Sunday, October 31, 2021

VAT (Swiss Law)

 

VAT (Swiss Law)

 

Notion de contre-prestation

Rabais, escomptes et autres remises

Diminution de la contre-prestation imposable

Contrat d’entreprise générale

 

 

Tribunal fédéral suisse

2C_647/2021  

Arrêt du 1er novembre 2021  

IIe Cour de droit public  

 

Participants à la procédure 

A.________ SA, 

représentée par, 

recourante, 

 

contre  

 

Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne. 

 

Objet 

Taxe sur la valeur ajoutée (2011 à 2014; diminution de la contre-prestation imposable), 

 

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 28 juin 2021 (A-2119/2021). 

 

 

(…)

 

5.  

La recourante prétend que l'arrêt attaqué viole la loi fédérale du 12 juin 2009 sur la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20) et, plus particulièrement, son art. 41 al. 1. Le Tribunal administratif fédéral aurait refusé à tort que les notes de crédits sur acompte émises lors de la construction de l'immeuble à Carouge, soient déduites de son chiffres d'affaires pour le calcul de la TVA des années 2011 à 2014.

 

 

5.1. La Confédération perçoit une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à chaque stade du processus de production et de distribution (art. 1 al.1 LTVA). Sont notamment soumises à TVA les prestations fournies sur le territoire suisse par des entreprises assujettis moyennant une contre-prestation (art. 18 al. 1 LTVA). Une prestation consiste dans le fait d'accorder à un tiers un avantage économique consommable dans l'attente d'une contre-prestation (art. 3 let. c LTVA). Elle peut aussi bien prendre la forme de livraisons de biens que de prestations de services (art. 3 let. d et e LTVA). Quant à la contre-prestation, elle représente la valeur patrimoniale que le destinataire de cette prestation, ou un tiers à sa place, remet en contrepartie (art. 3 let. d à f LTVA). La TVA se calcule sur la contre-prestation effective, qui comprend notamment la couverture de tous les frais, qu'ils soient facturés séparément ou non, ainsi que les contributions de droit public dues par l'assujetti (art. 24 al. 1 LTVA).

 

 

5.2. La contre-prestation remise en échange d'une prestation - déterminante pour le calcul de la TVA (cf. supra consid. 5.1) - est en règle générale acquittée sous la forme d'une somme d'argent. Elle peut cependant revêtir d'autres formes, telles que la livraison d'un bien ou la fourniture d'un service en échange, ainsi la reprise d'une dette du prestataire. En d'autres termes, la contre-prestation peut être tout avantage patrimonial accordé par le destinataire (arrêt 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.4). Elle peut selon les circonstances être versée à une autre personne que le prestataire: c'est notamment le cas lorsque le destinataire paie une dette de ce dernier (cf. notamment AFC, Info TVA 07 - Calcul de l'impôt et taux de l'impôt, ch. 1.3.1, consulté le 13 octobre 2021 sur www.estv.admin.ch; BOSSART/CLAVADETSCHER, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer, 2015, n° 81 ad art. 18 LTVA). Ainsi, lorsque le destinataire d'une prestation paie lui-même les sous-traitants de l'entreprise prestataire, ses versements constituent en principe autant de contre-prestations - ou avantages patrimoniaux - offertes à celle-ci, qui devrait sinon rétribuer elle-même de tels sous-traitants. Peu importe que ces coûts n'apparaissent dès lors pas dans la facture que l'entreprise assujettie adresse à son client (cf. arrêt 2A.215/2003 du 20 janvier 2005 consid. 7).

 

 

5.3. La problématique des rabais, escomptes et autres remises sur le prix d'une prestation est pour sa part réglée à l'art. 41 al. 1 LTVA. Selon cette disposition, si la contre-prestation acquittée par le destinataire de la prestation ou convenue avec lui est corrigée, le chiffre d'affaires imposable de l'entreprise assujettie doit être adapté au moment de la comptabilisation de la correction ou de l'encaissement effectif de la contre-prestation corrigée. Cela signifie que les remises accordées lors de la conclusion du contrat ou postérieurement à celle-ci (réductions de contre-prestation accordées ensuite de rabais, d'escomptes ou autres) peuvent être déduites de la contre-prestation convenue pour le calcul de la TVA. Une telle déduction n'est cependant admissible, d'après la jurisprudence, que si elle se trouve dans un rapport direct avec l'opération à la base de la contre-prestation initiale (arrêt 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.4; voir également ATF 136 II 441 consid. 3.2 et 2C_928/2010 du 28 juin 2011 consid. 2.3 rendu en application de l'ancienne LTVA).

