Thursday, November 3, 2022

Trademark (Swiss Law) & Export


Trademark (Swiss Law) & Export

 

Droit des marques

 

Marques d’exportation

 

 

 

Tribunal fédéral suisse

 

Iè Cour de droit civil

 

Arrêt du 3 novembre 2022

 

4A_509/2021  

 

Republication

 

https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://03-11-2022-4A_509-2021&lang=fr&zoom=&type=show_document

 

 

 

Participants à la procédure 

A.________ SA, 

représentée par 

recourante, 

 

contre  

 

Z.________ SA, 

représentée par 

intimée, 

 

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), division Marques & Designs, 

Stauffacherstrasse 65/59g, 3003 Berne, 

partie intéressée. 

 

Objet 

droit des marques; marque d'exportation, 

 

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 26 août 2021 par la Cour II du Tribunal administratif fédéral (B-2597/2020). 

 

 

Faits :  

 

 

A.  

La société Z.________ SA, a successivement fait inscrire les deux marques suivantes au registre suisse des marques: 

 

- En 1984, 

[...], marque figurative se présentant ainsi: 

 

[...] 

 

revendiquée à l'époque pour les produits suivants: 

Classe 14: Montres en tous genres et leurs parties, bijouterie; 

- et en 1994, 

---..], marque verbale revendiquée à l'origine pour lesdits produits: 

Classes 9 et 14: Montres, parties de montres. 

 

 

B.  

 

B.a. Par requête du 9 juillet 2018, la société A.________ SA (ci-après la requérante), a demandé à l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) de radier ces marques pour défaut d'usage, conformément à l'art. 35a al. 1 de la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11).  

Elle a produit deux enquêtes aboutissant à la conclusion que ces marques n'étaient pas utilisées en Suisse. 

L'IPI a jugé qu'il n'y avait pas matière à retenir un usage sérieux des marques, que ce fût en Suisse ou à l'exportation. Il a ordonné leur radiation. 

 

 

B.b. Statuant sur recours de la titulaire des marques, le Tribunal administratif fédéral a réformé cette décision, en ce sens qu'il a ordonné le maintien des deux marques tout en réduisant ainsi la liste des produits revendiqués:  

 

- pour la marque figurative [...]: 

 

"Montres en tous genres; et 

- pour la marque verbale [...]: 

 

"Montres. 

 

 

C.  

Par le biais d'un recours en matière civile, la requérante a invité le Tribunal fédéral à ordonner la radiation totale des marques précitées. 

La titulaire des marques a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Ce faisant, elle a suscité une réplique de la recourante à laquelle elle a opposé une duplique.

 

L'autorité précédente a renoncé à se déterminer.

 

Arguant de son droit de recours (art. 76 al. 2 LTF en lien avec l'art. 29 al. 3 de l'ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de justice et police [Org DFJP; RS 172.213.1]; arrêts 4A_361/2020 du 8 mars 2021 consid. 1; 4A_357/2015 du 4 décembre 2015 consid. 1.1), l'IPI a demandé à être informé des recours concernant des procédures en radiation de marque pour défaut d'usage, de façon à ce qu'il puisse déposer d'éventuelles observations.

 

Dans le délai qui lui a été subséquemment imparti, l'Institut a déposé une écriture préconisant le rejet du recours, qui n'a provoqué aucune réaction de la recourante ou de l'intimée. L'IPI s'est rallié à l'analyse du Tribunal administratif fédéral vu les pièces complémentaires produites devant cette autorité, notamment les "nombreux mémos de ventes". 

 

 

 

Considérant en droit :  

 

1.  

La LTF prescrit la voie du recours en matière civile pour contester les décisions sur la tenue du registre des marques (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF). 

La décision entreprise est de nature finale (art. 90 LTF). Bien qu'elle ne renseigne pas sur la valeur litigieuse (cf. art. 112 al. 1 let. d LTF), on peut admettre sans autre que celle-ci excède le minimum de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; cf. ATF 133 III 490 consid. 3.2 et 3.3; 4A_161/2007 du 18 juillet 2007 consid. 2; DAVID ET ALII, Der Rechtsschutz im Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, in SIWR I/2, 3e éd. 2011, p. 46-48 n. 108 et 112). Ce point ne prête d'ailleurs pas à discussion.

 

 

2.  

Lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, le titulaire d'une marque protégée s'abstient de l'utiliser en relation avec les produits ou les services enregistrés, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif (art. 12 al. 1 LPM). Toute personne peut demander la radiation de la marque pour défaut d'usage (art. 35a al. 1 LPM).  

Les parties se disputent sur le point de savoir si la titulaire des marques a ou non utilisé celles-ci durant la période pertinente. 

