indépendant de toute forme de faute

 

Principe de la bonne foi

 

 

 

 

Tribunal administratif fédéral

 

https://www.bvger.ch/bvger/fr/home/jurisprudence/entscheiddatenbank-bvger.html

Cour I A-185/2021 

 

Arrêt du 5 octobre 2021 

A.________,
représentée par, 

recourante, 

contre 

Administration fédérale des douanes (AFD), 

Domaine de direction Poursuite pénale, autorité inférieure. 

Droits de douane, perception subséquente.

 

 

Objet 

Faits : 

 

A. 

A.________ (ci-après : la Société) est une société anonyme ayant son siège à ***, inscrite au registre du commerce depuis le *** 1981. La Société a pour but le « transport de véhicules automobiles et de marchandises par route, par wagon, par avion et bateau, des centres de production au lieu de destination des marchandises en Suisse ainsi que leur entreposage dans le réseau suisse de distribution ». 

 

B.
B.a 
Le 24 avril 2020, l’administration fédérale des douanes (ci-après : AFD) a ouvert une enquête qui a été dirigée par la Section Antifraude douanière Nord du Domaine de direction Poursuites pénales. 

 

B.b Cette enquête a permis d’établir que des transports réguliers de pièces détachées d’automobiles entre la France et la Suisse ont été mis en œuvre par la Société. Lors de ces transports, des semi-remorques immatriculées en France ont été acheminées de ce pays jusqu’à ***, où elles ont été dételées et déposées. Mandatées par la Société, des entreprises tierces ont ensuite effectué les acheminements ultérieurs entre *** et les destinataires domiciliés à *** et ***, en utilisant des véhicules tracteurs suisses. Ainsi, à partir d’avril 2017, la société B.________, dont le siège est à ***, et l’entreprise individuelle C.________, dont le siège est à ***, ont acheminé, pour le compte de la Société, au moins 21 semi-remorques étrangères à l’intérieur de la Suisse. Il ressort également de cette enquête que les semi-remorques engagées pour effectuer ces transports n’avaient pas été mises en libre pratique (dédouanement à l’importation) au préalable.

 

C. 

Par lettre du 3 septembre 2020, l’AFD a informé la Société de son intention de lui réclamer le montant total de CHF 31'879.25, à titre de redevances non perçues grevant les semi-remorques impliquées dans les transports précités. Le montant en question comprenait une créance de droits de douane de CHF 17'428.80, une créance de TVA de CHF 13'506.90, des émoluments de CHF 600 et des intérêts moratoires de CHF 343.55. La société était en outre informée qu’elle pouvait prendre position sur la lettre précitée. Une liste détaillée du calcul des redevances pour la période du 3 avril 2017 au 4 octobre 2019 et un bulletin de versement étaient joints à la lettre de l’autorité. 

 

D. 

Par lettre du 20 octobre 2020, la Société, par l’intermédiaire de son conseil, a pris position. Elle fait valoir que le tractage des semi-remorques provenant de France à leur destination finale en Suisse avait été dûment autorisé, en se référant à une discussion entre l’un de ses anciens employés et deux collaborateurs de l’AFD, Inspection de douane de Boncourt Delle Autoroute (ci-après : ID-BODA), ainsi qu’à un courriel du 28 mars 2017 envoyé par un ancien employé de la Société à l’ID-BODA. Le courriel précité, joint à la lettre du 20 octobre 2020, était rédigé en ces termes : 

« [...] Bonjour ***, 

Suite à notre discussion de ce jour et en ce qui concerne les horaires des camions en DA ***. 

Le planning pour les flux normaux est le suivante [sic] : 14h00
19h00
21h00 

+ selon les pics d’activité des supplémentaires 

Les semi-remorques ***, seront déposées à *** et ensuite tractionné par A.________ vers la destination finale qui sont *** et ***. 

N’hesite [sic] pas à me contacter en cas de questions Bonne soirée
[...] ». 

Enfin, la Société demandait à l’AFD de bien vouloir rendre une décision et de lui transmettre l’entier du dossier pour consultation. 

 

E. 

Par décision de perception subséquente du 30 novembre 2020, l’AFD a assujetti la Société au paiement d’un montant total de CHF 31'879.25, à titre de redevances non perçues (ch. 1). Elle a par ailleurs accordé à la Société l’accès à l’intégralité des actes d’enquêtes enregistrés sous le numéro de dossier *** (ch. 2). 

 

F. 

Par acte du 13 janvier 2021, la Société (ci-après : la recourante), par l’intermédiaire de son mandataire, a interjeté un recours devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal) contre la décision de perception subséquente précitée, en concluant à son annulation, sous suite des frais judiciaires et dépens. La recourante estime d’abord que le courriel du 28 mars 2017 que son ancien collaborateur avait adressé à l’autorité douanière doit être considéré comme une demande de dérogation au principe de l’interdiction de l’utilisation de moyens de transport étrangers pour des transports internes effectués à des fins commerciales. Elle considère ensuite que sa bonne foi doit être protégée, dès lors que l’autorité inférieure avait donné son accord ou, à tout le moins, avait manqué à son devoir d’information. A l’appui de son recours, elle a déposé un bordereau comprenant plusieurs pièces justificatives. 

