Wednesday, September 28, 2022

Customs (CH) - Import

 

Customs (CH)


Import


Remise des droits de douane


Intérêts moratoires et difficultés économiques


Sélection « bloqué » lors du passage en douane


Légères discordances entre les mentions portées sur une preuve de l’origine et celles portées sur les documents présentés au bureau de douane


Bonne foi (recourante débitrice de la dette douanière - soumise à la présomption irréfragable d’obtention d’un avantage direct au sens de l’art. 12 al. 2 DPA - allégation de sa bonne foi ne lui est d’aucun secours -  elle est donc redevable de la créance subséquente)


Demande de taxation provisoire


Rectification de la taxation


Le régime du perfectionnement actif est soumis à autorisation préalable de la DGD


Convention PEM révisée



 

Tribunal administratif fédéral (CH)

Cour I A-6134/2019 

28.09.2022

Republication

 

 

Arrêt du 28 septembre 2022 

A._______ S.A., 

recourante, 

contre 

Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF),
Domaine de direction Bases, Section Droit, Taubenstrasse 16, 3003 Bern, 

autorité inférieure. 

Demande de remise de droits de douane (preuve d'origine annulée) ; décision du 23 octobre 2019

Objet


Faits : 

A. 

 

A._______ SA est une société anonyme, sise à X._______ et inscrite au Registre du commerce du canton Z._______ depuis le (...) 1990 avec pour but (depuis 1999) « la création, la gestion et l'exploitation en Suisse d'entreprises relatives au découpage et emboutissage de précision, à la fabrication d'outillage de précision, et à la transformation et à la commercialisation de tous produits sidérurgiques et autres composants magnétiques. » 

 

A.a Durant les années 2015 à 2018, la société B._______ France Sàrl a dédouané à l’importation pour le compte de la société A._______ SA 12'239'167.70 kilos de tôles magnétiques en acier provenant de Slovénie au taux préférentiel des accords de libre-échange Suisse-CE, ce qui correspond à 538 factures.

 

B.
B.a 
Le 25 juin 2019, la Section Tarif et Régimes douaniers de la Direction d’arrondissement III Genève (ci-après: la DA; devenue entretemps Douane Ouest) de l’Administration fédérale des douanes (ci-après : AFD, a été rebaptisée Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières [OFDF] au 1er janvier 2022) a informé la société A._______ SA qu’un contrôle ultérieur effectué par le bureau de douane de Y._______ avait permis de constater que les déclarations d’origine sur facture n’étaient pas formellement valables car le texte ne respectait pas les dispositions du protocole n°3 de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la CE. En conséquence, les marchandises ne pouvaient pas bénéficier du taux préférentiel. La DA Genève envisageait de recouvrer la somme due conformément au tableau de calcul des redevances annexé et transmis à la société afin qu’elle exerce son droit d’être entendue.

 

B.b Par courriel du 1er juillet 2019, la société A._______ SA a demandé, en substance, s’il était possible de trouver un arrangement et d’envisager une remise de droits, vu sa situation financière précaire.

 

B.c Par décision du 12 juillet 2019, la DA Genève a prononcé à l’adresse de la société A._______ SA une « décision de perception d’une différence de droits » pour la somme de 27'019 fr. 65 (intérêts moratoires inclus) calculée sur le taux de 0 fr. 20 par 100 kg brut, en application d’un engagement d’emploi datant de 1993 dont la société était titulaire. Elle informait également qu’une demande de remise de droits pouvait être adressée à la Direction générale des douanes (ci-après : la DGD) dans un délai d’un an à compter de l’entrée en force de sa décision.

 

C.
C.a 
Par requête du 14 août 2019, la société A._______ SA a sollicité auprès de la DGD une remise des droits de douane, arguant en substance de sa bonne foi, du fait qu’elle n’avait profité d’aucun avantage et de difficultés financières.

 

C.b Par décision du 23 octobre 2019, la DGD a rejeté la requête de remise de droit, tout en renonçant à la perception de l’intérêt moratoire, la requérante ayant affirmé de manière crédible faire face à des difficultés économiques notables.

 

D.
D.a 
Par acte du 20 novembre 2019, la société A._______ SA (ci-après : la recourante) interjette recours par-devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal) à l’encontre de cette décision dont elle demande implicitement la réformation partielle dans la mesure où elle conclut à ce que les droits de douane d’un montant de 24'478 fr. 75 lui soient remis. A l’appui de cette conclusion, la recourante explique en substance importer mensuellement depuis 12 ans de l’acier magnétique de et produit en Slovénie, qu’elle découpe et réexporte en Europe. Un changement de système informatique chez son fournisseur slovène fin 2014 est à l’origine de la phrase rajoutée dans le texte de la déclaration d’origine sur facture problématique. Elle explique que depuis cette date plus de 500 camions ont passé la douane de Boncourt munis de cette déclaration et que plus de 111 contrôles avec statut bloqué ont été effectués sans remarque particulière de la douane. Ce n’est que le 17 juillet 2018 qu’elle aurait été avisée par son transitaire des problèmes de validité de texte, sans qu’elle et son fournisseur ne comprennent pourquoi celui-ci est faux. Après perquisition chez le transitaire, l’autorité douanière veut taxer comme non européenne la marchandise importée par 538 factures, alors qu’il est incontesté que cette dernière est d’origine européenne. L’application d’un engagement d’emploi non utilisé depuis des années a permis de limiter l’ampleur des redevances dues et d’éviter la faillite de la recourante mais elle affirme que la somme reste importante.

 

D.b Dans sa réponse au recours du 6 janvier 2020 – transmise à la recourante le 9 janvier suivant (svt), la DGD (ci-après : l’autorité inférieure) soutient en substance que l’inobservation des dispositions formelles constitue une violation du devoir de diligence de la part du déclarant et qu’en l’espèce le libellé de la déclaration d’origine est faux et que cette erreur ne peut être assimilée à une simple faute de frappe. Pour le surplus, elle rappelle que le résultat de la sélection « bloqué » lors du passage en douane n’entraîne pas nécessairement un contrôle de la déclaration en douane ou de la marchandise et que la recourante ne peut tirer aucun droit du fait que 13 envois ont effectivement été vérifiés.

 

D.c Par ordonnance du 13 janvier 2022, constatant l’absence de certaines pièces, le Tribunal requiert de l’autorité inférieure la production du dossier complet de la cause, ce qui fût fait le 31 svt.

Les autres faits et allégations des parties seront, pour autant que besoin, repris dans les considérants en droit qui suivent.


 

Droit : 

1. 

Les décisions de la DGD concernant la remise des droits de douane (cf. art. 59 de l’ordonnance du 4 avril 2007 de l’OFDF sur les douanes [OD-OFDF, RS 631.013]) peuvent faire l'objet d'un recours auprès du TAF (art. 31 et art. 33 let. d LTAF en relation avec l'art. 116 al. 4 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes [LD ; RS 631.0]). Sauf disposition contraire de la LTAF, la procédure est régie par les dispositions de la PA (art. 37 LTAF). Déposé dans les délais (art. 50 PA) et les formes requises (art. 52 PA) par la destinataire de la décision litigieuse, laquelle possède un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 48 al. 1 PA), le recours est donc recevable sur le plan formel et il peut être entré en matière sur ses mérites.

 

2.
2.1 
La recourante peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et l'inopportunité (art. 49 PA).

 

2.2 Le TAF constate les faits et applique le droit d'office, sans être lié par les motifs invoqués à l'appui du recours (art. 62 al. 4 PA), ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 300 s.). La maxime inquisitoire doit toutefois être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits, en vertu duquel celles-ci doivent notamment indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver leur requête (art. 52 al. 1 PA). Partant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n'examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l'y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1 et 122 V 157 consid. 1a ; ATAF 2014/24 consid. 2.2 et 2012/23 consid. 4; ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER/MARTIN BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2013, ch. 1135 s.).

 

3. 

