Wednesday, November 23, 2022

VAT (Swiss Law) - Export

 

Customs (Swiss Law)

 

VAT (Swiss Law)

 

Remboursement de l'impôt perçu à l'importation pour cause de réexportation

 

La livraison n’ayant pas été annulée, le remboursement de l’impôt sur les importations sur la base de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA doit être refusé

 

 

 

 

Tribunal administratif fédéral suisse

Cour I A-2706/2020 

Arrêt du 24 novembre 2022 

Republication

 

https://www.bvger.ch/bvger/fr/home/jurisprudence/entscheiddatenbank-bvger.html

 

 

Parties

1. A._______,
2. B._______,
les deux représentés par

contre 

Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF),
Domaine de direction Bases, Section Droit, autorité inférieure. 

Remboursement de l'impôt perçu à l'importation pour cause de réexportation. 

 

Objet 

Faits : 

 

A. 

Madame A._______ et Monsieur B._______ (ci-après : les recourants) sont des collectionneurs d’art domiciliés à (...). Le *** 2016, ils ont fait l’acquisition du tableau (...), attribué à l’atelier de (...) (ci-après : le Maître), auprès de la maison C._______ à New York pour un montant de USD ***.-. Destinée à rejoindre leur collection en Suisse, l’œuvre a été importée le *** 2016, par l’intermédiaire du transitaire D_______SA (ci-après: le transitaire) qui s’est chargé des formalités douanières auprès du Bureau de douane de (...) (ci-après : le Bureau de douane). La TVA à l’importation, fixée à Fr. *** dans une décision de taxation du *** 2016, a été dûment acquittée.

 

B.
B.a 
Dans le contexte d’une expertise du tableau destinée à en arrêter la valeur assurable, l’expert mandaté par les recourants a mis en doute l’authenticité et la provenance de l’œuvre, estimant sa valeur à [moins d’un vingtième du prix d’achat]. Aussi les recourants ont-ils interpelé C._______ par courriel du *** 2016. Des échanges s’en sont suivis, à la suite desquels les recourants ont fait appel aux services de deux autres experts, recommandés par le vendeur. Le premier, s’il n’a pas exclu que le tableau puisse provenir de l’atelier de (...), a considéré que la mauvaise conservation de l’œuvre n’autorisait aucune certitude et a estimé que sa valeur avait été surévaluée. La seconde experte consultée aurait également douté des qualités de l’œuvre et préconisé son retour au vendeur. Les recourants ont ainsi fait part à C._______ le *** 2017 de leur souhait de retourner le tableau. Le vendeur a pour sa part contesté que la vente puisse être annulée en l’état.

 

B.b Au terme des discussions menées entre les intéressés, il a été convenu de soumettre l’œuvre à de plus amples analyses dans les locaux de C._______ à New York, le transport étant à ses frais. Le tableau a dès lors été exporté le *** 2019 par l’intermédiaire du transitaire et sous le contrôle de C._______, sous le régime de l’exportation temporaire. La déclaration d’exportation indique, à titre d’emploi de la marchandise, « Exposition vente incertaine ».

 

B.c A réception de la déclaration d’exportation, les recourants ont interpelé C._______ aux fins qu’elle procède à des corrections, en particulier qu’elle indique « Retour au vendeur » sous la rubrique de l’emploi de la marchandise, ce que C._______ a dans un premier temps refusé. Il ressort des échanges entretenus dans ce contexte entre les recourants et C._______ que les précités souhaitaient dans tous les cas retourner l’œuvre au vendeur, lequel attendait les résultats d’analyse pour se prononcer à cet endroit. C._______ a en revanche offert aux recourants de revendre le tableau pour leur compte au prix initial en renonçant à toute commission, ce que ces derniers ont accepté pour le cas où l’expertise de l’œuvre en confirmerait les qualités.

 

B.d Le *** 2019, le transitaire a présenté une déclaration d’exportation corrigée au Bureau de douane, à laquelle était jointe une facture commerciale datée du *** 2019 comportant la mention « Return to seller ».

 

C.
C.a En date du *** 2019, les recourants ont formé une demande de remboursement de la TVA en mains du Bureau de douane, pour cause de réexportation
.

 

C.b Par décision du 16 décembre 2019, la Direction d’arrondissement III de l’Administration fédérale des douanes (ci-après : l’AFD ou l’autorité inférieure ; depuis le 1er janvier 2022, l’AFD est devenue l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières [OFDF]) a rejeté la requête des recourants, considérant que les conditions du remboursement de la TVA n’étaient pas remplies, respectivement démontrées.

 

C.c Par décision du 23 avril 2020, le Domaine de direction Bases de l’AFD a rejeté sous suite de frais le recours formé le 3 février 2020 par les recourants contre la décision susmentionnée.

 

D.
D.a 
Par acte du 25 mai 2020, les recourants ont déféré la décision de l’AFD du 23 avril 2020 au Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF, le Tribunal ou la Cour de céans). Ils concluent, principalement, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la requête de remboursement de la TVA est admise. Subsidiairement, ils requièrent l’annulation et le renvoi de la décision attaquée à l’autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

D.b Aux termes de sa réponse du 8 juillet 2020, réfutant intégralement les griefs des recourants, l’autorité inférieure a « proposé » de rejeter le recours sous suite de frais. 

 

D.c Dans une réplique spontanée du 27 juillet 2020, les recourants ont précisé et confirmé la teneur de leur mémoire de recours.

 

D.d Sous pli du 14 août 2020, l’autorité inférieure a renoncé à dupliquer.

 

D.e Par ordonnance du 13 janvier 2022, le Tribunal a invité les recourants à l’informer du sort du tableau en cause, respectivement de l’issue des tractations avec C._______, ainsi qu’à produire tout document y relatif – dont notamment un rapport d’expertise, une note de crédit ou un acte de vente à des tiers – jusqu’au 28 janvier 2022. Prolongé par trois fois à la demande des recourants, le délai initialement imparti au 28 janvier 2022 est arrivé à échéance le 21 avril 2022.

 

D.f Dans des lignes (sans annexes) datées du 22 avril 2022, les recourants ont exposé que leurs derniers échanges avec la maison C._______ remontaient au mois de décembre 2020 : les résultats de l’expertise réalisée par la précitée se seraient révélés flous et elle se montrerait récalcitrante à procéder au remboursement du prix de vente, quand bien même elle ne contesterait pas explicitement l’annulation de la vente. Aucun accord n’aurait donc été trouvé entre les intéressés.

 

D.g Interpelé téléphoniquement par le greffe du Tribunal, le 3 mai 2022, le mandataire des recourants a confirmé le contenu de la correspondance mentionnée ci-dessus. Il a par ailleurs été invité, à cette même occasion, à adresser au Tribunal toute pièce utile – dont les derniers échanges avec C._______ – sans plus tarder, respectivement dans les prochains jours utiles. Aucune pièce supplémentaire n’a été adressée à la Cour de céans postérieurement à cet échange. 

Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que nécessaire, dans les considérants en droit ci-après.

 

Droit : 

1. 

Sous réserve des exceptions prévues à l’art. 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) – non réalisées en l’espèce – celui-ci connaît, conformément à l’art. 31 LTAF, des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF, dont l’OFDF et ses domaines de direction.

La procédure de recours devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que la LTAF n’en dispose pas autrement (art. 37 LTAF). L’art. 2 al. 1 PA exclut certes en matière fiscale l’application des art. 12 ss PA, mais le Tribunal tient néanmoins largement compte des principes constitutionnels qui y ont trouvé leur expression (arrêts du TAF A-5047/2021 du 25 août 2022 consid. 1.2 et A-2479/2019 du 14 juillet 2021 consid. 2.2.1). La réserve de l’art. 3 let. e PA suivant laquelle la procédure de taxation douanière n’est pas régie par la PA ne s’applique par ailleurs pas à la procédure des voies de droit (cf. art. 116 al. 4 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes [LD, RS 631.0] ; arrêt du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 1.2 et les références citées [décision confirmée par arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020]).

 

2. 