 

G. 

Par réponse du 5 mars 2021, l’AFD, représentée par la Direction générale des douanes (ci-après : DGD ou autorité inférieure), a conclu au rejet du recours. Elle estime en substance que l’organisation des transports mise en place par la recourante depuis avril 2017 constitue bien un transport intérieur (cabotage) non admis en franchise et que le courriel du 28 mars 2017 de la recourante ne saurait être reconnu comme une demande de dérogation. La perception a posteriori des redevances réclamées par la décision attaquée serait par conséquent justifiée. Enfin, s’agissant du principe de la bonne foi invoqué par la recourante, l’autorité inférieure considère que l’existence d’une promesse ou d’un renseignement de l’administration fait défaut. A l’appui de sa réponse, elle a produit un bordereau de pièces accompagné du dossier de la cause comprenant six classeurs et trois boîtes cartonnées. 

Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que nécessaire, dans la partie en droit. 

 

Droit : 

 

1.
1.1 
Sous réserve des exceptions prévues à l’art. 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), celui-ci, en vertu de l’art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF, notamment l’AFD. En vertu de l’art. 116 al. 2 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0), l’AFD est représentée par la DGD dans les procédures devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral.

 

1.2 La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral est régie par la PA, pour autant que la LTAF n’en dispose pas autrement (cf. art. 37 LTAF ; art. 2 al. 4 PA ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [TAF] A-4510/2018 du 20 mai 2019 consid. 1.2 et A-3322/2018 du 11 décembre 2018 consid. 1 ; voir également art. 116 al. 4 LD). 

 

1.3 La recourante, qui est directement touchée par la décision attaquée, dont elle est la destinataire, et qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, a manifestement qualité pour porter l’affaire devant le Tribunal administratif fédéral (cf. art. 48 al. 1 PA). La décision attaquée, datée du 30 novembre 2020, a été notifiée à la recourante le 3 décembre 2020. Compte tenu des féries judiciaires d’hiver (cf. art. 22al. 1 let. c PA), le recours, déposé le 13 janvier 2021, est intervenu dans le délai légal de trente jours (cf. art. 50 al. 1 PA). Un examen préliminaire relève qu’il répond en outre aux exigences de forme et de contenu de la procédure administrative (cf. art. 52 al. 1 PA). Il convient donc d’entrer en matière sur le recours. 

 

1.4 La recourante peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et l’inopportunité (cf. art. 49 PA ; cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8éd., Zurich 2020, n. marg. 1146 ss ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/ LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2éd., Bâle 2013, n. marg. 2.149). 

1.5 Le Tribunal administratif fédéral constate les faits et applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués à l’appui du recours (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 300 s.). La maxime inquisitoire doit toutefois être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l’établissement des faits, en vertu duquel celles-ci doivent notamment indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver leur requête (cf. art. 52 al. 1 PA). Partant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n’examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1 et 122 V 157 consid. 1a ; ATAF 2014/24 consid. 2.2 et 2012/23 consid. 4 ; ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER/MARTIN BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2013, ch. 1135 s.). 

 

2. 

Le litige porte sur la perception subséquente de redevances douanières et de la TVA à l’importation grevant des semi-remorques transportant des pièces détachées d’automobiles. Entre le 3 avril 2017 et le 4 octobre 2019, au moins 21 semi-remorques immatriculées en France ont transporté ces marchandises de la France à ***, pour le compte de la recourante. Deux sociétés suisses ont ensuite acheminé, toujours pour le compte de la recourante, les semi-remorques étrangères à l’intérieur de la Suisse. D’après la décision attaquée, le montant d’impôts non perçu grevant ces semi-remorques s’élève à CHF 31'879.25. 

Le litige porte d’abord sur la licéité de l’organisation des transports mise en place par la recourante (cf. consid. 3 infra), leur éventuelle admission temporaire en franchise ou leur obligation de présentation en douane et de déclaration (cf. consid. 4 infra).

 

3.
3.1 
La recourante explique ne pas avoir considéré que l’organisation de ses transports dès avril 2017 était constitutive d’un transport intérieur (cabotage) interdit par l’art. 34 al. 1 de l’ordonnance du 1er novembre 2006 sur les douanes (OD, RS 631.01). Elle prétend par ailleurs que les discussions qu’elle a entretenues avec l’autorité douanière et le courrier électronique du 28 mars 2017 qu’elle lui a adressé doivent être considérés comme une demande de dérogation à l’interdiction prévue à l’art. 34 al. 1 OD. 

 

3.2 De son côté, l’autorité inférieure est d’avis que l’organisation des transports mise en place par la recourante constitue un transport intérieur non admis en franchise. Elle estime à cet égard que le courriel de la recourante du 28 mars 2017 ne saurait être considéré comme une demande de dérogation. 