 

 

5.4. S'agissant du fardeau de la preuve, conformément au principe général de l'art. 8 CC, il appartient à l'autorité fiscale d'établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette fiscale ou la suppriment (cf. ATF 143 II 661 consid. 7.2, 140 II 248 consid. 3.5; 121 II 257 consid. 4c/aa).

 

 

5.5. En l'occurrence, dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a constaté qu'entre le 12 décembre 2013 et le 7 octobre 2014, la recourante avait perçu des acomptes d'un montant total de 8'084'646 fr. 51 pour la construction d'un immeuble "clef en main" à la rue E.________ à Carouge. Il a également établi qu'après réception desdits acomptes, l'intéressée avait émis des notes de crédit pour une somme cumulée de 3'868'000 fr., avant d'effectuer divers versements d'une valeur correspondante sur un compte bancaire détenu par F.________, C.________ et G.________. Le Tribunal administratif fédéral n'a en revanche pas déterminé si ces trois personnes représentaient les véritables maîtres de l'ouvrage, le cas échéant organisés sous la forme d'une société simple, sachant que le contrat d'entreprise avait été formellement conclu par une société anonyme tierce, soit D.________ SA. Il n'est de toute manière pas parvenu à établir les motifs des versements effectués en leur faveur, ni la manière dont leurs montants avaient été fixés, de sorte qu'il n'a pas discerné en quoi de tels versements auraient pu entretenir un lien direct avec la construction commandée à la recourante. En l'absence d'un tel lien, le Tribunal administratif fédéral a retenu que ces versements ne constituaient en aucun cas des réductions de la contre-prestation reçue par la recourante au sens de l'art. 41 al. 1 LTVA.

 

 

5.6. On ne voit pas que le raisonnement suivi dans l'arrêt attaqué, tel qu'il vient d'être présenté, violerait le droit fédéral. Sans connaître la justification et la finalité exactes des notes de crédit émises par la recourante, il est impossible de considérer qu'elles se trouveraient dans un lien direct avec la construction de l'immeuble de Carouge et, partant, qu'elles auraient diminué la contre-prestation obtenue par l'intéressée pour la réalisation de cet ouvrage en application de l'art. 41 al. 1 LTVA. Le simple fait que ces notes de crédit aient donné lieu à divers versements en faveur des personnes ayant prétendument commandé et financé l'immeuble sous la forme d'une société simple ne suffit pas à démontrer un tel lien, quoi que répète la recourante dans son mémoire. Comme le relève l'AFC dans sa réponse, il est tout à fait envisageable que de tels versements aient servi à rétribuer des prestations effectués sur ou en dehors dudit chantier par les récipiendaires, qui étaient alors tous actifs d'une manière ou d'une autre dans l'immobilier, ou qu'ils aient représenté des dividendes dissimulés en faveur de ces mêmes personnes, sachant qu'elles étaient toutes actionnaires de sociétés impliquées dans le projet de Carouge (et notamment de la recourante). Il incombait à la recourante, en tant qu'entreprise prestataire assujettie à la TVA, de démontrer le contraire et d'apporter les éléments permettant de déterminer la véritable raison des versements qu'elle a opérés. Elle doit supporter les conséquences de cette absence de preuve, laquelle empêche d'admettre l'existence d'un rapport direct entre les notes de crédit et sa prestation d'entreprise générale et, partant, toute réduction de la contre-prestation obtenue pour ce travail en application de l'art. 41 al. 1 LTVA.  

 

 

(…)

 

 

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  

 

1.  

Le recours est rejeté. 

 

2.  

Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 

 

3.  

Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

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