Le recours déposé répond aux exigences de forme et de fond de la procédure administrative (art. 50 al. 1 et 52 PA), les recourants, en qualité de destinataires de la décision attaquée, disposant en outre manifestement de la qualité pour recourir (art. 48 PA). 

Il est donc entré en matière sur le recours.

 

3. 

Les recourants peuvent invoquer la violation du droit fédéral, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, ainsi que l’inopportunité, à moins qu’une autorité cantonale ait statué comme autorité de recours (art. 49 PA). La Cour de céans dispose ainsi d’un plein pouvoir de cognition. Elle constate les faits et applique le droit d’office (art. 62 al. 4 PA). Cela étant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n’examine les autres points que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent (ATF 135 I 91 consid. 2.1 ; ATAF 2014/24 consid. 2.2).

 

4.
4.1 
La Confédération perçoit, à chaque stade du processus de production et de distribution, un impôt général sur la consommation – la taxe sur la valeur ajoutée – qui a pour but d’imposer la consommation finale non entrepreneuriale sur le territoire suisse (art. 1 al. 1 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée [LTVA, RS 641.20]). A ce titre, elle perçoit notamment un impôt sur l’importation de biens (art. 1 al. 2 let. c LTVA). La législation douanière s’applique à l’impôt sur les importations, sous réserve de dispositions contraires de la LTVA (art. 50 LTVA). 

A teneur de l’art. 60 LTVA, l’impôt perçu à l’importation peut, sur demande, faire l’objet d’un remboursement en cas de réexportation, c’est-à-dire en cas de retour à l’expéditeur ; l’art. 60 LTVA vise ainsi à « réviser » la décision de taxation de l’importation, respectivement à rétablir la situation avant l’importation (ATAF 2021 III/3 consid. 3.7).

 

4.2 Plusieurs conditions générales doivent être simultanément remplies pour qu’intervienne le remboursement de l’impôt : la réexportation doit avoir lieu dans les cinq ans à compter de la fin de l’année civile pendant laquelle l’impôt a été perçu (art. 60 al. 2 let. a LTVA), le bien réexporté doit être le même que celui qui avait été importé (art. 60 al. 2 let. b LTVA), et la demande de remboursement doit être présentée soit dans la déclaration d’exportation, soit par écrit dans les 60 jours suivant l’établissement du document d’exportation (art. 60 al. 4 LTVA). Le remboursement pour cause de réexportation suppose en outre que les conditions d’une déduction de l’impôt préalable en vertu de l’art. 28 LTVA ne soient pas réunies (art. 60 al. 1 LTVA ; REGINE SCHLUCKEBIER, in : Geiger/Schluckebier [éd.], MWSTG Kommentar, 2019, art. 60 N 3 et 5).

 

4.3 Cela étant, le remboursement de l’impôt suppose encore la réalisation de l’une des deux conditions suivantes (art. 60 al. 1 LTVA) : les biens non modifiés sont réexportés sans avoir été préalablement remis à un tiers dans le cadre d’une livraison sur le territoire suisse et sans avoir été utilisés auparavant (let. a), ou les biens ont été utilisés sur le territoire suisse mais sont réexportés en raison de l’annulation de la livraison (let. b).

 

4.3.1 Dans la première hypothèse, l’impôt peut être remboursé à la condition que les biens soient réexportés sans avoir été utilisés. Cette condition est réputée ne plus être réalisée lorsqu’un bien a été utilisé sur le territoire suisse aux fins pour lesquelles il avait été importé. Un bien importé dans le seul but d’être vendu n’emporte pas utilisation. En revanche, l’importation à des fins de démonstration, d’essai, d’exposition ou de travaux doit être considérée comme une utilisation, et ce même si le bien est ensuite retourné à son expéditeur (cf. ATAF 2021 III/3 consid. 4.2 ; décision de l’ancienne Commission fédérale de recours en matière de douanes [CRD] 2002-039 consid. 3b et 3c/bb, in : JAAC 2003 n°45 p. 379 ; SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 7 ; cf. également Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.3.4). L’art. 60 al. 1 let. a LTVA suppose en outre que le bien réexporté n’ait pas été modifié (à cet égard, cf. Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.3.5ou remis à un tiers dans le cadre d’une livraison au sens de l’art. 3 let. d LTVA.

 

4.3.2 Lorsque le bien a été utilisé sur le territoire suisse, le remboursement de l’impôt perçu à l’importation est conditionné à l’annulation de la livraison (qui a conduit à l’importation). On entend par livraison, notamment, le fait d’accorder à une personne le pouvoir de disposer économiquement d’un bien en son propre nom contre paiement (art. 3 let. d LTVA ; CRD 2002-039 consid. 3c/cc, in : JAAC 2003 n°45 p. 379 ; cf. Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.4.5). L’annulation de dite livraison permet de rétablir la situation qui existait avant la conclusion du contrat en question ; dans le cas d’un contrat de vente, l’acquéreur renvoie le bien au vendeur, lequel lui rembourse le prix ou émet une note de crédit en sa faveur. La livraison n’est en revanche pas annulée en cas de rachat du bien par le vendeur étranger, c’est-à-dire lorsque l’échange initial de prestations reste valable et que le vendeur étranger rachète le bien de l’acheteur dans le cadre de la conclusion d’un nouveau contrat de vente (SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 13 à 15 ; Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.4.5).

 

5.
5.1 
La procédure administrative est gouvernée par la maxime inquisitoire, à l’aune de laquelle l’autorité doit établir les faits, en procédant à l’administration des preuves utiles, et appliquer le droit d’office (cf. art. 12 et 62 al. 4 PA ; s’agissant de l’art. 12 PA, voir toutefois la réserve de l'art. 2 al. 1 PA [arrêt du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 1.4.2 et les références citées], qui ne mentionne pas moins des principes appliqués de toute façon par le Tribunal de céans dans la procédure devant lui ; cf. aussi consid. 1 supra). Ce qui précède doit cependant être relativisé. En premier lieu, il n’appartient pas au Tribunal d’établir les faitsab ovo. Dans le cadre de la procédure de recours, il s'agit bien plus de vérifier les faits établis par l'autorité inférieure, à qui l’obligation incombe de les établir de façon complète et exacte. En second lieu, les parties ont l’obligation de motiver leur recours (art. 52 PA) et le devoir de collaborer, ce qui découle des principes appliqués par le TAF (arrêt du TAF A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.1).

 

5.2 Après une libre appréciation des preuves en sa possession, le Tribunal se trouve à un carrefour. S’il estime que l’état de fait est clair et que sa conviction est acquise, il peut rendre sa décision. Dans cette hypothèse, il renoncera à des mesures d’instruction et à des offres de preuve supplémentaires en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci. Un rejet d’autres moyens de preuves est également admissible s’il lui apparaît que leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction qu’il s’est forgé sur la base de pièces écrites ayant une haute valeur probatoire. La conviction ainsi forgée du Tribunal n’a pas à confiner à une certitude absolue pour respecter le droit d’être entendu ; il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et du bon sens et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (cf. ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 et 130 III 321 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-2176/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.3 et A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.2).

En revanche, si le Tribunal reste dans l’incertitude après avoir procédé aux investigations requises, il appliquera les règles sur le fardeau de la preuve, en s’inspirant de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210) en vertu duquel quiconque doit prouver les faits qu’il allègue pour en déduire un droit (cf. arrêts du TAF A-2176/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.3 et A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.2).

 

5.3 En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet qu’il appartient à l’autorité d’établir les faits qui fondent la créance d’impôt ou qui l’augmentent, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui suppriment ou réduisent cette créance (cf. ATF 146 II 6 consid. 4.2 et 144 II 427 consid 8.3.1). La répartition du fardeau de la preuve implique donc que lorsque l’autorité a apporté suffisamment d’indices révélant l’existence d’éléments imposables, il appartient à l’assujetti d’établir l’exactitude de ses allégations contraires et de supporter le fardeau de la preuve qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du TF 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 8.1.3 ; arrêt du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 5.2).