 

3.3 Selon l’art. 7 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0) et l’art. 1 de la loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD, RS 632.10), les marchandises introduites dans le territoire douanier sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées conformément aux dispositions des lois précitées (Grundsatz der allgemeinen Zollpflicht). Les tarifs douaniers sont précisés dans les annexes de la LTaD. Demeurent toutefois réservés les dérogations, ainsi que les allègements et les exemptions prévus par les traités internationaux ou par les dispositions spéciales de lois ou d’ordonnances (cf. art. 2 et 8 ss LD et art. 1 al. 2 LTaD ; arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1 [arrêt confirmé par l’arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020] ; A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.1 et les références citées). 

 

3.4 La Loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA, RS 641.20) est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (cf. RO 2009 5203 ; Message du Conseil fédéral du 25 juin 2008 sur la simplification de la TVA, FF 2008 6277). Aux termes de l’art. 1 al. 2 let. c LTVA, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue également pour toutes importations de biens (impôt sur les importations, cf. art. 50 ss LTVA). La LD s’applique à l’impôt sur les importations pour autant que les dispositions de la LTVA n’y dérogent pas (cf. art. 50 LTVA ; XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse, 2021, § 16 n° 382). Sont soumises à l’impôt sur les importations, l’importation de biens, y compris les prestations de services et les droits y afférents (cf. art. 52 al. 1 let. a LTVA). L’objet de l’impôt sur les importations est le même que l’objet de l’impôt en matière de droits de douane (cf. arrêt du TAF A-7049/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.2). L’importation du bien, c’est- à-dire son transfert dans la zone douanière, est le fait générateur de la TVA à l’importation et est, en conséquence, l’élément déclencheur de l’imposition. Un acte à titre onéreux (entgeltliches Umsatzgeschäft) n’est pas requis (cf. arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 [arrêt confirmé par l’arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020] ; A-825/2016 du 10 novembre 2016 consid. 4.2). 

 

3.5 Le régime douanier est fondé sur le principe de l’auto-déclaration, en vertu duquel la personne assujettie doit prendre les mesures nécessaires pour que les marchandises importées et exportées à travers la frontière soient correctement déclarées (art. 18 LD ; art. 21 LD ; art. 25 LD ; arrêts du TAF A-7030/2016 du 17 janvier 2018 consid. 2.2.2 ; A-4277/2015 du 23 octobre 2015 consid. 4 et 5 ; A-1005/2014 du 11 février 2015 consid. 4.4 et les références). 

La perception de l’impôt sur les importations est aussi soumise au principe de l’auto-déclaration (art. 50 LTVA ; arrêts du TAF A-7030/2016 du 17 janvier 2018 consid. 2.2.2 et A-5519/2012 du 31 mars 2014 consid. 4.3 s.).

Les marchandises qui doivent être placées sous un régime douanier – notamment le régime de l’admission temporaire (art. 47 al. 1 et al. 2 let. d LD ; cf. consid. 3.9 infra) – doivent être déclarées pour ce régime

Il est précisé que du point de vue du droit douanier, sont désignées comme marchandises aussi bien les marchandises transportées que le moyen de transport lui-même (AFD, Notice « Transport intérieur (cabotage) de marchandises commerciales », du 19 août 2019, ch. 3.4).

 

3.6 Conformément à l’art. 51 al. 1 LTVA en lien avec l’art. 70 al. 2 et 3 LD, le débiteur de la dette douanière est assujetti à l’impôt sur les importations. Est débiteur de la dette douanière (a) la personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière, (b) la personne assujettie à l’obligation de déclarer ou son mandataire et (c) la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées ou exportées (cf. art. 70 al. 2 LD ; arrêt du TF 2C_535/2019 du 23 juillet 2020 consid. 5 ; ATAF 2015/35 consid. 3.3.2). Le cercle des assujettis doit être interprété de manière large conformément à la volonté du législateur (cf. arrêt du TF 2C_177/2018 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; LYSANDRE PAPADOPOULOS, Notion de débiteur de la dette douanière : fer de lance de l'Administration des douanes, Revue douanière 1/2018, p. 30). Les assujettis aux droits de douane sont imposables pour toutes les importations de biens, sans égard à leur statut de fournisseur ou acheteur de la marchandise, de propriétaire, de commerçant ou encore de simple consommateur. L’élément décisif a ainsi exclusivement trait au fait que les conditions de l’art. 70 LD sont réunies ou ne le sont pas. 