Avant d’exposer les règles régissant la remise des droits de douane (cf. infra consid. 6), le Tribunal rappellera le régime douanier auxquelles sont soumises les preuves d’origine préférentielle (cf. infra consid. 4) ainsi que la procédure applicable à la perception subséquente de redevances (cf. infra consid. 5), puis, il examinera les conséquences de l’application de ces différentes dispositions sur le cas d’espèce (cf. infra consid. 7 et 8).

 

4.
4.1 
Aux termes de l’art. 7 LD et de l’art. 1 de la loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD, RS 632.10), toutes les marchandises introduites dans le territoire suisse sont soumises aux droits de douane et doivent être dédouanées conformément au tarif général figurant dans les annexes de la LTaD. Sont toutefois réservés les dérogations, ainsi que les allégements et les exemptions prévus par les traités internationaux ou par les dispositions spéciales de lois ou d’ordonnances (art. 2 et 8 ss LD, art. 1 al. 2 LTaD). En particulier, l’origine de certaines marchandises permet à ces dernières de bénéficier d’un traitement préférentiel, voire d’une franchise des droits lors du passage de la douane.

 

4.2
4.2.1 
La Suisse a conclu de nombreux accords internationaux qui contiennent des règles d'origine desquelles découlent un traitement préférentiel, respectivement une franchise des droits. Tel est entre autres le cas de l'accord du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (RS 0.632.401 ; ci-après : l'Accord CH-CEE), qui vise à éliminer les droits de douane à l'importation à l'égard de divers produits originaires de la Communauté (respectivement de l'Union) européenne et de la Suisse (cf. art. 2 et 3 de l'Accord CH-CEE). Selon l'art. 11 de l'Accord CH-CEE, le Protocole n° 3 détermine les règles d'origine.

 

Du 15 décembre 2005 jusqu'au 31 janvier 2016, les règles d'origine applicables étaient celles du Protocole n° 3 du 15 décembre 2005 relatif à la définition de la notion de « Produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative de l'accord (RO 2013 2831 et les modifications ultérieures ; ci-après : le Protocole n° 3 2005). Dans le cadre d'une uniformisation des règles d'origine en vigueur dans les pays de la zone paneuroméditerranéenne, le Protocole n° 3 2005 a été remplacé par une nouvelle version, adoptée et entrée en vigueur le 3 décembre 2015 avec effet du 1er février 2016 au 31 août 2021 (RO 2016 371 ci-après : le Protocole n° 3 2015). Le 12 août 2021, un nouveau Protocole n° 3 a été adopté avec entrée en vigueur le 31 août 2021 et application à partir du 1er septembre 2021 (ci-après : le Protocole n° 3 2021 ; toutes les versions du Protocole n° 3 sont consultables au RS 0.632.401.3).

 

En l'occurrence, les preuves d'origine concernées ont été établies entre le 26 janvier 2015 et 24 juillet 2018. Le Protocole n° 3 2015 n'étant pas assorti de dispositions transitoires et les règles d'origine qu'il contient – dans la mesure où elles sont pertinentes en l'espèce – étant identiques à celles du Protocole n° 3 2005, cela laisse le choix du protocole à appliquer (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A-5065/2018 du 17 mars 2021 consid. 4.1.2), le Protocole n° 3 2021 ne s’appliquant pas ratione temporis. En effet, la notion de « règles transitoires » que ce dernier contient (cf. art. 2) est d’un autre ordre. Il s'agit de permettre aux entreprises des parties contractantes de bénéficier dès à présent des règles révisées de la convention régionale sur les règles d'origine préférentielles paneuroméditerranéennes (RS 0.946.31 ; ci-après : la Convention PEM, à laquelle renvoie l’art. 1 du Protocole n° 3 2015 et 2021), rendant ainsi la mise en œuvre des règles d'origine plus souple et plus simple. C’est la possibilité d’appliquer ces règles de manière bilatérale qui est transitoire (« période transitoire »), le temps de l'adoption de la convention PEM révisée par tous les Etats contractants (cf. le préambule de Décision no 2/2021 du comité mixte UE- Suisse du 12 août 2021 adoptant le Protocole n° 3 2021). Par conséquent, il ne sera fait référence qu'au Protocole n° 3 2015 dans les considérants qui suivent.

 

Concernant les règles d'origine applicables, l'art. 1 du Protocole n° 3 2015 dispose que le texte relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative, est remplacé par celui figurant en annexe. L'art. 1 § 1 de l'annexe renvoie à l'appendice I et aux dispositions pertinentes de l'appendice II de la Convention PEM. L'appendice I de la Convention PEM contient des règles générales pour la définition de la notion de « produits originaires » et les méthodes de coopération administrative. L'appendice II de la Convention PEM contient des règles spéciales qui sont applicables (uniquement) entre les différentes parties contractantes (cf. art. 1 § 2 al. 3 de la Convention PEM) et qui ne sont pas pertinentes en l'espèce.

 

4.2.2 L'art. 2 Appendice I recense les types de produits qui peuvent être qualifiés de « produits originaires » aux fins de la mise en œuvre de l'Accord CH-CEE. En particulier, l'art. 2 § 1 let. c Appendice I prévoit que les marchandises originaires de l'Espace économique européen (EEE) au sens du protocole 4 de l'accord sur l'Espace économique européen sont considérés comme originaires d'une Partie contractante lorsqu'ils sont exportés vers une autre Partie contractante. Cette disposition précise toutefois que les marchandises originaires de l'EEE doivent être considérées comme originaires de l'Union européenne, d'Islande, du Liechtenstein ou de Norvège lorsqu'elles sont exportées de l'Union européenne, d'Islande, du Liechtenstein ou de Norvège vers une Partie contractante autre que celles de l'EEE. Aux termes de l’art. 2 § 2 Appendice I, les dispositions du § 1, point c), ne s’appliquent que s’il existe des accords de libreéchange entre la Partie contractante importatrice et les Parties contractantes de l’EEE.

 

4.2.3 L'art. 15 § 1 Appendice I énumère exhaustivement les preuves d'origine qui peuvent être présentées pour que des marchandises puissent bénéficier des dispositions de l'Accord CH-CEE. Il s'agit d’un certificat de circulation des marchandises EUR.1, dont le modèle figure à l’annexe IIIa (let. a) ; d’un certificat de circulation des marchandises EUR-MED, dont le modèle figure à l’annexe IIIb (let. b) ; dans les cas visés à l’art. 21 § 1, d’une déclaration (dénommée « déclaration d’origine » ou « déclaration d’origine EUR-MED ») établie par l’exportateur sur une facture, un bon de livraison ou tout autre document commercial, décrivant les produits concernés d’une manière suffisamment détaillée pour pouvoir les identifier. Les textes des déclarations d’origine figurent aux annexes IVa et IVb. En dérogation au § 1, l’art. 15 § 2 Appendice I dispose que dans les cas prévus à l'art. 26 – qui ne s'applique toutefois pas en l'espèce – les produits originaires au sens de la convention PEM peuvent bénéficier des dispositions des accords pertinents sans qu'il soit nécessaire de présenter une des preuves d'origine prévues par l'art. 15 § 1 Appendice I.

 

4.2.4 L'art. 21 § 1 Appendice I prévoit qu’une déclaration d’origine ou une déclaration d’origine EUR-MED visée à l’art. 15 § 1 let. c peut être établie par un exportateur agréé au sens de l’art. 22 (let. a) ou (let. b) par tout exportateur pour tout envoi constitué d’un ou de plusieurs colis contenant des produits originaires dont la valeur totale n’excède pas 6000 EUR. 

Aux termes du § 6 de cette même disposition, la déclaration d'origine ou la déclaration d'origine EUR-MED doit être établie par l'exportateur en dactylographiant ou en imprimant sur la facture, le bon de livraison ou tout autre document commercial la déclaration dont les textes figurent aux annexes IVa et IVb, en utilisant l'une des versions linguistiques de ces annexes, conformément aux dispositions du droit interne du pays d'exportation.

 

4.2.5 L’Annexe IVa de l’Appendice I prescrit le texte devant figurer sur la déclaration d’origine dans différentes versions linguistiques. La version anglaise a la teneur suivante : 

« [...] The exporter of the products covered by this document (customs authorization No (1)) declares that, except where otherwise clearly indicated, these products are of (2) preferential origin. 