 

6.
6.1 
En l’espèce, les recourants ont formé une demande de remboursement de la TVA à l’importation, fondée sur l’art. 60 LTVA, qui a été rejetée par l’autorité inférieure. Les quatre conditions générales (cf. consid. 4.2 plus haut) du remboursement ne sont, à juste titre, pas discutées par les parties, celles-ci étant manifestement remplies. Le tableau en cause, importé le *** 2016, a en effet été exporté le *** 2019, soit dans le délai de cinq ans découlant de l’art. 60 al. 2 let. a LTVAL’œuvre ainsi réexportée est indéniablement la même que celle qui avait été importée (cf. art. 60 al. 2 let. b LTVA). La demande de remboursement a de surcroît été déposée par écrit le *** 2019, soit dans les 60 jours suivant l’établissement de la déclaration d’exportation du *** 2019 (cf. art. 60 al. 4 LTVA). Les conditions d’une déduction de l’impôt préalable ne sont, enfin, clairement pas réalisées (cf. art. 60 al. 1 LTVA).

 

Est en revanche disputée la réalisation de l’une des deux conditions alternatives de l’art. 60 al. 1 LTVA, qui a été niée par l’autorité inférieure dans sa décision. Les recourants plaident que ces conditions sont toutes deux réalisées, dès lors que le bien n’aurait pas été utilisé en Suisse, d’une part (cf. consid. 6.2 ci-dessous), et que la livraison aurait été annulée, d’autre part (cf. consid. 6.3 infra).

 

6.2
6.2.1 
Les recourants soutiennent en premier lieu que les conditions de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA seraient réalisées. Selon eux, un bien aurait été « utilisé », au sens de cette disposition, pourvu qu’il ait été employé sur le marché intérieur aux fins pour lesquelles il avait été importé. La décision attaquée se serait pourtant dispensée de rechercher ces fins, sur la base d’un raisonnement qu’ils qualifient d’erroné, et violerait ainsi l’art. 60 al. 1 let. a LTVA et leur droit d’être entendus. Cela étant, les recourants exposent que le tableau a été importé à des fins d’usage privé, soit pour être exposé dans leur collection. Une utilisation de l’œuvre conforme à ce but impliquerait nécessairement qu’elle corresponde en tous points à la toile qu’ils ont souhaité, respectivement cru acquérir. Or, tel ne serait pas le cas, dans la mesure où le tableau ne correspondrait pas au descriptif du catalogue du vendeur ; à tout le moins deux experts auraient en effet remis en doute l’authenticité et/ou la provenance de l’œuvre. Les expertises du tableau réalisées à l’initiative des recourants ne pourraient au demeurant pas être considérées comme une utilisation du bien, sauf à dénaturer la notion d’utilisation.

 

6.2.2 A titre liminaire, la Cour, tout en prenant acte de ce que les recourants se prévalent d’une violation de leur droit d’être entendus, relève que ce moyen semble n’être soulevé qu’à l’appui de leur grief matériel, soit sans substance propre. Ce n’est en effet que dans leur argumentaire sur le sens et la portée de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA qu’une violation de leur droit d’être entendus a été évoquée, le mémoire ne contenant aucun autre développement à cet égard. En soulevant ce grief, les recourants semblent se plaindre, non pas d’une entorse à leurs droits de procédure, mais bien de l’interprétation faite par l’OFDF de la norme en cause. Le Tribunal doute ainsi qu’il y ait lieu d’analyser plus amplement ce moyen. Cela étant, il est relevé, à titre superfétatoire, qu’aucune violation du droit d’être entendus des recourants n’est constatée à l’examen du dossier, l’autorité inférieure étant exempte de reproches sur ce point.

 

6.2.3 Le Tribunal peut à présent en venir à l’examen de la condition de l’absence d’utilisation en Suisse, litigieuse en l’espèce. A cet égard, il est rappelé qu’il y a utilisation d’un bien, au sens de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA, lorsqu’il a été employé sur le territoire suisse aux fins pour lesquelles il avait été importé (cf. consid. 4.3.1 supra ; Rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national du 28 août 1996, FF 1996 V 701, 797) – étant précisé que ces fins ne sont pas toujours déterminantes au regard de la condition d’une absence d’utilisation en Suisse, dès lors qu’il n’est pas exclu qu’elles subissent un changement une fois le bien mis en libre pratique (ATAF 2021 III/3 consid. 4.8). Cette définition, qui ressort notamment d’une jurisprudence convoquée par les deux parties, n’a pas lieu d’être rediscutée au regard du commentaire de la doctrine dont elles semblent toutes deux tirer argument – ledit commentaire ne définissant d’ailleurs pas autrement la notion d’utilisation (cf. SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 7). 

Cela étant précisé, il est établi que les recourants ont importé le tableau pour l’intégrer à leur collection, soit à des fins privées. Il est de même avéré qu’ils ont librement disposé dudit tableau, en ce sens qu’ils l’ont eu en leur possession sans restriction particulière, dès son importation en *** 2016 et jusqu’à sa réexpédition à C._______ en *** 2019. Le fait que l’œuvre n’ait pas pu être assurée durant cette période ne change rien à ce constat, les recourants n’exposant pas en quoi ils s’en seraient trouvés empêchés d’utiliser leur acquisition. La toile a ainsi pu être exposée et contemplée librement par les recourants – ce qui constitue par essence l’utilisation d’une œuvre d’art – durant trois ans, soit une période de temps non négligeable. Il est vrai que la provenance et les qualités du tableau ont été remises en cause dès le *** 2016, soit rapidement après son importation. Les critiques formulées par les experts n’en ont néanmoins pas entravé l’usage, dès lors que les recourants en ont conservé la libre disposition, soit pouvaient en jouir librement. Il en découle que le tableau a bien été utilisé par les recourants, au sens où l’entend l’art. 60 al. 1 let. a LTVA.

 

6.2.4 Le fait que l’âge et l’attribution du tableau à la main du Maître fassent l’objet de controverses ne change rien à ce qui précède. Si un certain consensus semble régner entre les experts quant au fait que le prix du tableau aurait été surévalué – ce qui ne saurait être déterminant au regard de la notion d’utilisation – sa non-conformité au descriptif du catalogue de vente n’est, en tout état de cause, pas établie. Les rapports d’expertise (cf. pièces 5 et 12 du bordereau des recourants), qui remettent certes en doute différentes qualités de l’œuvre, ne contiennent en effet pas de conclusions unanimes à même d’établir, sans équivoque, que le tableau n’est pas celui que les recourants ont pensé acquérir. Les conclusions de l’expertise ordonnée par la maison C._______ n’ont de surcroît pas été produites par les recourants, les informations dont dispose le Tribunal à ce propos se limitant au contenu – au demeurant évasif – de leur correspondance du 22 avril 2022 (cf. Faits, let. D.f et D.g supra). Le fait que le tableau litigieux ne correspondrait pas au catalogue de vente, comme le soutiennent les recourants, n’étant pas démontré, la question de savoir si une œuvre d’art doit nécessairement revêtir l’entier des qualités et attributs promis pour pouvoir être « utilisée » au sens de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’a pas à être tranchée dans le cas d’espèce.

 

La Cour souligne toutefois qu’elle doute que tel soit le cas. L’utilisation d’un objet n’implique en effet pas nécessairement que ses propriétés ne soient pas altérées, le texte de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’excluant d’ailleurs pas qu’un objet présentant des défauts puisse être utilisé. Doit également être considéré le fait que l’impôt litigieux, qui frappe l’importation de biens sur le territoire suisse, est calculé sur la contre-prestation lorsque le bien est importé en exécution d’un contrat de vente (art. 54 al. 1 let. a LTVA). Le montant de la TVA est ainsi arrêté sur la base du prix payé pour l’acquisition du bien, indépendamment de tout examen de la conformité de ce prix, notamment, à la valeur du marché. Il en découle que l’impôt sur les importations est dû sans égard aux particularités, le cas échéant au caractère imparfait, du contrat en cause ; le Tribunal ne voit dès lors pas en quoi il devrait en aller différemment du remboursement de ce même impôt à la lumière de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA, à plus forte raison que la seconde hypothèse prévue à l’art. 60 al. 1 let. b LTVA a précisément trait au cas où le contrat aurait été annulé.