 

3.7 L’art. 34 al. 1 OD dispose que l’admission temporaire en franchise de moyens de transport étrangers pour des transports internes effectués à des fins commerciales est interdite (arrêts du TAF A-825/2016 du 10 novembre 2016 consid. 6.2 et A-5078/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2), sous réserve notamment de l’al. 4 de cette même disposition (cf. consid. 3.10 infra). L’art. 115 al. 1 let. d de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC, RS 741.51) précise par ailleurs que les véhicules automobiles et les remorques immatriculés à l’étranger doivent être pourvus d’un permis de circulation suisse et de plaques de contrôle suisses s’ils servent à transporter contre rémunération des personnes ou des marchandises qui sont prises en charge en Suisse pour y être ensuite déposées (transports intérieurs)La notice de l’AFD intitulée «Transport intérieur (cabotage) de marchandises commerciales », du 19 août 2019, explique qu’en principe seuls les moyens de transport dédouanés, imposés et immatriculés en Suisse sont autorisés pour les transports internes au sein du territoire douanier suisse (ch. 4.1). 

 

3.8 Cette interdiction du transport intérieur (cabotage) dans le sens décrit précédemment fait l’objet d’une clause dérogatoire expresse dans la Convention relative à l’admission temporaire conclue à Istanbul le 26 juin 1990, permettant aux Etats parties de maintenir l’interdiction du cabotage malgré l’application de la Convention qui est entrée en vigueur pour la Suisse le 1er août 1995 (RS 0.631.24 ; ci-après : Convention d’Istanbul). L’art. 8 let. a de l’Annexe C de la Convention précitée prévoit en effet que chaque Partie contractante a le droit de refuser ou de retirer le bénéfice de l’admission temporaire aux moyens de transport à usage commercial qui seraient utilisés en trafic interne (cf. arrêts du TAF A-235/2014 du 26 mai 2014 consid. 3.2 et A-2326/2012 du 5 février 2013 consid. 3.1.1). L’art. 14 de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72) précise encore que les transports entre deux points situés sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté et effectués par un véhicule immatriculé en Suisse, ainsi que les transports entre deux points situés sur le territoire de la Suisse et effectués par un véhicule immatriculé dans un Etat membre de la Communauté ne sont pas autorisés en vertu de l’Accord

 

3.9 L’art. 9 al. 1 LD dispose que le Conseil fédéral peut prévoir l’exonération partielle ou totale des droits à l’importation des marchandises étrangères pour admission temporaire sur le territoire douanier ou des marchandises indigènes après admission temporaire sur le territoire douanier étranger. Le Conseil fédéral règle les conditions de l’exonération des droits de douane (art. 9 al. 2 LD). Les marchandises qui doivent être placées sous un régime douanier, tel l’admission temporaire, doivent être déclarées pour ce régime (art. 47 al. 1 et 2 let. d LD). S’agissant de ce régime, l’art. 58 al. 1 LD prévoit que les marchandises introduites dans le territoire douanier ou sorties de celui-ci pour admission temporaire doivent être déclarées pour le régime de l’admission temporaire (cf. arrêts du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020 consid. 2.2 ; 2C_177/2018 du 22 août 2019 consid. 2.3 et 2C_1049/2011 du 18 juillet 2012 consid. 3.2). Aux termes de l’art. 58 al. 2 LD, le régime de l’admission temporaire implique : la fixation des droits à l’importation ou, le cas échéant, des droits à l’exportation, assortis d’une obligation de paiement conditionnelle (let. a) ; l’identification des marchandises (let. b) ; la fixation de la durée de l’admission temporaire (let. c) ; et l’application des actes législatifs de la Confédération autres que douaniers (let. d). Si le régime de l’admission temporaire n’est pas apuré, les droits à l’importation ou à l’exportation fixés deviennent exigibles, à moins que les marchandises aient été réacheminées vers le territoire douanier étranger ou réintroduites dans le territoire douanier dans le délai fixé et qu’elles soient identifiées. La demande doit être présentée dans les 60 jours suivant l’échéance du délai fixé pour ce régime douanier (art. 58 al. 3 LD). L’art. 164 al. 1 OD précise encore que l’autorisation pour l’admission temporaire d’un moyen de transport étranger à des fins commerciales sur le territoire douanier au sens de l’art. 34 OD doit être demandée à l’AFD avant la première importation

 

3.10 En vertu de l’art. 34 al. 4 OD, l’AFD peut, pour les transports internes, autoriser l’admission temporaire en franchise de moyens de transport étrangers sur le territoire douanier, notamment lorsque le requérant prouve qu’aucun moyen de transport indigène approprié n’est disponible et que les moyens de transport étrangers ne sont utilisés que pour une courte durée (let. a) ; ou que les moyens de transport étrangers sont importés pour effectuer des tests (let. b). L’art. 150 al. 8 OAC précise enfin que dans des cas motivés, l’AFD peut, par dérogation à l’art. 115 al. 1 let. d OAC, autoriser des transports intérieurs au moyen de véhicules immatriculés à l’étranger pour autant que la perception des redevances dues soit garantie (cf. également consid. 3.7 supra). 