........................................................................................................................(3) (Lieu et date) 

........................................................................................................................(4) 

(signature de l’exportateur et indication, en toutes lettres, du nom de la personne qui signe la déclaration) [...] ». 

Les notes de bas de page de cette annexe apportent les précisions suivantes : 

« [...] (1) 

(2) 

(3) 

(4) 

Si la déclaration d’origine est établie par un exportateur agréé, le numéro d’autorisation de cet exportateur doit être mentionné ici. Si la déclaration d’origine n’est pas établie par un exportateur agréé, la mention figurant entre parenthèses est omise ou l’espace prévu est laissé en blanc. 

L’origine des produits doit être indiquée. Au cas où la déclaration d’origine se rapporte, en totalité ou en partie, à des produits originaires de Ceuta et Melilla, l’exportateur est tenu de les identifier clairement, au moyen du sigle « CM », dans le document sur lequel la déclaration est établie. 

Ces indications sont facultatives si les informations figurent dans le document proprement dit.

 

Dans les cas où l’exportateur n’est pas tenu de signer, la dispense de signature dégage aussi de l’obligation d’indiquer le nom du signataire. [...] ».

 

4.2.6 En vertu de l’article 24 Appendice I, les preuves d’origine doivent être présentées aux autorités douanières du pays d’importation conformément aux procédures applicables dans ce pays. Pour la Suisse, les dispositions de la législation douanière sont donc applicables. 

L’art. 29 Appendice I traite des discordances et des erreurs formelles. La constatation de légères discordances entre les mentions portées sur une preuve de l’origine et celles portées sur les documents présentés au bureau de douane en vue de l’accomplissement des formalités d’importation des produits n’entraîne pas ipso facto la non-validité de la preuve de l’origine, s’il est dûment établi que ce document correspond au produit présenté (al.1). Les erreurs formelles manifestes telles que les fautes de frappe dans une preuve de l’origine n’entraînent pas le refus du document si ces erreurs ne sont pas de nature à mettre en doute l’exactitude des déclarations contenues dans ledit document (al. 2).

 

4.3
4.3.1 
Le régime douanier suisse est fondé sur le principe de l’auto-déclaration, en vertu duquel la personne assujettie à l’obligation de déclarer (cf. art. 26 LD) doit prendre les mesures nécessaires pour que les marchandises importées et exportées à travers la frontière soient correctement déclarées (cf. art. 18 al. 1 LD en relation avec l’art. 25 LD). Aussi, la législation douanière dispose que la personne assujettie porte l’entière responsabilité de l’exactitude et de l’exhaustivité de sa déclaration et doit faire preuve d’un grand soin dans l’exécution de cette tâche, un haut degré de diligence étant attendu d’elle (cf. Message du Conseil fédéral du 15 décembre 2003 relatif à une nouvelle loi sur les douanes [MCF LD], FF 2004 517, 550 s ; ATF 112 IV 53 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral [TF] 2C_32/2011 du 7 avril 2011 consid. 4.2 et 2A.539/2005 du 12 avril 2006 consid. 4.5 ; notamment : arrêts du TAF A-3244/2018 du 10 septembre 2020 consid. 3.3.1, A-5163/2018 du 16 août 2019 consid. 3.4.1, A-1131/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4). La déclaration en douane constitue la base du placement sous régime douanier et occupe donc une place centrale dans le système douanier suisse (cf. BARBARA SCHMID, in : Martin Kocher/Diego Clavadetscher [éd.], Handkommentar Stämpflis Zollgesetz [ci-après : Zollkommentar], 2009, art. 18 N 59).

 

4.3.2 La procédure douanière est par ailleurs réglée aux art. 21 ss et 72 ss LD. Aux termes de l’art. 21 al. 1 LD, quiconque introduit ou fait introduire des marchandises dans le territoire douanier ou les prend en charge par la suite doit les conduire ou les faire conduire sans délai et en l’état au bureau de douane le plus proche. La personne assujettie doit, dans le délai fixé par l’OFDF, déclarer en vue de la taxation les marchandises conduites, présentées et déclarées sommairement au bureau de douane et remettre les documents d’accompagnement (art. 25 al. 1 LD). Ces documents comprennent tous les justificatifs ayant une importance pour le placement sous régime douanier dont notamment les preuves d’origine (cf. art. 80 al. 1 de l’Ordonnance du 1er novembre 2006 sur les douanes [OD, RS 631.01]).

 

4.3.3 Lors de la déclaration de marchandises dans le cadre de l’accord de libre-échange, les exigences relatives à la validité formelle des preuves d’origine préférentielle, selon lesquelles le texte de la déclaration d’origine sur la facture doit correspondre au texte des annexes IVa et IVb de l’Appendice I (cf. supra consid. 4.2.5), doivent également être respectéesCes exigences formelles ont été intégrées à la pratique de l’OFDF au point 7 de la brochure intitulée « Notice servant à la détermination de la validité formelle des preuves d’origine » (disponible sur le site web de l’OFDF : 

< https://www.ezv.admin.ch/ezv/fr/home/documentation/publications/notic es---publications-concernant-l-origine/notices---publications-concernant-l- origine---importation-en-sui.html >, consulté le 31 janvier 2022), qui précise ce qui suit : 

« [...] Le texte doit correspondre mot pour mot aux prescriptions régissant l’accord concerné (les fautes de frappe manifestes sont tolérées ; les cas douteux doivent être présentées au bureau de douane). [...]. 

[...] Les déclarations d’origine de l’UE dans lesquelles est aussi indiqué un numéro REX sont acceptées, pour autant que le libellé corresponde à la déclaration de la convention PEM, que les exigences formelles soient respectées et que le document commercial ne contienne pas d’autres indications contradictoires ».

 

4.3.4 Les exceptions au principe général de l’obligation douanière étant acceptées de manière restrictive, les conditions formelles doivent être impérativement respectées afin qu’il soit possible de bénéficier d’un allègement ou d’une franchise. Ainsi, si la personne assujettie ne présente pas les documents d’accompagnement nécessaires dans le délai fixé par l’OFDF, elle ne peut bénéficier de la réduction ou de l’exonération des droits de douane ou de l’allègement douanier demandé (art. 80 al. 2 OD). En particulier, l’absence d’une preuve d’origine valable au moment de l’imposition des droits de douane entraîne la perte de l’origine préférentielle des marchandises et du traitement préférentiel, à tout le moins lorsqu’aucune demande de taxation provisoire n’est présentée lors de la déclaration en douane (cf. arrêts du TAF A-3244/2018 du 10 septembre 2020 consid. 3.3.5, A-5624/2018 du 19 juillet 2019 consid. 5.2.3). Dans un tel cas, les marchandises sont taxées au taux normal (art. 19 al. 2 LD ; cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-1479/2019 du 5 janvier 2021 consid. 2.3.4, A-1497/2019 du 7 octobre 2020 consid. 2.4.2). La personne assujettie doit, en conséquence, examiner elle-même si elle remplit les conditions d’assujettissement et, en cas de doute, se renseigner auprès des autoritésSi elle s’abstient de requérir les éclaircissements nécessaires, elle ne peut par la suite invoquer ses connaissances lacunaires ou la violation du principe de la bonne foi pour s’opposer à la perception de droits de douane (cf. ATF 135 IV 217 consid. 2.1.3 ; parmi d’autres : arrêts du TAF A-2666/2020 du 25 janvier 2022 consid. 5.2.2, A-4966/2018 du 26 octobre 2020 consid. 3.3.2).

 

4.4
4.4.1 
En vertu de l’art. 32 al. 1 LD, le bureau de douane peut examiner intégralement ou par sondages si la déclaration en douane est correcte du point de vue formel, si elle est complète et si elle est présentée avec les documents d’accompagnement nécessaires. Un contrôle formel n’est donc pas impératif (cf. MCF LD, FF 2004 517, 567 in fine ; arrêt du TAF A-3244/2018 du 10 septembre 2020 consid. 3.6.1 ; REMO ARPAGAUS, Zollrecht, in : Heinrich Koller et al. [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] XII, 2éd. 2007, n° 706). En l’absence d’erreurs manifestes, le bureau de douane accepte la déclaration en douane et libère les marchandises taxées conformément à cette déclaration (voir art. 32 al. 2 LD a contrario). Toutefois, la personne assujettie à l’obligation de déclarer ne peut déduire aucun droit du fait que le bureau de douane n'a pas constaté de lacune et n'a par conséquent pas refusé la déclaration en douane(cf. art. 32 al. 3 LD).