 

6.2.5 Il convient ainsi de retenir que les recourants, en disposant librement de leur acquisition durant trois ans, l’ont bel et bien utilisée. En conséquence, la condition de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’est pas réalisée et le remboursement de la TVA à l’importation ne saurait être autorisé sur cette base.

 

6.3
6.3.1
Poursuivant leur démonstration, les recourants arguent que la condition de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA serait réalisée, dès lors que la vente aurait été annulée en l’espèce. A cet égard, ils rappellent avoir demandé l’annulation de la vente à C._______, lui avoir retourné le tableau avec la précision qu’en aucun cas ils ne souhaitaient le récupérer, et être depuis lors titulaires d’une créance en restitution du prix de vente. Ces éléments démontreraient que la livraison a bien été annulée au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA. L’autorité inférieure, en statuant de manière contraire, aurait violé la norme précitée. Elle serait de surcroît contrevenue au principe de la libre appréciation des preuves en exigeant des recourants qu’ils produisent une note de crédit pour prouver l’annulation de la livraison, ces derniers plaidant avoir démontré leurs allégations par d’autres moyens.

 

6.3.2 En l’occurrence, force est de constater, avec l’autorité inférieure, que les pièces produites n’établissent aucunement que la vente aurait été annulée. Il ressort tout au plus des échanges entre les recourants et la maison C._______ que cette dernière a offert de revendre le tableau en renonçant à sa commission. Les lignes des recourants du 22 avril 2022 (cf. Faits, let. D.f supra) ne disent d’ailleurs pas autre chose, ceux-ci ayant rapporté, en substance, que la situation demeurait bloquée et que le vendeur se refusait, précisément, à leur rembourser le prix de vente. Dès lors que l’annulation de la livraison, au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA, implique un retour à la situation initiale – soit une restitution du bien et un remboursement du prix (cf. consid. 4.3.2 plus haut) – l’on ne saurait y assimiler la présente situation ; l’échange initial de prestations demeure en effet valable, les discussions entre les parties au contrat de vente portant sur la conclusion d’un nouveau contrat. Il appert donc que l’autorité inférieure a statué de manière conforme au droit, la livraison n’ayant manifestement pas été annulée.

 

Le grief soulevé par les recourants en lien avec le principe de la libre appréciation des preuves doit de même être rejeté. Le remboursement n’a en effet pas été exclu à raison de l’absence de production d’un moyen de preuve précis, mais bien parce que le fait déterminant (l’annulation de la livraison) n’a pas été établi. Dès lors que le fardeau de la preuve dans le cadre de l’art. 60 LTVA est bien supporté par les recourants, qui requièrent la suppression d’une charge fiscale (cf. ATAF 2021 III/3 consid. 4.1), ils doivent supporter l’échec de la preuve de leurs allégations. 

La livraison n’ayant pas été annulée, le remboursement de l’impôt sur les importations sur la base de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA doit être refusé.

 

7.
7.1 
Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de procédure, lesquels se montent, compte tenu de la charge de travail liée à la procédure, à Fr. 3’800.- (cf. art. 63 al. 1 PA et art. 4 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le TAF [FITAF, RS 173.320.2]). Ils seront prélevés sur l'avance de frais déjà versée d'un même montant.

 

7.2 Vu l'issue de la cause, il n'est pas alloué de dépens (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario).

 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

 

1. 

Le recours est rejeté. 

2. 

Les frais de procédure, d’un montant de Fr. 3'800.- (trois mille huit cents francs), sont mis à la charge des recourants. Ce montant est prélevé sur l’avance de frais déjà versée, d’un montant équivalent. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé aux recourants et à l'autorité inférieure.

 

 

Indication des voies de droit : 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

 

Monday, November 21, 2022

Copyright (Swiss Law) - Software


Copyright (Swiss Law)


Software

 

Logiciels

 

Principe du créateur

 

Logiciel créé par un travailleur dans le cadre de son activité professionnelle

 

 

 

4A_317/2022  

 

 

Arrêt du 22 novembre 2022  

 

Ire Cour de droit civil  

 

Republication

 

https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza://22-11-2022-4A_317-2022&lang=fr&zoom=&type=show_document

 

 

 

Participants à la procédure 

A.________, 

représentée par 

 

contre  

 

Université de Lausanne, 

représentée par 

 

Objet 

droit d'auteur, 

 

recours en matière civile contre la décision rendue le 13 juin 2022 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CO20.036036 9/2022/JMN). 

 

 

Faits :  

 

A.  

 

A.a. Le 7 avril 2006, A.________ a été engagée au sein du Département d'écologie et évolution de la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne (UNIL) en qualité d'assistante diplômée du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 à un taux d'occupation de 80 %. Ses domaines de recherche visaient notamment l'étude des rythmes circadiens chez les fourmis et l'analyse des mécanismes qui en assurent la régulation. Au moment de son engagement, l'intéressée n'avait pas de compétence en matière de programmation informatique.  

Le 7 février 2006, les parties ont signé un cahier des charges prévoyant que l'activité de l'assistante diplômée consisterait à encadrer les travaux pratiques du cursus de Bachelor, à recevoir des étudiants, corriger leurs travaux, à participer aux examens ainsi qu'à rédiger sa thèse relative aux rythmes circadiens chez les fourmis, sous la supervision du Prof. B.________, chef du Département d'écologie et évolution. Le développement de logiciels ne figurait pas dans ledit cahier des charges.

 

 

A.b. Entre le 10 octobre 2006 et le 26 avril 2010, le contrat de travail de l'intéressée a été reconduit à quatre reprises pour une période allant jusqu'au 30 juin 2011. Le développement de logiciels n'était pas mentionné dans le nouveau cahier des charges signé le 19 mars 2009 par A.________. 

 

 

A.c. Le 15 avril 2011, le Prof. B.________ a attesté notamment ce qui suit auprès de C.________:  

(...). A.________ a commencé une thèse sous ma direction en 2006. Le travail qu'elle a accompli à ce jour est remarquable (...). 

Le but du travail de thèse de A.________ était d'étudier les rythmes circadiens chez les fourmis. Il est rapidement devenu clair que la réalisation de ce travail nécessiterait le développement d'un " tracking system " permettant de suivre le mouvement des fourmis individuellementA.________ a ainsi commencé à développer un tel système. C'était un projet très risqué car des collègues aux Etats-Unis et en Angleterre avaient déjà tenté de développer un tel système, mais des résultats probants n'avaient jamais été obtenus

Grâce à un travail acharné, A.________ a maintenant réussi à développer un système de tags qui nous permet d'avoir la position de toutes les fourmis (et leur orientation) toutes les demi-secondes dans la colonie. Ces résultats sont franchement incroyables (...). 

Le développement du " tracking system " a pris beaucoup de temps (...). 

Je tiens à mentionner que, en plus de ses tâches d'enseignement, A.________ a très souvent présenté son système de tracking dans les médias (...) ".

 

 

A.d. Le système de " tracking " et le logiciel de traçage des fourmis sont deux choses différentes. Le premier est un mécanisme physique composé de boîtes, avec un système de chauffage, un éclairage et une caméra par boîte filmant les fourmis. Le second est un programme informatique permettant de suivre les fourmis à partir des images provenant des caméras.  

A.________ a développé des logiciels entre 2006 et 2011 visant à traiter les données fournies par le logiciel de traçage. Les programmes permettant de déterminer la position des fourmis ont été conçus par D.________, collaborateur scientifique au sein de E.________, tandis que ceux visant à analyser le mouvement et le comportement des fourmis l'ont été par A.________. Les logiciels créés par l'intéressée lui ont permis de traiter les données liées à la rédaction de sa thèse et d'analyser les cycles circadiens des fourmis. Son travail n'aurait pas pu aboutir sans leur utilisation.

 

 

A.e. La démarche consistant à adapter et à améliorer des logiciels existants est tout à fait usuelle dans le monde académique. Les logiciels, soit les codes sources, développés par les professeurs, les assistants et les chercheurs universitaires sont généralement mis en ligne en libre accès, au moment de la publication des contributions, sur le site www.github.com - une plateforme de développement de logiciels dont le siège de l'entreprise titulaire est situé aux Etats-Unis -, afin de permettre à la recherche mondiale d'évoluer rapidement et sans entraves.