 

3.11 En l’espèce, il ressort des différents éléments au dossier, en particulier de l’enquête menée par la DGD depuis avril 2017, que l’organisation mise en place par la recourante (cf. let. B.b supra) est constitutive de transports internes interdits sur le territoire douanier suisse au sens de l’art. 34 al. 1 OD. A l’appui de son recours, la recourante, qui ne conteste pas l’état de fait, se borne à indiquer qu’elle ne considérait pas que cette manière de procéder était constitutive d’un transport intérieur (cabotage), sans toutefois remettre en question cette appréciation. Il est également ressorti de l’enquête que les semi-remorques engagées pour les transports internes n’ont pas été mises en libre pratique (dédouanement à l’importation) au préalable, ce que la recourante n’a pas non plus contesté. 

Au vu de ce qui précède, la constatation de l’autorité inférieure selon laquelle des moyens de transport étrangers mis en œuvre par la recourante ont été utilisés en trafic interne (cabotage) ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée. 

 

4.
4.1 
Il convient d’examiner si les discussions que la recourante a entretenues avec l’autorité douanière et le courrier électronique du 28 mars 2017 qu’elle lui a adressé peuvent être considérés comme une demande de dérogation à l’interdiction prévue à l’art. 34 al. 1 OD. 

 

4.2 Le Tribunal relève d’abord que la recourante n’a ni allégué ni démontré que les discussions qu’elle a entretenues avec l’autorité douanière auraient une teneur différente de celle du courriel du 28 mars 2017 (cf. let. D. supra). Concernant ce dernier, il est évident qu’il ne s’agit pas d’une demande de dérogation, comme la recourante tente de le soutenir. En effet, ce courriel ne contient qu’une présentation du planning pour les flux normaux des transports et une brève explication de l’utilisation des semi-remorques. La recourante n’indique par ailleurs pas solliciter une dérogation, ni n’apporte la preuve qu’aucun moyen de transport indigène approprié n’est disponible et que les moyens de transports étrangers ne sont utilisés que pour une courte durée, ni encore ne démontre que ceux-ci sont importés pour effectuer des tests (cf. art. 34 al. 4 let. a et b OD ; cf. également consid. 3.10 supra). Enfin, comme l’a souligné l’autorité inférieure, la formule utilisée par la recourante au terme de son courriel (« N’hésite pas à me contacter en cas de questions ») indique qu’elle n’attendait aucune réponse audit courriel et que celui-ci était envoyé à titre purement informatif, ce qui confirme qu’il ne s’agit pas d’une demande de dérogation.

Par surabondance, le Tribunal relève que la position de la recourante est pour le moins contradictoire. Elle prétend, d’une part, qu’elle ne savait pas que l’organisation qu’elle avait mise en place était constitutive de transports internes interdits sur le territoire douanier suisse. Malgré cela, elle soutient en même temps que son courriel du 28 mars 2017 était une demande de dérogation à l’interdiction posée par l’art. 34 al. 1 OD. Or de deux choses l’une : soit la recourante savait que son organisation était constitutive de transports internes interdits et elle pouvait déposer une demande de dérogation, soit elle l’ignorait, comme elle le prétend, et elle ne pouvait déposer aucune demande.

En conclusion, c’est à bon droit que l’autorité inférieure a considéré que l’organisation des transports mise en place par la recourante depuis avril 2017 constitue un transport intérieur (cabotage) non admis en franchise. Il s’ensuit que les 21 semi-remorques utilisées pour les transports de la recourante étaient soumises à l’obligation de présentation en douane et de déclaration ainsi qu’à l’assujettissement selon les art. 24 ss LD, en relation avec les art. 50 ss LTVA. 

 

5. 

Il convient ensuite d’examiner si la perception a posteriori des redevances réclamées dans la décision attaquée est justifiée. 

 

5.1 A teneur de l’art. 118 al. 1 LD, quiconque, intentionnellement ou par négligence, soustrait tout ou partie des droits de douane en ne déclarant pas les marchandises, en les dissimulant, en les déclarant inexactement ou de toute autre manière (let. a) ou se procure ou procure à un tiers un avantage douanier illicite (let. b), commet une soustraction douanière. De manière analogue, l’art. 96 al. 4 LTVA prévoit que celui qui, de manière intentionnelle ou par négligence, réduit la créance fiscale au détriment de l’Etat en ne déclarant pas des marchandises, en les déclarant de manière inexacte ou en les dissimulant lors de leur importation (let. a), en obtenant un remboursement indu (let. b) ou en obtenant une remise d’impôt injustifiée (let. c), commet une soustraction de l’impôt. Dans les deux cas, la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0) est applicable (cf. art. 128 al. 1 LD, respectivement art. 103 LTVA).