 

4.4.2 L'exportateur qui sollicite la délivrance d'une preuve d'origine (certificat de circulation des marchandises EUR.1 ou EUR-MED) ou qui en établit une lui-même (déclaration sur facture ou déclaration sur facture EUR- MED) doit pouvoir présenter à tout moment, à la demande des autorités douanières du pays d'exportation, tous les documents appropriés prouvant le caractère originaire des produits concernés ainsi que le respect des autres conditions prévues par la Convention PEM (cf. art. 16 § 3 et art. 21 § 5 Appendice I). Ces documents doivent être conservés au moins pendant trois ans (cf. art. 28 § 1 et 2 Appendice I).

 

4.4.3 Selon l'art. 32 § 1 Appendice I, le contrôle a posteriori des preuves de l'origine est effectué par sondage ou chaque fois que les autorités douanières de la partie contractante importatrice ont des doutes fondés en ce qui concerne l'authenticité de ces documents, le caractère originaire des produits concernés ou le respect des autres conditions prévues par la Convention.

 

5. 

5.1 Est débiteur de la dette douanière (a) la personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière, (b) la personne assujettie à l'obligation de déclarer ou son mandataire et (c) la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées ou exportées (art. 70 al. 2 LD). Sous réserve des exceptions de l’art. 70 al. 4 et 4bis LD, les débiteurs répondent solidairement de la dette douanière, le recours entre eux étant régi par les dispositions du droit privé (art. 70 al. 3 LD). L'exonération de la responsabilité solidaire prévue à l’art. 70 al. 4 et 4 bis LD, qui concernent dans certaines circonstances les déclarants en douane professionnels et les entreprises de transport ainsi que leurs employés, n'a toutefois pas pour conséquence que ces dernières ne sont plus débitrices des droits de douane, mais seulement – et tout de même – qu'elles ne peuvent plus être recherchées en premier au libre choix de l'OFDF. Au sens d’une responsabilité subsidiaire en cas de défaillance (subsidiären Ausfallhaftung), ces personnes restent en effet tenues au paiement de la dette douanière si aucun autre débiteur solidairement responsable n'a pu s’en acquitter (cf. arrêt du TAF A-5996/2017 du 5 septembre 2018 consid. 4.2.5 ; MICHAEL BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 70 N 21).

 

5.2
5.2.1 
Selon l'art. 12 al. 1 let. a de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA ; RS 313.0), lorsqu'à la suite d'une infraction à la législation administrative fédérale, c'est à tort qu'une contribution n'est pas perçue, la contribution et les intérêts seront perçus après coup ou restitués, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable. Est assujetti à la prestation ou à la restitution celui qui a obtenu la jouissance de l'avantage illicite, en particulier celui qui est tenu au paiement de la contribution (art. 12 al. 2 DPA). Dès lors, quiconque tombant dans le champ d'application de l'art. 70 LD – qui prévoit un très large cercle des assujettis, y compris le transitaire et l’exportateur (cf. supra consid. 5.1 ; arrêt du TAF A-1234/2017 du 17 avril 2019 consid. 7.2.2) – peut être considéré comme le débiteur de la contribution soustraite. En effet, cette personne est ipso facto considérée comme favorisée si elle a obtenu un avantage illicite (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A-1552/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2.1). 

Le seul fait d'être économiquement avantagé par le non-versement de la redevance en cause constitue un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA. Il n'est donc pas nécessaire qu'une faute ait été commise, ni a fortiori qu'une action pénale soit intentée. Il suffit que l'avantage illicite procuré par l'absence de perception de la contribution trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédérale (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A-2332/2019 du 1er février 2022 consid. 4.4). Peu importe, partant, que la personne assujettie n'ait rien su de l'infraction, ni qu'elle n'ait tiré aucun avantage personnel de celle-ci (cf. parmi d’autres: ATF 129 II 160 consid. 3.2 ; arrêt du TAF A-1552/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2.1).

 

5.2.2 Dans la mesure où il s’applique à quiconque a obtenu la jouissance d’un avantage illicite, l’art. 12 al. 2 DPA élargit le cercle des assujettis au paiement de la prestation à des personnes, qui, selon la LD, n’auraient pas à en répondre ; on parle alors de bénéficiaire d’avantage indirect. Si la question de la bonne foi ne joue aucun rôle pour les personnes avantagées illicitement de manière directe, elle est déterminante pour celles qui l’ont été de manière indirecte car ces dernières ne répondent que du montant équivalant à leur avantage effectif, (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-1552/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2.2, A-2997/2016 du 6 avril 2017 consid. 3.4.4 [confirmé par arrêt du TF 2A_492/2017 du 20 octobre 2017], arrêt du TAF A-5311/2015 du 28 octobre 2015 consid. 2.3.2 ; LYSANDRE PAPADOPOULOS, Notion de débiteur de la dette douanière : fer de lance de l'Administration des douanes, Revue douanière 1/2018, p. 34s).

 

6.
6.1
6.1.1 
La remise de contributions constitue une renonciation unilatérale de l’Etat à une créance qui lui revient en vertu du droit public (cf. BEAT KÖNIG/CHRISTIAN MADUZ, Einführung in das Zollrecht, 2021, N 235 ; ERNST BLUMENSTEIN/PETER LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7éd., 2016, p. 421 ; BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 1). La remise relève donc de l'exécution du droit et non de la taxation fiscale. Partant, elle ne peut avoir lieu qu'en relation avec une dette d'impôt fixée par une décision entrée en force. Dès lors, la taxation elle-même ne peut être remise en cause ni réexaminée (cf. arrêt du TF 2A.566/2003 du 9 juin 2004 consid. 3.3, in : Archives de droit fiscal suisse [Archives] 74 p. 246 ss ; cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 2.1, A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.1, A-5057/2011 du 10 décembre 2012 consid. 3.2 ; MICHAEL BEUSCH, Der Untergang der Steuerforderung [ci-après : Untergang], 2012, p. 208 ; le même in : Zollkommentar, art. 86 N 3).

 

6.1.2 La remise des droits de douane est régie par l'art. 86 LD. La teneur de l’art. 86 al. 1 let. a à d correspond en substance à celle de l’art. 127 al. 1 ch. 4 de l'ancienne loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les douanes (aLD, RS 6 469, dans sa version du 6 octobre 1972, RO 1973 644, p. 648), si bien que la jurisprudence développée sur le fondement de cette disposition, dans la mesure où elle a été reprise par la Cour de céans, est toujours applicable (cf. ATAF 2015/24 consid. 3.2 ; BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 12). En présence de l'un des motifs définis de manière exhaustive à l’art. 86 al. 1 LD, il existe un droit à la remise, sans pouvoir d'appréciation des autorités (cf. arrêt du TF 2A.534/2005 du 17 février 2006 consid.1.1 et 2.1; arrêts du TAF A-1131/2017 du 11 Janvier 2018 consid. 5.1, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.2). Celles-ci ont toutefois un rôle important à jouer dans l'interprétation des diverses notions juridiques indéterminées (cf. SONJA BOSSART MEIER/DOMINIQUE DA SILVA, Die Zollerlassgründe der « subjektiven Unbilligkeit » im Zollgesetz unter besonderer Berücksichtigung der Teilrevision des Zollgesetzes, in : OREF [éd.], Au carrefour des contributions - Mélanges de droit fiscal en l'honneur de Monsieur le Juge Pascal Mollard, 2020, p. 336 et les réf. citées).

 

6.1.3 Afin de respecter l’égalité de traitement des contribuables, une remise ne peut être octroyée que dans des cas exceptionnels, lorsque les conditions légales sont réunies (cf. en matière de remise de TVA : ATAF 2015/50 consid. 2.5, arrêt du TAF A-361/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2.4). Une remise gracieuse, à bien plaire, allant au-delà des cas prévus par la loi est exclue (cf. arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 2.2, A-1131/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.3, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.6 ; KÖNIG/MADUZ, op. cit., N 237 ; BEUSCH, Untergang, p. 188). 