 

 

A.f. Le 23 mars 2012, A.________ a obtenu son doctorat ès sciences de la vie.

 

 

A.g. Le 29 mars 2012, l'UNIL a engagé A.________ en qualité de responsable de recherche à 80 % du 1er avril au 30 septembre 2012 au sein du Département d'écologie et évolution. Selon le cahier des charges signé le 16 février 2012, l'employée devait notamment assurer le maintien du système de " tracking " et développer de nouvelles méthodes d'analyse de données fournies par ledit système.

 

 

A.h. Entre le 1er octobre 2012 et le 31 mars 2014, A.________ a travaillé en tant que collaboratrice scientifique auprès de E.________ avant de rejoindre une institution de recherche à l'étranger.

 

 

A.i. Le 26 juin 2018, le Prof. B.________ a proposé à A.________ de rendre publics les codes pour analyser les données de " tracking ".  

Le 19 juillet 2018, A.________ a publié les logiciels, après avoir préalablement spécifié ses conditions au Prof. B.________. Elle a ultérieurement requis des garanties spécifiques avant de partager les codes plus loin.

 

 

A.j. En septembre 2018, A.________ a mis en ligne sur la plateforme GitHub des logiciels en libre accès en y ajoutant la mention " Copyright © A.________. All rights reserved ". Un avis de droit d'auteur est un identifiant placé sur des copies de l'oeuvre, composé généralement du symbole © ou du mot " copyright ", indiquant le titulaire des droits d'auteur sur l'oeuvre et non l'auteur de celle-ci.

 

 

A.k. Par lettre du 14 novembre 2018, le Prof. B.________ a mis A.________ en demeure de cesser de prétendre avoir la titularité des droits d'utilisation des logiciels litigieux, en invoquant le fait que la création de ceux-ci faisait partie intégrante du cahier des charges de l'intéressée en tant qu'employée de l'UNIL.  

Nonobstant ce courrier, A.________ a refusé de modifier les mentions de " copyright " relatives aux logiciels déposés sur la plateforme GitHub.

 

 

A.l. Après avoir été contacté par A.________, l'ombudsman de l'UNIL a transmis aux parties concernées, en date du 17 décembre 2018, le procès-verbal de la séance de médiation tenue le 11 décembre 2018, dont il ressortait notamment ce qui suit: " B.________ reconnaît le rôle déterminant de A.________ dans la création et le développement du logiciel. (...) ce travail a été accompli dans le cadre de l'UNIL, durant le travail de doctorat de A.________ ".

 

 

A.m. Entre le 29 mai 2019 et le 3 février 2020, l'UNIL et A.________ ont échangé divers courriers, chaque partie affirmant être titulaire des droits d'auteur sur les logiciels en question. A.________ n'a pas donné suite aux mises en demeure de l'UNIL de modifier les mentions de " copyright " figurant sur la plateforme GitHub.

 

 

A.n. Le 17 janvier 2020, l'UNIL a déposé une notice de retrait auprès de la société américaine gérant la plateforme GitHub afin que les mentions de " copyright " indiquées sur le compte de A.________ soient modifiées. La société américaine n'a toutefois pas répondu à cette demande.

 

 

B.  

 

B.a. Statuant le 4 novembre 2020 par voie de mesures provisionnelles sur la requête introduite le 16 septembre 2020 par l'UNIL, le Juge délégué de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a notamment ordonné à A.________ de cesser d'utiliser la mention de droit d'auteur " Copyright © A.________ ". All rights reserved " en lien avec les logiciels litigieux, de modifier celle-ci et de la remplacer par la mention " created by A.________ on [date] - Copyright [année] UNIL - All rights reserved ", ainsi que de mentionner le nom de la requérante dans ses indications de droit d'auteur en lien avec les logiciels concernés.  

A.________ s'est exécutée et a modifié les mentions de droit d'auteur sur son compte GitHub.

 

 

B.b. Le 29 janvier 2021, l'UNIL a introduit une demande auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois tendant à ordonner à la défenderesse de cesser définitivement d'utiliser sur la plateforme Github ou toute autre plateforme la mention de droit d'auteur " Copyright © A.________. All rights reserved " et d'indiquer l'UNIL dans ses mentions de droit d'auteur en lien avec tous les logiciels qu'elle avait développés dans le cadre de la rédaction de sa thèse de doctorat et/ou dans le cadre de son emploi au sein de l'UNIL, le tout sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0).  

La défenderesse a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande pour cause d'incompétence du tribunal saisi et, subsidiairement, à son rejet. 

Statuant le 13 juin 2022, la cour cantonale a fait entièrement droit aux conclusions de la demande.

 

 

C.  

Le 13 juillet 2022, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cette décision. Elle conclut, en substance, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la demande du 29 janvier 2021 est rejetée. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de la décision entreprise et sollicite le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 

Au terme de sa réponse, l'UNIL (ci-après: l'intimée) a conclu à l'irrecevabilité du recours respectivement au rejet de celui-ci. 

L'autorité précédente a déclaré se référer aux considérants de sa décision. 

La recourante a répliqué spontanément.

 

 

 

Considérant en droit :

 

 

1.  

1.1. 

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). En l'occurrence, l'autorité précédente, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence ratione materiae sur l'art. 5 al. 1 let. a CPC, de sorte que la décision entreprise est sujette au recours en matière civile indépendamment de la valeur litigieuse.

 

 

 

1.2. Bien que l'intimée prétende le contraire, il y a lieu d'admettre que la recourante dispose effectivement d'un intérêt digne de protection à l'admission de son recours.  

Pour le reste, qu'il s'agisse du délai de recours et des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par l'intéressée.

 

 

2.  

 

2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).

 

 

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

 

La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 

 

Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1).

 

 

2.3. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente, afin d'en contester la régularité (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de mesures probatoires) ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_434/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.2 et les références citées). En revanche, la partie recourante ne saurait introduire des faits ou moyens de preuve qu'elle a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3).

 

 

2.4. En l'occurrence, l'intéressée a produit, en annexe à son mémoire de recours, une pièce nouvelle, intitulée " Rapport d'analyse de codes sources ", datée du 8 juillet 2022. A son avis, la production du document en question serait justifiée par la " confusion " créée par la cour cantonale dans la décision attaquée quant à la définition des logiciels visés par la présente procédure. Force est toutefois de constater que l'intéressée, sous le couvert d'une prétendue confusion imputée à l'autorité précédente, ne fait, en réalité, rien d'autre que s'en prendre à la motivation figurant dans la décision attaquée. La recourante n'établit dès lors nullement que la pièce nouvellement produite relèverait de l'une des exceptions visées par l'art. 99 al. 1 LTF. Il n'en sera dès lors pas tenu compte au moment d'apprécier les mérites des critiques émises par la recourante à l'encontre de la décision entreprise.

 

L'intéressée consacre, par ailleurs, sous la rubrique intitulée " Introduction " de son mémoire de recours, plus de trois pages à sa propre narration des faits de la cause. La Cour de céans ne prendra pas en considération cet exposé dans la mesure où il s'écarte des faits constatés dans la décision attaquée.

 

 

3.  

 

3.1. Aux termes de l'art. 62 al. 1 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1), celui qui subit ou risque de subir une violation de son droit d'auteur peut notamment demander au tribunal de l'interdire si elle est imminente ou de la faire cesser si elle dure encore.  

Par oeuvre, on entend toute création de l'esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel, indépendamment de sa valeur ou de sa destination (art. 2 al. 1 LDA). L'art. 2 al. 3 LDA assimile les programmes d'ordinateur (logiciels) à des oeuvres.