 

5.2
5.2.1 
Selon l’art. 12 al. 1 let. a DPA, lorsqu’à la suite d’une infraction à la législation administrative fédérale, c’est à tort qu’une contribution n’est pas perçue, la contribution et les intérêts seront perçus après coup ou restitués, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable. Est assujetti à la prestation ou à la restitution celui qui a obtenu la jouissance de l’avantage illicite, en particulier celui qui est tenu au paiement de la contribution (art. 12 al. 2 DPA). Dès lors, quiconque tombant dans le champ d’application de l’art. 51 LTVA respectivement l’art. 70 LD, tant pour les droits de douane que pour l’impôt sur les importations (cf. consid. 3.6 supra), peut être considéré comme le débiteur de la contribution soustraite. En effet, cette personne est ipso facto considérée comme favorisée si elle a obtenu un avantage illicite (cf. arrêts du TF 2C_414/2013 du 2 février 2014 consid. 3 ; 2A.82/2005 du 23 août 2005 consid. 3.1 ; arrêts du TAF A-6884/2018 du 8 avril 2020 consid. 2.5 ; A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1). 

 

5.2.2 Le seul fait d’être économiquement avantagé par le non-versement de la redevance en cause constitue un avantage illicite au sens de l’art. 12 al. 2 DPA. Il n’est donc pas nécessaire qu’une faute ait été commiseni − a fortiori – qu’une action pénale soit intentée (cf. ATF 129 II 385 consid. 3.4.3 ; 114 Ib 94 consid. 5b ; 107 Ib 198 consid. 6c ; arrêt du TF 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 7.4 [non publié aux ATF 140 II 194] ; arrêts du TAF A-6884/2018 consid. 2.5 ; A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1 ; JEAN GAUTHIER, La loi fédérale sur le droit pénal administratif, in : Mémoires publiés par la Faculté de droit de l’Université de Genève, vol. 46, 1975, p. 23 ss, p. 43/44 ; le même, Les infractions fiscales soumises à la loi fédérale sur le droit pénal administratif, in : RDAF 1999 II p. 56 ss, spéc. p. 59). Il suffit que l’avantage illicite procuré par l’absence de perception de la contribution (cf. arrêt du TF 2A.458/2004 du 3 décembre 2004 consid. 3.1) trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédérale. Peu importe, partant, que la personne assujettie n’ait rien su de l’infraction, ni qu’elle n’ait tiré aucun avantage personnel de celle-ci (cf. ATF 129 II 160 consid. 3.2 ; 115 Ib 358 consid. 3a ; arrêts du TF 2C_420/2013 du 4 juillet 2014 [résumé in : Revue fiscale [RF] 69/2014 p. 705] consid. 3.2 et 2C_415/2013 du 2 février 2014 consid. 4.4 ; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.1 ; A-1234/2017 du 17 avril 2019 consid. 5.2 et A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 2.6.3).

 

5.2.3 La créance de perception subséquente en vertu de l’art. 12 DPA est fondée sur la créance initiale à laquelle la Confédération a droit en vertu de la législation fiscale ou douanière. Cette créance subséquente n’est ainsi pas tant une nouvelle créance qu’un complément à la créance initiale (cf. arrêt du TF 2C_723/2013 du 1er décembre 2014 consid. 2.6 ; REMO ARPAGAUS, Zollrecht, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XII, 2éd. 2007, n° 511). L’art. 12 DPA constitue donc bien la base légale indépendante sur laquelle est fondée une procédure de rappel d’impôt en défaveur du contribuable (cf. arrêt du TF 2C_366/2007 du 3 avril 2008 consid. 5 ; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2 et A-1357/2016 du 7 novembre 2017 consid. 7.3). 

 

5.2.4 Quand bien même l’art. 12 DPA est contenu dans une loi pénale, il trouve également application en droit douanier, ainsi que pour les problématiques relatives à la TVA à l’importation (cf. art. 128 al. 1 LD et art. 103 al. 1 LTVA ; arrêt du TF du 4 août 1999 publié in : Archives 68 p. 438 consid. 2b et les références citées ; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2 et A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 2.6.1 ; PASCAL MOLLARD et al., Traité TVA, 2009, p. 555, n° 468). Cette disposition est une norme fiscale normale (normale Abgabenorm), dont l’application doit être établie dans une procédure administrative, et non dans une procédure pénale administrative (cf. arrêts du TF 2C_201/2013 précité consid. 7.4 et 2A.603/2003 du 10 mai 2004 consid. 2.4 s. ; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2 et A-6021/2007 du 23 décembre 2009 consid. 3.1, 3.2 et 3.5). Il existe donc une différence claire entre, d’une part, la procédure administrative tendant à la détermination de la prestation ou de la restitution due, conformément à l’art. 12 al. 1 et 2 DPA, et, d’autre part, la procédure pénale (cf. arrêts du TF 2C_492/2017 du 20 octobre 2017 consid. 7.1 s. ; 2C_263/2014 du 21 janvier 2015 consid. 4.2.1 et 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid.7.4; arrêt du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 4.2). 