Si une remise de droits est accordée sur le fondement de l'art. 86 LD, elle comprend toujours les intérêts moratoires, lesquels sont accessoires à la dette douanière (cf. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 337 ; BEUSCH, Untergang, p. 205 et 263 ; le même in : Zollkommentar, art. 74 N 9).

A noter que l'art. 86 LD n'est pas applicable à l'impôt sur les importations, dont la remise est réglée de manière autonome à l'art. 64 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA, RS 641.20).

 

6.2
6.2.1 
Les dispositions de l'art. 86 al. 1 let. a et b LD concernent en substance la remise dans les cas où des marchandises ont été détruites totalement ou partiellement ou réexportées sur décision officielle.

 

6.2.2 Aux termes de l'art. 86 al. 1 let. c LD, des droits de douane peuvent être remis si, du fait de circonstances particulières, la perception subséquente des montants dus représenterait pour le débiteur une charge disproportionnée. De jurisprudence constante, la perception subséquente visée par cette disposition est obligatoirement celle au sens de l'art. 85 LD. Cet article dispose que si l’OFDF a, par erreur, omis de percevoir un droit de douane, fixé un droit de douane insuffisant ou effectué un remboursement de droit de douane trop élevé, il peut recouvrer le montant dû s’il communique au débiteur son intention de le faire dans un délai d’un an à compter de l’établissement de la décision de taxation. Ainsi, lorsque la responsabilité de l'erreur de calcul n'incombe pas à l'OFDF et qu'une perception subséquente n'est pas effectuée sur le fondement de l'art. 85 LD mais en vertu de l'art. 12 DPA, l'art. 86 al. 1 let. c LD ne trouve pas application (cf. ATF 94 I 475 consid. 2 ; arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.2, A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.2, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.4, A-3942/2014 du 7 juillet 2015 consid. 4.2 ; BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 26, ARPAGAUS, op. cit., N 523).

 

6.2.3 L’art. 86 al. 1 let. d LD est conçu comme une clause « anti-rigueur » de portée générale (cf. Message du Conseil fédéral du 16 août 1972 relatif à la révision de la LD [MCF LD 1972], FF 1972 II 219, 224) qui s’applique de manière subsidiaire, lorsque les faits ne sont pas déjà couverts par les let. a-c (cf. parmi d’autres : ATAF 2015/24 consid. 3.3 et les réf. citées) et aussi lorsque les créances sont fondées sur l’art. 12 DPA (cf. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 340 et les arrêts cités ci-après au sujet de cette disposition qui concernent tous des créances fondées sur l’art. 12 DPA) du moins jusqu’à l’entrée en vigueur de l’art. 86 al. 2 LD (cf. infra consid. 6.2.4.1). Cette disposition prévoit qu’une remise doit également être accordée lorsque du fait de circonstances extraordinaires non liées à la détermination des droits de douane, le paiement aurait un caractère particulièrement rigoureux. Son application nécessite que ces trois conditions soient réunies de manière cumulative (cf. arrêt du TF 2A.534/2005 du 17 février 2006 consid. 2.1 ; arrêt du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.2, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.5). L’article 86 al. 1 let d LD reprenant largement les termes de l’art. 127 al. 1 ch. 4 aLD (cf. ATAF 2015/24 consid. 3.3), entré en vigueur le 1er juin 1973 (RO 1973 644), il est possible de se référer au message de 1972 pour connaître le but poursuivi par le législateur lors de l'introduction de cette disposition. Ainsi, la complexité accrue de la douane due à l'accroissement constant du nombre de prescriptions, en particulier internationales, d'une part, et la pénurie de personnel touchant aussi bien les assujettis que l'administration, d'autre part, créaient alors des situations telles que, dans des cas d'espèce, la perception des redevances paraissait si peu équitable aux yeux de l'assujetti et même de l'administration qu'une renonciation s'imposait (MCF LD 1972, FF 1972 II 224 s). Ce constat vaut sans aucun doute aujourd'hui encore (cf. arrêts du TAF A-5057/2011 du 10 décembre 2012 consid. 3.2.2, A-1694/2006 du 7 février 2007 consid. 3.2.1).

 

6.2.3.1 En premier lieu, il faut donc que des circonstances extraordinaires existent. Selon la jurisprudence, de telles circonstances ne doivent pas être acceptées à la légère. En effet, une admission trop généreuse de cas de remise conduirait à un affaiblissement de la force de chose jugée des décisions douanières, ce qui n'était pas l'objectif du législateur (cf. arrêt du TF 2A.566/2003 du 9 juin 2004 consid. 3.5, in : Archives 74 p. 246 ss ; parmi d’autres : ATAF 2015/24 consid. 3.3.1 ; arrêt du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.1). S’agissant d’une clause générale ayant pour but de couvrir toutes sortes de situations, il est difficile de définir les critères déterminant l’existence de circonstances extraordinaires si bien qu’une énumération casuistique, si elle est utile, ne peut être qu’exemplative (cf. arrêt du TAF A-5057/2011 du 10 décembre 2012 consid. 3.2.2.1).

 

6.2.3.1.1 De nombreux arrêts précisent que les circonstances extraordinaires doivent avoir un lien avec la procédure douanière elle-même (cf. parmi d’autres : ATAF 2015/24 consid. 3.3.1 et les réf. citées ; arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.1, A-3942/2014 du 7 juillet 2015 consid 4.4, A-5057/2011 du 10 décembre 2012 consid. 3.2.2.1 et les réf. citées). Ainsi, la destruction, dans un accident de la circulation après le passage de la douane, de la marchandise qui a fait l'objet de la taxation ne constitue pas un événement en rapport avec la procédure douanière et ne permet donc pas d'obtenir une remise (cf. décisions de la Commission fédérale de recours en matière de douanes [CRD] 2002-114 du 14 janvier 2004 consid. 4b/aa et 5b/bb, 2004-034 du 27 juin 2005 consid. 3b/aa ; JAAC [Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération] 41.81). 

L'omission par erreur de la demande de traitement préférentiel était considérée comme un cas d'application de l'art. 127 al. 1 ch. 4 aLD, et notamment comme une « circonstance extraordinaire », lorsque tant les conditions formelles que matérielles pour un traitement préférentiel étaient effectivement réunies au moment de l'importation des marchandises (cf. arrêts du TF 2A.534/2005 du 1er février 2006 consid. 2.2, 2A.566/2003 du 9 juin 2004 consid. 4.1, in : Archives 74 p. 246 ss ; arrêt du TAF A-1694/2006 du 7 février 2007 consid. 3.2.1 ; BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 341). Toutefois, cette possibilité de remise a été restreinte avec l’introduction de la nouvelle LD dans la mesure où il est dès lors possible de procéder à une rectification de la taxation sur la base de l’art. 34 LD (cf. ATAF 2015/24 consid. 3.3.1).

 

6.2.3.1.2 Cela étant, ni la loi ni les messages du Conseil fédéral (que ce soit le MCF LD 1972 ou le MCF LD) ne limitent les circonstances extraordinaires aux erreurs de procédure, si bien que tant la doctrine (cf. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 342 ; BEUSCH, Untergang, p. 221 ; le même, in : Zollkommentar, art. 86 N 33 ; ARPAGAUS, op. cit., N 524) que la jurisprudence (cf. arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.1, A-6898/2009 du 29 avril 2010 consid. 2.4.2 ; décision du Conseil fédéral du 11 décembre 1995, publiée in : JAAC 61.93 consid. 7) admettent que dans des cas exceptionnels – à évaluer de manière restrictive –, les situations financière ou conjoncturelle peuvent aussi constituer des circonstances extraordinaires.