 

 

3.1.1. Selon le principe du créateur (Schöpferprinzip), l'auteur est la personne physique qui a créé l'oeuvre (art. 6 LDA; ATF 136 III 225 consid. 4.3; 116 II 351 consid. 2b; arrêt 4A_527/2021 du 17 février 2022 consid. 4.1). L'auteur dispose sur son oeuvre notamment de prérogatives morales (droit moral), dont le droit de paternité incluant le droit de faire reconnaître sa qualité d'auteur (art. 9 al. 1 LDA). L'intérêt d'une personne physique à faire constater qu'elle est l'auteur d'une oeuvre déterminée existe toujours et ne saurait disparaître par l'écoulement du temps (ATF 136 III 225 consid. 4.3).  

Une personne morale ne peut pas revêtir la qualité d'auteur au sens de l'art. 6 LDA (arrêt 4A_527/2021, précité, consid. 4.1). Cela ne signifie toutefois pas qu'une personne morale ne peut pas être titulaire de droits d'auteur sur l'oeuvre (arrêt 4A_527/2021, précité, consid. 4.1). Selon l'art. 16 al. 1 LDA, les droits d'auteur sont en effet cessibles et transmissibles par succession. La qualité d'auteur d'une oeuvre n'exclut ainsi pas que des droits d'auteur patrimoniaux puissent être cédés par l'auteur à une personne morale (arrêt 4A_527/2021, précité, consid. 4.1). En principe, tous les droits patrimoniaux qui découlent du droit d'auteur peuvent être transférés (ATF 117 II 463 consid. 3; arrêt 4A_643/2012 du 23 avril 2013 consid. 3.1). Un tel transfert ne nécessite le respect d'aucune exigence de forme; il peut parfaitement être conclu tacitement, voire par actes concluants (arrêt 4A_643/2012, précité, consid. 3.1 et la référence citée). Le transfert des droits d'auteur sur une oeuvre confère à l'acquéreur la maîtrise juridique exclusive sur celle-ci (ATF 117 II 463 consid. 3).

 

 

3.2. La création d'une oeuvre dans le cadre d'un contrat de travail n'empêche en principe pas l'employé d'acquérir le statut d'auteur (ATF 136 III 225 consid. 4.3; arrêt 4A_527/2021, précité, consid. 4.2). L'employeur peut toutefois prévoir contractuellement, préalablement et de manière globale, un transfert en sa faveur des droits d'auteur sur une oeuvre créée par le travailleur dans le cadre des rapports de travail (arrêt 4A_527/2021, précité, consid. 4.2).

 

 

3.3. La LDA prévoit toutefois un régime particulier concernant les logiciels créés par un travailleur dans le cadre de son activité professionnelle.  

Aux termes de l'art. 17 LDA, l'employeur est ainsi seul autorisé à exercer les droits exclusifs d'utilisation sur le logiciel créé par le travailleur dans l'exercice de son activité au service de l'employeur et conformément à ses obligations contractuelles. Historiquement, le projet de loi sur le droit d'auteur soumis par le Conseil fédéral aux Chambres fédérales prévoyait, sur ce point, une réglementation calquée sur l'art. 332 al. 1 CO, raison pour laquelle la formulation de l'art. 17 LDA correspond dans une très large mesure à celle de l'art. 332 al. 1 CO (Message du Conseil fédéral du 19 juin 1989 concernant une loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins [loi sur le droit d'auteur, LDA], une loi fédérale sur la protection des topographies de circuits intégrés [loi sur les topographies, LTo] ainsi qu'un arrêté fédéral concernant diverses conventions internationales dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins, FF 1989 III 520; WILLI EGLOFF, in Barrelet/Egloff [édit.], Le nouveau droit d'auteur, 4e éd. 2021, no 1 ad art. 17 LDA; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 545). 

L'application de l'art. 17 LDA suppose ainsi la réalisation de deux conditions cumulatives, dont la formulation est analogue à celle de l'art. 332 CO, à savoir que le logiciel en question ait été créé par un travailleur " dans l'exercice de son activité au service de l'employeur " et " conformément à ses obligations professionnelles "(WYLER/HEINZER, op. cit., p. 545; JACQUES DE WERRA, in de Werra/Gilliéron [édit.], Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, no 9 ad art. 17 LDA; IVAN CHERPILLOD, La nouvelle loi sur le droit d'auteur et les droits voisins: titularité et transfert des droits, in PJA 1993 p. 562). Il doit dès lors exister un lien étroit entre la création du programme informatique et l'activité de l'employé au sein de l'entreprise concernée(EGLOFF, op. cit., no 6 ad art. 17 LDA; DE WERRA, op. cit., no 10 ad art. 17 LDA; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 537; MARTIN J. LUTZ, Les programmes d'ordinateur, in Fabio Marchetto [édit.], La nouvelle loi fédérale sur le droit d'auteur, 1994, p. 184; GIANNI FRÖHLICH-BLEULER, Zum Übergang der Urheberrechte an Computerprogrammen nach dem neuen Art. 17 URG, in RSJ 1994 p. 283 et les références citées; cf. aussi la jurisprudence relative à l'art. 332 CO: arrêt 4A_691/2011 du 6 novembre 2012 consid. 3.1; ATF 72 II 270 consid. 4). Il ressort de la jurisprudence relative à l'art. 332 CO que les deux critères précités sont interdépendants, en ce sens que si l'employé accomplit une obligation contractuelle, il agit forcément dans l'exercice de son activité (arrêt 4A_691/2011, précité, consid. 3.1 et les références citées). Il n'est en revanche pas décisif que le travailleur ait conçu le logiciel pendant ses heures de travail ou durant son temps libre respectivement sur son lieu de travail ou ailleurs (EGLOFF, op. cit., no 6 ad 17 LDA; DE WERRA, op. cit., no 10 ad art. 17 LDA; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 537; FRÖHLICH-BLEULER, op. cit., p. 283; WOLFGANG STRAUB, Softwareschutz, 2011, n. 94; arrêt 4A_691/2011, précité, consid. 3.1; ATF 72 II 270 consid. 4).

 

La nature juridique du régime prévu par l'art. 17 LDA est controversée. Plusieurs auteurs y voient une cession légale des droits du travailleur sur le logiciel en faveur de l'employeur (WYLER/HEINZER, op. cit., p. 546 s.; DE WERRA, op. cit., no 14 ad art. 17 LDA; IVAN CHERPILLOD, Propriété intellectuelle, Précis de droit suisse, 2021, n. 1262; URSULA WIDMER, Der urheberrechtliche Schutz von Computerprogrammen, in RDS 1993 I p. 255; REHBINDER/VIGANÒ, Urheberrecht, Kommentar, 3e éd. 2008, no 1 ad art. 17 LDA; PORTMANN/WILDHABER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 4e éd. 2020, n. 609; NEFF/ARN, Urheberrechtlicher Schutz der Software, in SIWR II/2, 1998, p. 279 et les références citées; MATTHIAS SEEMANN, Übertragbarkeit von Urheberpersönlichkeitsrechten, 2008, p. 329 ss). D'autres évoquent plutôt l'existence d'une licence légale (RETO M. HILTY, Urheberrecht, 2e éd. 2020, n. 682 s.; KAMEN TROLLER, Précis du droit suisse des biens immatériels, 2e éd. 2006, p. 254; VON BÜREN/MEER, Rechtsübergang und Zwangsvollstreckung, in SIWR II/1, 3e éd. 2014 p. 252), certains auteurs estimant que l'art. 17 LDA instaure une présomption légale en faveur de l'employeur lui conférant le droit d'utiliser le logiciel en question (EGLOFF, op. cit., no 6 ad art. 17 LDA; DANIEL ALDER, Urhebervertragsrecht, 2006, p. 498; CHRISTIAN LAUX, Vertragsauslegung im Urheberrecht, 2003, p. 144; GEORG RAUBER, Computersoftware, in Magda Streuli-Youssef [édit.], Urhebervertragsrecht, 2006, p. 205). Quoi qu'il en soit, le régime prévu par l'art. 17 LDA ne remet nullement en cause le principe du créateur selon lequel la personne physique qui a conçu le logiciel revêt le statut d'auteur au sens de l'art. 6 al. 1 LDA (ADRIAN ANDERMATT, Die arbeitsrechtliche Zuordnung von immaterialgüterrechtlich geschützten Arbeitsergebnissen, in RSJ 2008 p. 292; DE WERRA, op. cit., no 14 ad art. 17 LDA; EGLOFF, op. cit., no 4 ad art. 17 LDA). Celui qui a créé un logiciel dans le cadre de ses obligations professionnelles conserve en principe le droit à la reconnaissance de sa qualité d'auteur (EGLOFF, op. cit, no 9 ad art. 17 LDA; URS EGLI, Softwareentwicklung im Arbeitsverhältnis, in ArbR 2007 p. 25 s.; STUTZ/HOTTINGER, Wem gehören die Arbeitnehmer-Designs?, in Sic! 2019 p. 476; FRANÇOIS DESSEMONTET, La propriété intellectuelle et les contrats de licence, 2e éd. 2011, n. 21). En vertu de l'art. 17 LDA, l'employeur se voit toutefois habilité, de par la loi, à exercer les droits patrimoniaux d'utilisation du logiciel concerné (TISSOT/KRAUS/SALVADÉ, Propriété intellectuelle, 2019, n. 111), lesquels englobent notamment le droit de modifier et d'adapter celui-ci (DE WERRA, op. cit., no 20 ad art. 17 LDA; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 547; EGLOFF, op. cit, no 9 ad art. 17 LDA; CARLO GOVONI, Der urheberrechtliche Schutz von Computerprogamme, in PJA 1993 p. 573; ANDERMATT, op. cit., p. 292).