 

5.2.5 En cas de perception subséquente de droits de douane, un intérêt moratoire est dû à compter de l’exigibilité de la dette douanière (cf. art. 74 al. 1 LD et art. 1 al. 1 let. b et al. 2 de l’ordonnance du Département fédéral des finances du 11 décembre 2009 sur les taux de l’intérêt moratoire et de l’intérêt rémunératoire [RS 641.207.1]). Il en va de même s’agissant de la perception subséquente de l’impôt à l’importation (cf. art. 57 al. 1 LTVA et art. 1 al. 1 let. a de l’ordonnance du DFF susmentionnée ; toutefois à ce sujet, arrêt du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 8). La dette douanière est exigible dès sa naissance (cf. art. 72 al. 1 LD). Elle naît notamment au moment où le bureau de douane accepte la déclaration en douane (cf. art. 69 let. a LD), ou, si la déclaration en douane a été omise, au moment où les marchandises franchissent la frontière douanière ou sont utilisées ou remises pour d’autres emplois ou, si aucune de ces dates ne peut être établie, au moment où l’omission est découverte (cf. art. 69 let. c LD). Aussi, l’exigibilité de la dette douanière selon l’art. 72 al. 1 LD ne dépend pas de la fixation de la dette dans une décision de taxation (cf. arrêt du TAF A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.5.1 ; REGINE SCHLUCKEBIER, in : Zweifel/Beusch/Glauser/Robinson [éd.], Commentaire de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, 2015, n° 5 ad art. 57 MWSTG ; MICHAEL BEUSCH, in : Kocher/Clavadetcher, Zollgesetz (ZG), 2009, n° 2 ad art. 72 ZG). 

 

5.3 En l’espèce, la recourante ne conteste pas les conditions formelles de l’action pénale (art. 11 ss DPA), ni sa qualité de mandante au sens de l’art. 70 LD, largement corroborée par les éléments de preuve au dossier. Ainsi, en sa qualité de mandante, la recourante entre dans le cercle des débiteurs des redevances défini dans la législation administrative spéciale (art. 70 al. 1 et art. 51 LTVA), ce qu’elle ne conteste pas. Son avantage illicite correspond donc au non-paiement de sa dette en tant que débiteur des redevances envers l’AFD, en vertu de la législation administrative spéciale précitée. 

Par ailleurs, comme l’a relevé l’autorité inférieure, le fait que la recourante ne considérait pas que sa manière de procéder était constitutive d’un transport intérieur (cabotage) ne joue aucun rôle dans la procédure de perception subséquente, dès lors que son assujettissement est indépendant de toute forme de faute (cf. consid. 5.2.2 supra). 

Dans sa décision, l’autorité inférieure a présenté, sous forme d’un tableau (cf. ch. 1.3, p. 2 à 3), les redevances grevant les 21 semi-remorques et a arrêté le montant non perçu à CHF 31'879.25. La recourante n’a apporté aucune critique à l’encontre de ce tableau, ni la preuve que le montant précité serait incorrect. 

Au vu des éléments au dossier, le Tribunal estime que les calculs effectués par l’autorité inférieure ne prêtent pas le flanc à la critique et que le montant des redevances non perçu fixé à CHF 31'879.25 doit être confirmé. 

Il s’ensuit que la perception subséquente des redevances réclamées dans la décision attaquée est justifiée.

 

6. 

Le litige porte enfin sur le point de savoir si la recourante peut se prévaloir du principe de la bonne foi, au sens des art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).

 

6.1 La recourante explique n’avoir rien caché à l’autorité inférieure et avoir transmis toutes les informations utiles s’agissant du procédé mis en place. Elle ajoute que l’autorité inférieure est intervenue dans une situation concrète à son égard, que l’autorité inférieure était manifestement compétente, et, enfin, qu’elle ne pouvait pas se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu puisque des dérogations sont possibles, ce qui faisait justement l’objet de sa demande. Par ailleurs, l’absence de réaction de l’autorité inférieure à son courriel du 28 mars 2017 ne saurait lui porter préjudice, car ce courriel faisait suite à une discussion orale lors de laquelle son responsable aurait reçu l’aval de l’autorité inférieure quant à la manière de procéder et que ce courriel confirmait l’accord des parties. 

 

6.2 De son côté, l’autorité inférieure insiste sur le fait qu’il n’apparaît pas que les autorités douanières ont donné à la recourante la moindre assurance d’une possibilité de bénéficier de la franchise. L’existence d’une promesse ou d’un renseignement de l’administration fait, en l’occurrence, défaut. Enfin, l’inaction des agents de douane à la suite de l’envoi du courriel du 28 mars 2017 de la recourante ne saurait créer une situation de confiance. 

 

6.3 Le principe de la bonne foi est explicitement prévu à l’art. 5 al. 3 Cst. et implique notamment que les organes de l’Etat s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (cf. ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du TF 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 4.1). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’Etat, consacré à l’art. 9 in fine Cst. (cf. ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités ; arrêt du TF 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 4.1). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erroné de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (2) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (cf. ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt du TF 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 4.1). 