- Dite période, selon l'autorité précédente, s'étendait sur les cinq années précédant l'invocation du défaut d'usage (cf. à ce sujet MARKUS WANG, in Markenschutzgesetz [MSchG], [Noth et alii éd.] 2e éd. 2017, n° 9 ad art. 12 LPM; BERNARD VOLKEN, in Basler Kommentar, 3e éd. 2017, n° 10 ad art. 12 LPM; KARIN BÜRGI LOCATELLI, Der rechtserhaltende Markengebrauch in der Schweiz, 2008, p. 116). Deux dates entraient en considération: le 24 mai 2018 (invocation du non-usage inter partes) ou le 9 juillet 2018 (dépôt de la demande de radiation). L'autorité précédente a renoncé à trancher cette question sans enjeu pour l'issue du litige.  

- L'arrêt attaqué retient les faits suivants:  

Avant cette période de référence, la titulaire a commercialisé des montres en Suisse.  

Puis, pendant cette période, elle a exporté et vendu en Asie des montres qui avaient été fabriquées en Suisse.  

Ces produits étaient revêtus des mots "[...]" et du logo enregistré (let. A supra).  

Une soixantaine de montres ont été vendues sur le marché asiatique. Les ventes se sont échelonnées de façon régulière entre 2013 et 2018. Les prix, relativement élevés, pouvaient atteindre plusieurs milliers de francs. 

En droit, l'autorité précédente a considéré que pendant la période quinquennale, la titulaire avait utilisé les marques sur des montres à des fins d'exportation exclusivement (art. 11 al. 2 i.f. LPM). Cet usage pouvait être considéré comme sérieux, vu le nombre de ventes accomplies et les prix pratiqués. Dans cette mesure, il n'y avait pas matière à radier les marques.

 

 

3.  

 

3.1. La recourante conteste que l'on puisse retenir un "usage pour l'exportation" au sens de l'art. 11 al. 2 in fine LPM alors que les marques ont préalablement été commercialisées en Suisse. De son point de vue, le législateur viserait ici "une mise dans le commerce exclusivement à l'étranger" et ce, "depuis le dépôt de la marque jusqu'à sa radiation". En d'autres termes, durant toute son existence, la marque devrait être utilisée exclusivement sur des produits destinés à l'exportation.

 

 

3.2. L'intimée et l'IPI réfutent ce raisonnement. L'art. 11 al. 2 LPM accorderait une facilité aux titulaires de marques actifs uniquement sur le marché de l'exportation, en renonçant à exiger qu'ils commercialisent en Suisse le produit revêtu de la marque. Il ne proscrirait pas pour autant un usage simultané de la marque en Suisse et à l'exportation. Rien de tel ne découlerait non plus du Règlement européen ou du droit allemand. A tout le moins, l'art. 11 al. 2 LPM n'exigerait pas que l'usage se limite à l'exportation durant toute l'existence de la marque.

 

 

3.3. La marque sert principalement à distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux proposés par d'autres entreprises, de façon à ce que le consommateur retrouve plus facilement un produit qui lui a plu dans la quantité d'offres similaires que propose le marché (cf. art. 1 al. 1 LPM; ATF 122 III 382 consid. 1 p. 383 i.f. et s.). La protection vaut sur le territoire suisse dès l'enregistrement (cf. art. 5 LPM). Son titulaire dispose du "droit exclusif" de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou services enregistrés (art. 13 al. 1 LPM). Il peut interdire à des tiers l'usage de signes identiques ou similaires pour caractériser des produits ou services identiques ou similaires (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l'art. 3 LPM; THOUVENIN/DORIGO, in Markenschutzgesetz, op. cit., nos 4, 5 et 7 ad art. 13 LPM; MICHAEL ISLER, in Basler Kommentar, op. cit., nos 7 et 11 ad art. 13 LPM, qui parle de jus excludendi).

 

Pour pouvoir maintenir son droit à la marque enregistrée, le titulaire doit utiliser celle-ci de façon effective (cf. art. 11 al. 1 LPM; sur la raison d'être de cette incombance, ATF 139 III 424 consid. 2.2.1; EUGEN MARBACH, Markenrecht, in SIWR III/1, 2e éd. 2009 [ci-après MARBACH, Markenrecht], p. 382; ERIC MEIER, L'obligation d'usage en droit des marques, 2005 [ci-après MEIER, thèse], p. 7-11; CHRISTOPH WILLI, MSchG Kommentar, 2002, n° 1 ad art. 11 et n° 9 ad art. 13 LPM). Il n'est pas tenu d'agir dès l'enregistrement: la loi lui laisse un délai de carence de cinq ans (art. 12 al. 1 LPM, supra consid. 2 ab initio), qui recommence à courir s'il interrompt ultérieurement cet usage (WILLI, op. cit., nos 4 ss ad art. 12 LPM). Le titulaire a ainsi le temps d'introduire sa marque sur le marché ou de s'adapter à la situation économique (changement de stratégie commerciale, etc.; WANG, op. cit., n° 4 ad art. 12 LPM; MEIER, thèse, p. 13 s.).