 

 

3.4. Selon la doctrine majoritaire, l'art. 17 LDA ne s'applique toutefois pas aux logiciels créés par des collaborateurs dans le cadre de rapports relevant du droit public(NATHALIE TISSOT, Logiciels et brevets d'invention réalisés par les professeurs des Universités et des Ecoles polytechniques suisses, in Medialex 2014 p. 59; EGLOFF, op. cit., no 5 ad art. 17 LDA; TISSOT/KRAUS/SALVADÉ, op. cit., p. 45 note infrapaginale 330; WIDMER, op. cit., p. 257; JULIUS EFFENBERGER, Urheberrechte von Angehörigen öffentlicher Hochschulen, in RDS, Beiheft 18, 1995, p. 64 s.; NEFF/ARN, op. cit., p. 286; DE WERRA, op. cit., no 8 ad art. 17 LDA; LE MÊME, in Müller/Oertli [édit.], Urheberrechtsgesetz, 2e éd. 2012, no 8 ad art. 17 LDA; d'un avis contraire: WYLER/HEINZER, op. cit., p. 546 s.; STUTZ/AMBÜHL, Rechte an Computerprogrammen, geschaffen im öffentlich-rechtlichen Arbeitsverhältnis - eine Schweizer Sonderlösung, in GRUR Int. 2010 p. 670). La Confédération et les cantons concernés ont dès lors décidé, dès le début des années 2000, d'adopter des mesures sur le plan législatif aux fins de remédier à cette situation jugée insatisfaisante du point de vue de la diffusion la plus large possible des savoirs et de la promotion de la recherche (TISSOT, op. cit., p. 60 s.). Cela s'est notamment traduit, au niveau fédéral, par une modification de la loi du 4 octobre 1991 sur les écoles polytechniques fédérales (LEPF; RS 414.110), entrée en vigueur le 1er janvier 2014, dont l'art. 36 al. 2 prévoit désormais que les droits d'utilisation exclusifs des logiciels que des personnes ayant des rapports de travail au sens de l'art. 17 LEPF créent dans l'exercice de leur activité au service de leur employeur reviennent aux EPF et aux établissements de recherche (cf. aussi le Message du Conseil fédéral du 27 février 2002 concernant la révision partielle de la loi fédérale sur les écoles polytechniques fédérales, FF 2002 3281). Les cantons ont également créé des bases légales prévoyant que les universités peuvent exploiter les logiciels créés par leurs chercheurs dans le cadre de leur activité pour le compte de l'établissement universitaire (TISSOT, op. cit., p. 60 ss).

 

 

3.5. S'agissant des droits de propriété intellectuelle, les deux premiers alinéas de l'art. 70 de la loi du 6 juillet 2004 sur l'Université de Lausanne (LUL; RSV 414.11) énoncent ce qui suit:  

 

" Art. 70 Propriété intellectuelle 

1. A l'exception des droits d'auteur, l'Université est titulaire des droits de propriété intellectuelle portant sur toute création intellectuelle technique ainsi que sur des résultats de recherche obtenus par les membres du corps enseignant dans l'exercice de leurs activités au service de l'Université. Sont réservés les accords comportant des clauses de cession ou de licence en faveur de tiers ayant financé partiellement ou totalement les recherches. 

2. Les droits exclusifs d'utilisation des programmes informatiques créés par les membres du corps enseignant dans l'exercice de leurs activités au sein de l'Université reviennent à cette dernière. " 

Selon l'art. 52 al. 1 LUL, le corps enseignant de l'Université se compose du corps professoral et du corps intermédiaire, soit des maîtres d'enseignement et de recherche, des maîtres assistants ainsi que des assistants. 

 

4.  

Dans la décision attaquée, la cour cantonale constate que les parties au litige étaient liées par un contrat de droit public, soumis à la LUL, et que la recourante, vu sa qualité d'assistante diplômée, faisait partie du corps enseignant. Elle observe que l'intéressée devait assumer des tâches administratives liées à l'enseignement ainsi qu'à la recherche et consacrait le reste de son temps à l'élaboration de sa thèse. La juridiction cantonale estime qu'il est vain de soutenir que l'art. 17 LDA ne trouverait pas application en l'espèce en raison de l'existence d'un contrat soumis au droit public, dès lors que les rapports de travail étaient de toute manière régis par la LUL, laquelle prévoit un régime identique à celui de l'art. 17 LDA en ce qui concerne les droits d'utilisation des programmes informatiques créés par des collaborateurs dans le cadre de leur activité professionnelle.

 

En l'occurrence, l'autorité précédente constate que la recourante a travaillé pour l'intimée en qualité d'assistante diplômée du 1er juillet 2006 au 30 juin 2011. La recourante, qui ne possédait pas de compétences en matière de programmation informatique lors de son engagement, a toutefois pu élaborer, au cours de son activité pour l'intimée et durant l'élaboration de sa thèse, des programmes permettant d'analyser le mouvement et le comportement des fourmis, grâce au travail préalable de son compagnon D.________, lequel avait développé des programmes pour déterminer la position des fourmis. La cour cantonale retient que le développement de logiciels ne figurait pas dans les différents cahiers des charges signés par la recourante. Cela étant, elle constate qu'il est notoire, dans le milieu académique, que la mention " travail de thèse " figurant dans un cahier des charges comprend toute démarche relative à la réalisation de la thèse en question. L'autorité précédente considère que les logiciels développés par l'intéressée étaient non seulement en lien étroit avec son activité mais qu'ils représentaient en outre un outil indispensable à la rédaction de celle-ci, puisque son travail n'aurait pas pu aboutir sans leur utilisation. Partant, si la recourante revêt certes la qualité d'auteur des programmes informatiques en question, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par elle reviennent à l'intimée.

 

 

5.  

 

5.1. Dans son mémoire de recours, l'intéressée indique qu'elle n'entend pas " s'engager dans une critique libre de l'appréciation des magistrats [cantonaux] quant à leur propre compétence " tout en maintenant que la cause relève, à son avis, du droit cantonal de la fonction publique et non du domaine de la propriété intellectuelle. Pareille affirmation ne répond toutefois pas à l'exigence de motivation déduite de l'art. 42 al. 2 LTF. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient en effet à la partie recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision entreprise et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). Or, en l'occurrence, la recourante n'indique pas en quoi l'autorité précédente aurait méconnu le droit en se déclarant compétente pour connaître du présent litige. Insuffisamment motivée, la critique de l'intéressée est, partant, irrecevable.

 

 

5.2.  

Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, la recourante soutient que la cour cantonale aurait, à plusieurs égards, établi les faits et apprécié les preuves administrées de façon arbitraire.