Un auteur cite le cas d’une importation à des fins caritatives, dont on peut supposer que le législateur aurait prévu une exonération de droits de douane s'il avait eu connaissance du cas et celui d'une personne qui utiliserait dans une mesure minime, pour un usage autre que celui qui a été déclaré, des marchandises admises en franchise ou encore d’une maladie soudaine d’un employé (cf. HANS BEAT NOSER, Der Zollnachlass nach Art. 127 ZG - wozu, wie, wann?, Revue des douanes 4/90 p. 48 ; cf. aussi décision de la CRD 2001-044 du 18 septembre 2002 consid. 4.b.aa).

 

6.2.3.1.3 Selon la jurisprudence, l’art. 86 al. 1 let. d LD ne doit pas servir à réparer les conséquences financières, parfois considérables, de l'inobservation de délais antérieurs ou de manquements dans la procédure de taxation. Une omission qui aurait pu être évitée par une préparation et une instruction adéquates ne doit pas être qualifiée d'extraordinaire au sens de cette disposition (parmi d’autres : arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.1, A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.3, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.1). 

Dans de nombreux cas, l’existence de circonstances extraordinaires a été niée au motif que le requérant avait fait preuve de négligence ou de laisser-aller dans les obligations qui lui incombent en vertu du principe d’auto-déclaration (cf. supra consid. 4.3.1 ; cf. ATAF 2015/24 consid. 4.8, arrêts du TAF A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 5.1.3, A-7682/2009 du 15 juin 2010 consid. 3.2 ; décisions de la CRD 2004-028 du 18 février 2005 consid. 4, 2002-114 du 14 janvier 2004 consid. 5b/bb, 2002-020 du 18 septembre 2002 consid. 3b). Ainsi, bien que ni le texte légal ni le message de 1972 ne l’exigent, il semble que les circonstances extraordinaires ne doivent pas être imputables au requérant. Dès lors, vu les exigences élevées en matière d’auto-déclaration, pratiquement tout comportement fautif – du moins dans la mesure où il se produit au sein de l'entreprise du requérant – sera considéré comme une violation du devoir de diligence de celui-ci (cf. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 343). Cela étant, au vu du message, une remise pourrait être accordée au moins lorsque le comportement fautif était compréhensible en raison de la complexité des dispositions procédurales en cause (cf. supra consid. 6.2.3 ; cf. également décisions de la CRD 2004-028 du 18 février 2005 consid. 4 et 2002-020 du 18 septembre 2002 consid. 3b). 

La Cour de céans a déjà imputé le comportement d’un exportateur au requérant à la remise (importateur) au motif qu’il revenait à ce dernier de vérifier l’exactitude des déclarations d’origine du premier (cf. arrêt du TAF A-5689/2011 du 11 juillet 2012 consid. 3.1.2). Ce cas concernait des preuves d’origine s’étant avérées matériellement non conformes (cf. arrêt A-5689/2011 du 11 juillet 2012 consid. B). Le requérant s’était alors prévalu du fait que – à défaut de pouvoir bénéficier d’une origine préférentielle – la marchandise aurait satisfait toutes les conditions pour être importée et exportée en franchise de redevances dans le cadre du trafic de perfectionnement si l’exportateur avait effectué correctement son travail. Or, le régime du perfectionnement actif est soumis à autorisation préalable de la DGD, autorisation que le requérant n’avait pas demandée, s’étant fié aux déclarations d’origine de l’exportateur. Dans cette affaire, tant l’absence de preuves d’origine matériellement valables (faute de l’exportateur) que l’absence d’une condition formelle pour une importation dans le cadre du trafic de perfectionnement (faute de l’importateur) avaient justifié le refus de la remise des droits.

Il ressort des procès-verbaux de la commission de la politique de sécurité du Conseil des États (CPS-CE) que cet arrêt est à l’origine de la demande du Conseiller aux États ALTHERR de modifier l’art. 59 LD qui traite du régime du perfectionnement actif, citée par JEAN-RENÉ FOURNIER lors des débats au Parlement sur la modification de la LD. Tant la commission que le Parlement ont préféré introduire l’art. 86 al. 2 LD (cf. infra consid. 6.2.4).

 

6.2.3.2 Deuxièmement, aux termes de la loi, les circonstances extraordinaires invoquées comme motif de remise ne doivent pas être liées à la détermination des droits de douane. En conséquence, une remise ne doit pas servir à corriger les bases de la perception des redevances (cf. ATAF 2015/24 consid. 3.3.2 ; arrêt du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.2 ; BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 30). Le classement des marchandises (en fonction des positions tarifaires) est considéré comme étant en rapport avec la détermination des redevances (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.3 avec les réf. citées). Celui qui dépose une demande de remise doit démontrer que les motifs, c'est-à-dire les circonstances extraordinaires, sont extérieurs au calcul des droits (cf. arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.2, A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.3, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.2).

 

6.2.3.3 Finalement, la perception des droits de douane doit revêtir un caractère particulièrement rigoureux. Ce critère se réfère à la situation personnelle de la personne assujettie. Il faut entendre par là une disproportion entre le montant dû et sa capacité financière (BEUSCH, Untergang, p. 221 ; le même, in : Zollkommentar, art. 86 N 31). La rigueur doit alors résulter de la perception même des droits de douane (cf. A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 3.1.3.3 et les réf. citées, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.4). La remise n'a pas à servir de couverture contre le risque entrepreneurial ; elle ne vise donc pas à résoudre des difficultés liées à la simple activité commerciale (cf. parmi d’autres : ATAF 2015/24 consid. 3.3.3 ; arrêts du TAF A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.3, A-7798/2015 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.3).

 

6.2.3.4 Par ailleurs, compte tenu des éléments subjectifs, liés à la personne même du débiteur, des motifs prévus à l’art. 86 al. 1 let. d LD, une remise accordée sur ce fondement ne s’étend pas automatiquement à d’autres débiteurs, solidairement responsables de la dette douanière (BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 34 ; ARPAGAUS, op. cit., N 524).

 

6.2.4 Avec la révision partielle de la LD entrée en vigueur le 1er août 2016 (RO 2016 2429), l'art. 86 LD a été complété par l'alinéa suivant : 

« Sur demande, l’OFDF renonce totalement ou partiellement à faire valoir les créances visées à l’art. 12 DPA ou rembourse totalement ou partiellement les créances déjà acquittées : 

a. si aucune faute n’est imputable au requérant, et b. si la créance ou le non-remboursement : 

1. représenterait, du fait de circonstances particulières, une charge disproportionnée pour le requérant, ou 

2. apparaît manifestement choquant.

 

6.2.4.1 Si l’on se fie au message du Conseil fédéral, la nouvelle disposition doit permettre d’assouplir les conditions de remise de droits de douane (cf. Message du Conseil fédéral du 6 mars 2015 concernant la modification de la loi sur les douanes [MCF rév. LD], FF 2015 2657, 2658). Le texte adopté par le Parlement correspond à celui que le Conseil fédéral lui avait soumis (cf. FF 2015 2707) ; aucune intervention n’a été faite sur cet objet, si ce n’est celle du Conseiller aux États valaisan JEAN-RENÉ FOURNIER. Prenant la parole pour la CPS-CE en charge de l’examen et précisant qu’il s’« exprime essentiellement pour que ce soit inscrit au Bulletin officiel », FOURNIER affirme « A l'article 59, qui ne figure pas dans le dépliant, une large discussion a été menée concernant une proposition de Monsieur Altherr, qui visait à compléter l'article 59 de façon à ce qu'il soit possible d'effectuer une modification a posteriori lorsqu'un mauvais régime douanier a été choisi par erreur. Le Conseil fédéral avait déjà répondu à cette attente, du moins en grande partie, en modifiant l'article 86 de la loi sur les douanes, lequel lient [recte : tient] compte, lorsqu'une erreur dépourvue de volonté dolosive est commise, de la possibilité de trouver un chemin particulier qui ne pénalise pas trop celui qui a commis cette erreur par inadvertance » (Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale [BO] 2015 E 592).

Il ressort également des procès-verbaux de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des États (CPS-E) en charge de l’examen du projet, une volonté d’extension des possibilités de remise exprimée notamment lors de la procédure de consultation. Le nouvel alinéa – comme l’alinéa 1 (cf. supra consid. 6.1.2) – confère un véritable droit si les conditions sont satisfaites ; il ne s’agit pas d’un acte de grâce (cf. CPS-E, procès-verbal du 19 mai 2015 p. 1 et 2). 