 

Le législateur ne dit pas ce qu'il entend par "usage de la marque", pour reprendre l'intitulé de l'art. 11 LPM. Doctrine et jurisprudence admettent que l'usage doit se faire en Suisse (ATF 107 II 356 consid. 1c ab initio; arrêt 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 2.1; Message du 21 novembre 1990 concernant une loi fédérale sur la protection des marques [...], FF 1991 I 24 ad art. 11; VOLKEN, op. cit., no 65 ad art. 11 LPM; WANG, op. cit., n° 51 ad art. 11 LPM). En effet, la marque est protégée en Suisse, champ d'application de la LPM (cf. ATF 105 II 49 consid. 1a p. 52; 89 II 96 consid. 3); aussi exige-t-on qu'elle exerce sa fonction distinctive sur ce territoire (ERIC MEIER, in Commentaire romand, 2013, n° 54 ad art. 11 LPM).

 

Seul un usage public de la marque permet de maintenir le droit. Il ne suffit pas d'appliquer la marque sur le produit ou son emballage, il faut encore qu'elle apparaisse sur le marché suisse et permette de distinguer les produits ainsi estampillés de ceux de la concurrence (ATF 100 II 230 consid. 1b p. 233 i.f. et s.; 101 II 293 consid. 1 p. 296; 113 II 73 consid. 2a; arrêt 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.1).

 

L'ancienne LPM ne contenait pas de régime spécial pour les marques d'exportation, et le Tribunal fédéral ne l'a pas introduit par voie prétorienne (cf. ATF précités 113 II 73, 101 II 293 et 100 II 230, ibidem; WANG, op. cit., n° 55 ad art. 11 LPM; MEIER, thèse, p. 113). Finalement, le législateur a répondu à la demande des milieux industriels (FF 1991 I 24) en insérant l'art. 11 al. 2 in fine LPM, lequel assimile "l'usage pour l'exportation" (...) à l'usage de la marque" en Suisse. Cette règle tient compte du fait que les produits destinés exclusivement à l'exportation ne peuvent pas satisfaire à l'exigence d'une commercialisation en Suisse. Pour retenir un usage propre à assurer un maintien de la marque, il faut, mais il suffit d'apposer celle-ci en Suisse sur les produits (ou leur emballage) destinés exclusivement à l'exportation. Le principe est le même qu'en droit européen (arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2.1 et 2.2.1; FF 1991 I 24 ad art. 11; EUGEN MARBACH, Die Exportmarke: eine rechtliche Standortbestimmung, in sic! 1997 p. 379 et, du même auteur, Markenrecht, p. 398 n. 1349; MEIER, thèse, p. 113 s.). En bref, l'art. 11 al. 2 LPM allège l'exigence de l'usage sur le sol suisse sans renoncer complètement à un rattachement avec ce territoire (arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2.2.1).

 

Pour bénéficier de la protection, la marque d'exportation doit aussi être utilisée dans le commerce, mais à l'étranger (arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2.3). Comme pour toute marque (arrêt 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4), l'usage doit être sérieux (MEIER, thèse, p. 115; cf. arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2.3 i.f.). L'on peut se fonder notamment sur l'offre, le nombre de ventes réalisées à l'étranger, la durée de l'usage et son étendue géographique (MEIER, thèse, p. 115 sous-note 496).

 

 

3.4. En l'occurrence, il est constant que pendant la période de référence (2013-2018), la titulaire des marques a commercialisé des montres en Asie après y avoir apposé en Suisse les marques protégées. Les ventes portaient sur une soixantaine d'articles et se sont étendues de façon régulière sur la période considérée. Auparavant, la titulaire avait commercialisé des montres en Suisse (consid. 2 supra).

 

 

3.5. Le Tribunal administratif fédéral a observé que pour la doctrine et la jurisprudence, la marque d'exportation concernait des biens et services "exclusivement" destinés à l'exportation. Il a souligné l'importance de respecter cette "exclusivité (...) pour ne pas relativiser le principe de la territorialité".  

Des faits concrets (consid. 2 et 3.4 supra), il a inféré que pendant la période de référence, la titulaire avait utilisé les marques uniquement à l'exportation sans les vendre en Suisse, si bien que l'exigence d'exclusivité était respectée. Pour le surplus, elle avait fait un usage conforme à l'inscription, public et sérieux.  