 

 

5.2.1. Pour la recourante, la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en " éliminant purement et simplement " le témoignage de son compagnon D.________. En l'occurrence, l'autorité précédente n'a toutefois pas écarté ledit témoignage, mais a seulement estimé qu'il devait être apprécié avec retenue et pris en compte uniquement dans la mesure où il était corroboré par d'autres éléments du dossier. On cherche vainement en quoi il serait arbitraire de n'accueillir qu'avec réserve les déclarations de ce témoin, vu les liens étroits existant entre la recourante et lui. Quoi qu'il en soit, l'intéressée se contente de présenter sa propre appréciation du caractère probant du témoignage en question. En outre, elle ne démontre pas, à satisfaction de droit, en quoi le témoignage de l'intéressé aurait apporté des éléments décisifs pour l'issue du litige. Sa critique est dès lors irrecevable.

 

 

5.2.2. A en croire la recourante, la juridiction cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en accordant un poids considérable au témoignage du Prof. B.________, nonobstant le conflit qui l'opposait à son ancienne assistante diplômée. L'intéressée relève aussi que le prénommé est toujours employé par l'intimée.

 

Par sa critique au ton appellatoire marqué, la recourante ne fait qu'opposer sa propre appréciation du caractère probant du témoignage de l'intéressé à celui de la cour cantonale. Cela ne suffit toutefois pas à démontrer en quoi la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en accordant de l'importance aux déclarations faites par le Prof. B.________, étant précisé que celui-ci était au coeur de cette affaire, dans la mesure où il supervisait la thèse de la recourante. C'est le lieu du reste de souligner que la juridiction cantonale n'a négligé aucune circonstance pertinente puisqu'elle a fait état de la dégradation progressive des relations entre ledit témoin et la recourante. En tout état de cause, c'est à tort que l'intéressée soutient que c'est le Prof. B.________ qui bénéficierait des droits d'utilisation des logiciels litigieux si les siens n'étaient pas reconnus, puisque ceux-ci reviendraient, en réalité, à l'intimée. C'est également de manière erronée qu'elle affirme que les déclarations faites par le Prof. B.________ auraient dû être considérées comme des allégations de partie, puisque ce dernier n'était qu'un employé de l'intimée. L'argumentation développée par l'intéressée tombe ainsi à faux.

 

 

5.2.3. La recourante reproche en outre à la cour cantonale d'avoir pris en considération, au moment d'examiner laquelle des deux parties avait suggéré que l'intéressée suive des cours de programmation informatique, le contenu d'un courrier électronique daté du 21 septembre 2006, non produit, dont le contenu avait été repris dans un courrier de l'intimée du 3 février 2020. Il ne s'agit toutefois pas là d'un élément décisif pour l'issue du litige comme on va le voir ci-après.

 

 

5.2.4. L'intéressée fait également grief à l'autorité précédente d'avoir entretenu une " confusion évidente " s'agissant des logiciels visés par la présente procédure. La cour cantonale aurait ainsi erré en considérant que ceux-ci étaient des logiciels de traçage et qu'ils avaient été développés par l'intéressée. Celle-ci souligne que les logiciels de traçage ont été conçus par son compagnon D.________. Elle indique ainsi que les logiciels qui font l'objet du présent litige portent uniquement sur le traitement de données récoltées pendant l'expérience. Elle relève, toutefois, que ce procédé de traitement des données peut être utilisé dans d'autres contextes, sans qu'ils n'aient de rapport avec sa thèse. L'intéressée conteste en outre s'être basée sur un logiciel de traçage développé par D.________ pour créer ses propres logiciels. Elle réfute également l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle le développement des logiciels litigieux était indispensable à la rédaction de sa thèse et soutient que ceux-ci ont été conçus en parallèle de son activité professionnelle dans le but de faciliter la réalisation de sa thèse.  

Il appert de l'argumentation ainsi résumée, qui présente du reste un caractère appellatoire marqué, que l'intéressée se borne à vouloir substituer sa propre appréciation des preuves à celle de l'autorité précédente, notamment lorsqu'elle affirme, comme s'il fallait la croire sur parole, que " les logiciels litigieux n'étaient absolument pas indispensables à la rédaction de sa thèse ". Semblable démarche ne suffit toutefois pas à faire apparaître la solution retenue par l'autorité précédente comme insoutenable ni, partant, à la taxer d'arbitraire. 

Il n'est pas nécessaire de trancher ici la question de savoir si c'est l'art. 17 LDA ou l'art. 70 al. 2 LUL qui trouve application en l'espèce et si le régime juridique prévu par ces deux dispositions est identique. L'autorité précédente a considéré que la LUL réglait les droits d'utilisation des programmes informatiques de la même manière que l'art. 17 LDA. Or, la recourante ne conteste nullement cette interprétation de l'art. 70 LUL, raison pour laquelle il n'y a pas lieu de s'attarder sur ce point.

 

Fondant son raisonnement sur la prémisse, non contestée par la recourante, selon laquelle les conditions d'application des art. 17 LDA et 70 al. 2 LUL sont identiques, l'autorité précédente a considéré, à bon droit, qu'il doit exister un lien étroit entre la création du logiciel litigieux et l'activité professionnelle du travailleur concerné pour que l'employeur puisse se prévaloir des droits d'utilisation du programme informatique en question, sans qu'il importe de savoir si celui-ci a été conçu sur le lieu de travail ou durant le temps libre du collaborateur. Se référant à l'opinion professée par un auteur, la cour cantonale a estimé que l'art. 17 LDA ne s'applique pas lorsqu'un collaborateur conçoit un logiciel en dehors de ses obligations contractuelles dans le but de faciliter l'exécution de celles-ci. Au terme de son appréciation des preuves disponibles, elle a jugé que la recourante n'aurait toutefois pas pu terminer sa thèse sans utiliser les logiciels qu'elle avait développés durant son activité professionnelle. 

A l'encontre de cette appréciation, l'intéressée se borne à opposer sa propre vision des choses et à tenter de nier toute force probante au témoignage du Prof. B.________. Pareille démonstration ne suffit toutefois pas à démontrer que la cour cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en retenant le résultat auquel elle a abouti. C'est également en vain que l'intéressée tente de faire accroire que l'autorité précédente aurait créé une confusion quant à l'objet du litige. A la lecture de la décision attaquée, on discerne en effet sans difficulté que les logiciels conçus par l'intéressée lui permettaient de traiter les données fournies par le logiciel de traçage et, partant, d'analyser celles-ci, aux fins d'élaborer sa thèse consacrée à l'étude des cycles circadiens des fourmis. Si la cour cantonale a certes fait allusion, de manière isolée, au fait que le développement de " logiciels de traçage " ne figurait pas dans le cahier des charges de la recourante, il n'en demeure pas moins qu'elle a visiblement identifié correctement les logiciels litigieux. C'est également, en pure perte, que l'intéressée soutient ne pas s'être basée sur les logiciels de traçage conçus par son compagnon pour élaborer ses propres programmes informatiques, ou que ceux-ci ont été conçus en parallèle de son activité professionnelle ou qu'elle prétend, en substance, avoir suivi de sa propre initiative des cours de programmation informatique dispensés par E.________. De tels éléments n'ont en effet aucune incidence sur l'issue du litige. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que la mention " travail de thèse " figurant dans le cahier des charges de l'intéressée englobait toute démarche relative à la réalisation de la thèse en questionElle a en outre constaté, de façon exempte d'arbitraire, que les logiciels litigieux étaient un outil indispensable à la rédaction de la thèse de l'intéressée et que son travail n'aurait pas pu aboutir sans leur utilisation, ce qui scelle le sort du litige. L'affirmation de la recourante selon laquelle les logiciels qu'elle a conçus peuvent être utilisés dans d'autres domaines que le champ d'étude de sa thèse n'y change rien.

 

 

5.2.5. Pour le reste, l'intéressée ne soutient pas que la cour cantonale aurait méconnu le droit en aboutissant à la solution retenue par elle sur la base des faits constatés dans la décision attaquée.

 

 

6.  

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

 

 

 

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  

 

1.  

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 

 

2.  

Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 

 

3.  

La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 

 

4.  

Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 

 

 

Lausanne, le 22 novembre 2022