Avec le nouvel article 86 al. 2 LD, l’OFDF dispose d’une possibilité de remettre une créance basée sur l’art. 12 DPA, au contraire de l’art. 86 al. 1 let. c LD (cf. supra consid. 6.2.2). Le message indique que « conformément au droit en vigueur, l’administration des douanes ne dispose d’aucune base juridique pour renoncer à une prestation ou une restitution (créance au sens de l’art. 12 DPA) dans des cas où le requérant est assujetti à une prestation parce qu’une infraction objective a été commise mais qu’il y a absence de responsabilité pénale. Les créances visées à l’art. 12 DPA qui sont fondées sur de tels cas de figure pourraient, selon les circonstances, être ressenties comme très inéquitables ou conduire à des situations objectivement choquantes » (MCF rév. LD, FF 2015 2678).

 

Curieusement, le message ne fait pas référence à l’art. 86 al. 1 let. d LD, lequel en qualité de « clause anti-rigueur » servait également de base légale pour l’examen d’une demande de remise d’une créance au sens de l’art. 12 DPA (cf. supra consid. 6.2.3). Cela étant dès lors que l’art. 86 al. 2 LD vise expressément les reprises d’impôt fondées sur l’art. 12 DPA, il faut en déduire que l’art. 86 al. 1 let. d LD ne s’applique – depuis l’entrée en vigueur de l’al. 2 – qu’aux créances de l’art. 85 LD à l’instar de l’art. 86 al. 1 let. c LD (dans le même sens : arrêt du TAF A-1131/2017 du 11 janvier 2018).

 

6.2.4.2 L’absence de faute est la condition préalable à l’application de l’art. 86 al. 2 LD. Selon le message, cette condition « n’est notamment pas remplie dans les cas suivants : les employés d’une personne morale ont eu un comportement fautif, par exemple lorsqu’ils ont commis des erreurs de travail liées exclusivement à une violation du devoir de diligence, ou lorsque le requérant enfreint ou omet le devoir de diligence que l’on peut attendre de lui dans le cadre d’échanges commerciaux. La faute commise est ainsi susceptible d’aller au-delà d’un simple comportement condamnable. Les preuves d’origine déclarées non valables après coup n’excluent pas obligatoirement qu’une faute ait été commise » (MCF rév. LD, FF 2015 2679). 

On peut déduire de cette dernière phrase, qu’a contrario, il est concevable que dans certaines constellations où les preuves d’origine sont déclarées non valables après coup, une remise puisse être accordée. Cela étant, une simple négligence du requérant suffit à écarter l’application de l’art. 86 al. 2 LD (cf. arrêt du TAF A-1131/2017 du 11 janvier 2018 consid. 7.2).

 

6.2.4.3 Cumulativement à l’absence de faute du requérant, la créance (ou la demande de remboursement) doit, aux termes de l’art. 86 al. 2 let. b LD, soit représenter une charge disproportionnée pour le requérant en raison de circonstances particulières (ch. 1), soit apparaître manifestement choquante (ch. 2).

 

Les notions de « charges disproportionnées » et de « circonstances particulières » sont celles utilisées à l’art. 86 al. 1 let. c LD, pour lesquelles on trouve peu de développements dans la jurisprudence et la doctrine, l’application de cet article étant limitée à la perception subséquente de l’art. 85 LD (cf. supra consid. 6.2.2). Cela étant, ces notions diffèrent manifestement de celles de l’art. 86 al. 1 let. d qui évoquent le « caractère particulièrement rigoureux » et des « circonstances extraordinaires », puisque le législateur n’a pas choisi des termes identiques (cf. ég. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 351 et n. 83). 

Quant à l’art. 86 al. 2 let. b ch. 2 LD, il est conçu comme une clause de sauvegarde dans la mesure où il offre une possibilité de remise même si les deux conditions du ch. 1 ne sont pas satisfaites. Le message se contente de préciser que « si une telle créance [qui apparait manifestement choquante] était revendiquée, elle serait inéquitable » (cf. MCF rév. LD, FF 2015 2679).

 

6.2.4.4 S’agissant de l’application temporelle de l’art. 86 al. 2 LD, relevant qu’aucune règle de droit transitoire n’avait été adoptée à cet égard et rappelant que la remise des droits de douane est une institution de droit matériel, la Cour de céans a déjà eu l’occasion de préciser qu’une application rétroactive de l'art. 86 al. 2 LD à des faits qui se sont réalisés avant le 1er août 2016 n'est pas autorisée (cf. arrêts du TAF A-1780/2019 du 6 février 2020 consid. 1.3 et A-657/2016 du 21 décembre 2016 consid. 1.4.1.2).

 

6.2.5 Une remise n’est octroyée que sur demande. La procédure est réglée à l’art. 86 al. 3 LD qui distingue selon que la requête se fonde sur l’al. 1 (ch. 1) ou l’al. 2 (ch. 2). Dans le premier cas, elle doit être présentée à l’organe qui a procédé à la taxation, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en force de la décision de taxation ; pour les taxations assorties d’une obligation de paiement conditionnelle, le délai est d’un an à compter de l’apurement du régime douanier choisi (ch. 1). Dans le deuxième cas, elle doit être adressée à la Direction générale des douanes, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en force de la décision (ch. 2). 

L’introduction d’une requête de remise vaut reconnaissance de la dette fiscale de la part du débiteur et interrompt le délai de prescription de l’art. 75 LD (BEUSCH, in : Zollkommentar, art. 86 N 41).

 

7.
7.1 
En l’espèce, le Tribunal observe tout d’abord que, compte tenu de la suspension des délais entre le 15 juillet et le 15 août (cf. art. 22a al.1 let. b PA), au demeurant dûment mentionnée à la suite du dispositif de la décision de perception subséquente du 12 juillet 2019, celle-ci n’était pas encore entrée en force lors du dépôt de la demande de remise de droits le 14 août 2019 (reçue le 16 svt par l’autorité inférieure selon le tampon humide figurant sur l’acte).

 

On peut donc se demander s’il ne revenait pas à l’autorité inférieure – également compétente pour le traiter – de considérer l’écriture du 14 août 2019 comme un recours à l’encontre de la décision de perception subséquente. Ce d’autant plus que cette décision est insuffisamment motivée, ne citant aucune disposition légale, se limitant à affirmer que le texte des déclarations d’origine sur facture ne respecte pas les dispositions du protocole n° 3 de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la CE. Il ressort des courriers de la recourante que celle-ci n’a toujours pas exactement compris ce qui lui était reproché, quand bien même elle ne conteste pas qu’il y ait pu avoir une erreur formelle. Ce n’est que le 6 janvier 2020, dans sa réponse au présent recours, soit dans la procédure de remise et non dans celle de perception subséquente, que l’autorité inférieure livre quelques éléments assez succincts de son raisonnement. 

Cela étant, il faut admettre que la recourante n’a pas expressément contesté dans sa demande de remise, la fixation de la créance. Même si cela s’explique sans doute par le fait qu’elle craignait, ce faisant, de perdre le bénéfice de l’engagement d’emploi que la DA a accepté d’appliquer pour le calcul des droits, il faut néanmoins considérer que la décision de perception subséquente est dès lors entrée en force, ce d’autant plus que comme il vient d’être dit, l’introduction d’une requête de remise vaut reconnaissance de la dette fiscale (cf. supra cons. 6.2.5).

 

7.2 A cela s’ajoute, et la Cour de céans le précise – de même manière qu’elle a pris le parti d’exposer dans les considérants qui précèdent les dispositions topiques relatives aux preuves d’origine et à la perception subséquente (cf. supra consid. 4 et 5) – en raison des carences de la décision du 12 juillet 2019, que, quand bien même la recourante aurait entrepris cette décision, ses chances de succès étaient quasi nulles eu égard à la jurisprudence sur ce sujet.