 

6.4 Le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence simple d’un comportement de l’administration, notamment en cas de silence de l’autorité dans une situation de fait contraire au droit, pour autant que celui-ci soit susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (cf. ATF 129 II 361 consid. 7.1; arrêt du TF 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1). L’administré doit donc avoir eu des raisons sérieuses d’interpréter comme il l’a fait le comportement de l’administration et d’en tirer les conséquences qu’il en a tirées (cf. arrêts du TF 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1 et 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Tel n’est notamment pas le cas s’il apparaît, au vu des circonstances, qu’il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l’autorité (cf. ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêts du TF 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 et 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1). 

 

6.5 Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu’une influence limitée, surtout s’il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (cf. ATF 136 II 627 consid. 6.1 et 118 Ib 312 consid. 3b ; arrêt du TF 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.3). La bonne foi de l’assujetti n’est ainsi protégée que lorsque les conditions susmentionnées sont réunies de manière claire et sans équivoque (cf. ATF 142 II 182 consid. 2.2.1 et 2.2.2 et 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du TAF A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 8.2).

 

6.6 En l’occurrence, la recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle prétend avoir reçu une promesse ou un renseignement des autorités douanières. En effet, comme l’a relevé l’autorité inférieure, il n’apparaît pas que les autorités douanières ont donné à la recourante leur accord concernant l’organisation des transports qu’elle a mise en place ou une assurance d’une possibilité de bénéficier de la franchise. En réalité, l’autorité n’a pas fourni à la recourante de renseignements. Au vu de ce qui précède, force est d’admettre qu’une condition à l’application du principe de la bonne foi fait déjà défaut (cf. consid. 6.3 supra). Le Tribunal renonce au demeurant à procéder aux auditions requises par la recourante à l’appui de son recours, dès lors que les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuvesqui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). 

En admettant d’autre part que la recourante ait reçu un renseignement, ce qui n’est pas le cas, comme cela a été relevé ci-dessus, il faudrait encore qu’elle ne se soit pas rendu compte immédiatement de son inexactitude. Il est utile de rappeler à cet égard que la recourante, inscrite au registre du commerce depuis 1981, est active depuis plusieurs années dans le domaine des transports transfrontaliers. Son site internet précise par ailleurs qu’elle est en mesure de proposer, parmi ses prestations, un audit douanier, une veille réglementaire, une estimation des droits de douane et des opérations de dédouanement (***). Dans ces conditions, toujours en admettant qu’elle ait reçu un renseignement de la part des autorités douanières, la recourante pourrait difficilement prétendre qu’elle ne pouvait pas se rendre compte de son inexactitude ou, à tout le moins, ne pas s’en rendre compte après avoir interpellé l’autorité douanière. 

En réalité, la recourante se plaint surtout du silence de l’autorité douanière qui aurait manqué à son devoir d’information. Le Tribunal estime à cet égard que ce silence ne pouvait éveiller aucune espérance légitime chez la recourante, à plus forte raison compte tenu de sa longue expérience dans le domaine des transports transfrontaliers. En effet, la recourante ne pouvait raisonnablement pas partir du principe que ce silence valait accord concernant l’organisation des transports qu’elle avait mise en place ou assurance d’une possibilité de bénéficier de la franchise. Du reste, comme cela a été relevé plus haut (cf. consid. 4.2 supra), la formule utilisée par la recourante au terme de son courriel (« N’hésite pas à me contacter en cas de questions ») indique qu’elle n’attendait aucune réponse de la part de l’autorité douanière. Si tel avait été le cas, la recourante aurait relancé l’autorité, en précisant qu’elle attendait une réponse de sa part, notamment quant à la licéité des transports mis en place. 

Le Tribunal rappelle enfin que le droit fiscal est dominé par le principe de la légalité (cf. consid. 6.5 supra), de sorte que le simple silence de l’autorité douanière au courriel du 28 mars 2017 de la recourante ne saurait mettre en échec la perception subséquente du montant d’impôts non perçu dû par la recourante. 

 

6.7 Il s’ensuit que le grief de violation du principe de la bonne foi est mal fondé. 

 

7. 

Les considérants qui précèdent conduisent le Tribunal administratif fédéral à rejeter le recours. Vu l’issue de la cause, les frais de procédure arrêtés à 3'000 francs sont mis à la charge de la recourante qui succombe, en application de l’art. 63 al. 1 PA et des art. 1 ss du Règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2). Les frais de procédure sont prélevés sur l’avance de frais déjà versée. Une indemnité à titre de dépens n’est allouée ni à la recourante (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario) ni à l’autorité inférieure (art. 7 al. 3 FITAF).

 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

1. 

Le recours est rejeté. 

2. 

Les frais de procédure fixés à 3'000 (trois milles) francs sont mis à la charge de la recourante. Ils sont prélevés sur l’avance de frais du même montant versée par la recourante. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé : 

  • –  à la recourante (Acte judiciaire) 
  • –  à l'autorité inférieure (n° de réf. [...] ; Acte judiciaire) 

 

Indication des voies de droit : 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).