En effet, dans des complexes de faits similaires, le Tribunal a déjà jugé que ne relevait pas d’un formalisme excessif le refus de l’autorité douanière de reconnaître la validité formelle d’une déclaration d’origine sur facture contenant en plus du texte exigé et correctement retranscrit (cf. supra consid. 4.2.5), un ajout supplémentaire, lequel introduisait un risque de confusion sur la provenance de la marchandise (cf. arrêts du TAF A-6362/2014 du 13 mars 2015 consid.3.1.1, A-1941/2015 du 25 août 2015 consid. 3.1). 

Or, la recourante se trouve précisément dans ce cas de figure puisque les déclarations d’origine sur facture litigieuses contiennent le texte suivant :

« The exporter of the products covered by this document (customs authorization No. SI/073/98) declares that, except where otherwise clearly indicated, these products are of Europe Union preferential origin.
According to the rules of origin of the Generalized System of Preferences of the European Community », 

la dernière phrase étant de trop. Ce libellé est visiblement tiré des prescriptions relatives aux règles d’origine européennes régissant l’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement (cf. art. 80 et 90 ainsi que l’annexe 18 du Règlement [CE] no 12/97 de la Commission du 18 décembre 1996 modifiant le règlement [CEE] no 2454/93 fixant certaines dispositions d'application du règlement [CEE] no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, JO L 9 du 13 janvier 1997, p. 1-177). 

Du moment que la recourante est débitrice de la dette douanière (cf. supra consid. 5.1), elle est soumise à la présomption irréfragable d’obtention d’un avantage direct au sens de l’art. 12 al. 2 DPA, et l’allégation de sa bonne foi ne lui est d’aucun secours (cf. supra consid. 5.2.2) dans ce contexte. Elle est donc redevable de la créance subséquente.

 

8. 

Il ressort de la décision litigieuse rejetant la demande de remise que l’autorité inférieure est d’avis, d’une part, qu’il n’existe aucune circonstance pouvant être considérée d’extraordinaire au sens de l’art. 86 al. 1 let. d LD et, d’autre part, que l’art. 86 al. 2 LD est réservé aux requérants non fautifs, ce qui ne serait pas le cas de la recourante qui devait s’assurer que les preuves d’origine étaient correctement établies. Par ailleurs, elle a exclu – à juste titre et sans que cela ne soit contesté – l’application de l’art. 86 al. 1 let. a à c LD au cas d’espèce.

 

8.1 Il faut d’emblée rappeler que les importations litigieuses se sont déroulées du 26 janvier 2015 au 24 juillet 2018. L’art 86 al. 2 LD ne pouvant s’appliquer qu’aux importations ayant eu lieu après son entrée en vigueur (cf. supra consid. 6.2.4.4), les 200 premières importations – soit celles effectuées entre le 26 janvier 2015 et le 29 juillet 2016, totalisant une créance de 9'083 fr. 85 – ne peuvent pas, ratione temporis, bénéficier de cette disposition mais uniquement de l’art. 86 al. 1 let. d LD. En revanche, l’art. 86 al. 2 LD peut trouver à s’appliquer aux 338 autres importations dès lors que celles-ci ont été opérées après le 1er août 2016. Toutefois, compte tenu du fait que la créance de 15'394 fr. 90 qu’elles représentent est fondée sur l’art. 12 DPA et non sur l’art. 85 LD, il est douteux que l’art. 86 al. 1 let. d LD puisse s’appliquer concurremment à l’examen de la remise de cette partie de la créance (cf. supra consid. 6.2.4.1). Cette question peut cependant souffrir de rester ouverte compte tenu de l’issue du litige qui exclut l’application au cas de l’espèce de l’une et l’autre dispositions.

 

8.2 On relèvera tout d’abord, sans que cela ait de conséquences sur la cause à juger, que contrairement à ce que prétend l’autorité inférieure, les circonstances extraordinaires de l’art. 86 al. 1 let. d LD ne doivent pas absolument être liées au régime douanier (cf. ch. 4.1 de la décision de l’autorité inférieure). Elles peuvent en effet être consécutives, par exemple, à une situation conjoncturelle ou financière (cf. supra consid. 6.2.3.1.2). La complexité des prescriptions douanières, en particulier internationales, peut aussi constituer une circonstance extraordinaire (cf. supra consid. 6.2.3 et 6.2.3.1.3).

Cela étant, il est en revanche vrai que selon la jurisprudence précitée (cf. supra cons. 6.2.3.1.3), les circonstances extraordinaires de l’art. 86 al. 1 let. d LD – même sans lien avec le régime douanier – ne doivent pas être imputables au requérantQuant à l’art. 86 al. 2 LD, il érige l’absence de faute du requérant à la remise comme condition légale.

Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’une perception subséquente fondée sur l’art. 12 DPA trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fiscale en cause (in casu, la LD ; cf. supra consid. 5.2.1). Une telle perception n’aurait pas de raison d’être si la déclaration en douane avait été correcte. La créance de perception subséquente est en effet fondée sur la créance initiale à laquelle la Confédération a droit en vertu de la législation fiscale ou douanière. Dès lors qu’il s’agit de fixer la créance initiale qui n’a pas été (ou partiellement pas été) perçue à tort, il y a lieu de se montrer particulièrement pointilleux compte tenu des exigences tirées du principe de l’auto-déclaration (cf. supra consid. 4.3.1). En effet, en vertu de ce principe, il revient aux personnes assujetties de s’assurer que la déclaration en douane est correcte ; au besoin, elles doivent s'informer au préalable sur l'assujettissement ainsi que sur les procédures de dédouanement puis déclarer les marchandises en conséquence en vue de leur taxation. Si elles omettent de le faire, elles doivent en principe en assumer les conséquences. Cette rigueur permet d’imputer les conséquences d’une éventuelle erreur formelle d’un tiers co-débiteur à une personne assujettie, l’existence d’une faute étant par ailleurs sans pertinence pour l’établissement de la créance (cf. supra consid. 5.2.1). 

Cela étant, dans le contexte d’une demande de remise d’impôt, en cas de faute de l’un de ces tiers, co-débiteurs de la dette douanière, il se justifie d’examiner si une faute propre au requérant à la remise peut être admise (cf. BOSSART MEIER/DA SILVA, op. cit., p. 344 et n. 51).

 

Or, en l’espèce, si la phrase supplémentaire litigieuse ayant donné lieu à l’invalidation des preuves d’origine est le fait de l’exportateur, il revenait au recourant – importateur et requérant à la remise – de vérifier que les déclarations sur facture étaient formellement conformes aux exigences légales et, cas échéant, d’informer son fournisseur en l’enjoignant à les modifier. Il ne saurait ainsi être question de circonstances extraordinaires ce d’autant plus que ce manquement aux incombances constitue une négligence fautive dès lors que l’erreur – qui doit être qualifiée d’évidente pour une société exerçant cette activité de manière professionnelle – aurait pu être évitée par une préparation et une instruction adéquates. De même, la condition de l’absence de faute de l’art. 86 al. 2 let. a LD n’est pas remplie. Il en résulte que pour ce motif déjà les conditions de la remise ne sont pas satisfaites sans qu’il soit nécessaire d’examiner celles prévues alternativement à let. b ch. 1 ou 2 de cette disposition.

 

9.
9.1 
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

 

9.2 La recourante, qui succombe, doit donc s'acquitter des frais de justice fixés à 3’000 francs (cf. l'art. 63 al. 1 PA et art. 4 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le TAF [FITAF, RS 173.320.2]). Ils seront prélevés sur l'avance de frais déjà versée d'un même montant. Compte tenu de l'issue de la procédure, il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 7 al. 1 FITAF a contrario).

 

10. 

Le présent arrêt est ainsi définitif et ne peut pas faire l’objet d’un recours de droit public devant le Tribunal fédéral (cf. art. 83 let. m de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

1. 

Le recours est rejeté. 

2. 

Les frais de procédure de 3’000 francs sont mis à la charge de la recourante. Ils sont prélevés sur l'avance de frais déjà versée d'un même montant. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé à la recourante et à l'autorité inférieure. 

 

Le présent arrêt est adressé : 

  • –  à la recourante (acte judiciaire) 
  • –  à l'autorité inférieure (n° de réf. xxx; acte judiciaire)

 

 

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