La recourante objecte que l'utilisation des marques en Suisse "pendant de nombreuses années" précédant la période de référence empêcherait de retenir une marque à l'exportation au sens de l'art. 11 al. 2 in fine LPM. D'après sa compréhension de la loi, il faudrait respecter l'exigence d'exclusivité dès le début de la protection: toute montre revêtue des marques litigieuses aurait dû être exclusivement destinée à l'exportation. A défaut, il eût fallu établir un usage en Suisse, pour lequel les preuves manqueraient.

 

3.6. L'art. 11 al. 2 in fine LPM évoque un "usage pour l'exportation" sans faire état d'une quelconque exclusivité. Ceci dit, tant le Message du Conseil fédéral que la doctrine et la jurisprudence parlent de produits destinés exclusivement à l'exportation, de pure marque d'exportation (reine Exportmarke), ou précisent que le titulaire d'une telle marque n'est par définition actif qu'à l'étranger (cf. Message précité, FF 1991 I 2 et 24; arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2 ab initioATF 147 III 98 consid. 4.3.3 p. 105; MARBACH, op. cit., in sic! 1997 p. 372 et 379, cité par WANG, op. cit., n° 55 ad art. 11 LPM; VOLKEN, op. cit., n° 71 ad art. 11 LPM; MEIER, in Commentaire romand, op. cit., n° 55 ad art. 11 LPM; BÜRGI LOCATELLI, op. cit., p. 49).

 

Le droit européen, dont le législateur suisse a voulu s'inspirer "dans toute la mesure du possible" (Message précité, FF 1991 I 10), contient une précision en ce sens. Ainsi, l'art. 18 ch. 1 du Règlement sur la marque de l'Union européenne exige "l'apposition de la marque (...) sur les produits ou sur leur conditionnement dans l'Union dans le seul but de l'exportation" (ch. 1 let. b) soit, selon la version allemande, "das Anbringen der Marke auf Waren oder deren Verpackung in der Union ausschließlich für den Export" (Règlement [UE] 2017/1001 du 14 juin 2017, publié au Journal officiel de l'Union européenne du 16 juin 2017, L 154/1).

 

 

3.7. Il appert ainsi que pendant la période considérée, les deux marques ont bel et bien été utilisées pour l'exportation uniquement.  

La recourante insinue qu'en commercialisant ses biens d'abord sur le marché suisse puis sur le marché étranger, la titulaire aurait utilisé ses marques d'une façon non conforme à l'enregistrement; aussi cette forme d'usage divergent serait-elle inapte à sauvegarder le droit. Ce raisonnement n'est pas sans rappeler celui sous-tendant l'art. 11 al. 2 ab principio LPM: le législateur permet jusqu'à un certain point d'utiliser la marque sous une forme modifiée; si toutefois les divergences sont essentielles, un tel usage ne suffit plus à sauvegarder le droit.

 

La recourante présuppose qu'une marque devrait être inscrite soit pour une utilisation sur le marché suisse, soit pour une commercialisation à l'étranger. Or, la LPM ne prévoit rien de tel. Elle ne mentionne pas, parmi les variétés de marques reconnues (verbale, figurative, combinée, etc., cf. art. 1 al. 2 LPM), la marque à l'exportation; elle ne subordonne pas non plus l'application de l'art. 11 al. 2 in fine LPM à une telle mention dans le registre (dans le même ordre d'idées pour le droit allemand, cf. KARL-HEINZ FEZER, Markenrecht, 4e éd. 2009, n° 152 ad § 26 MarkenG et n° 49 ad § 32 MarkenG, résumant un arrêt Mon Chéri rendu par le Bundesgerichtshof le 17 novembre 1960, in GRUR 1961 p. 181 consid. II/4, spéc. p. 183). Avec l'intimée, il faut admettre que la thèse de la recourante conduirait à des résultats incongrus: le titulaire serait contraint de choisir un modèle commercial (marché suisse ou exportation) au moment de l'inscription et devrait soit s'y tenir, soit modifier l'inscription. Telle ne peut avoir été l'intention du législateur qui, comme le rappelle l'IPI, laisse au titulaire une certaine souplesse dans l'utilisation de la marque en lui accordant un délai de grâce de cinq ans pour définir ou réajuster son modèle commercial sans préjudice pour son droit à la marque. Il faut, mais il suffit que le titulaire fasse un usage de la marque reconnu par l'art. 11 al. 1 ou al. 2 LPM.

 

Ainsi, n'en déplaise à la recourante, il importe peu que les deux marques aient jadis été commercialisées en Suisse puis qu'elles soient apparues sur le marché étranger uniquement. L'utilisation préalable en Suisse n'empêche pas de retenir, pendant la période considérée (2013-2018), un "usage à l'exportation" qui a été fait de façon à sauvegarder la protection des marques

 

3.8. Dans la foulée, la recourante voudrait aussi déduire de l'art. 11 al. 2 in fine LPM l'impossibilité de faire un usage simultané de la marque en Suisse et à l'étranger.  

La cour de céans se gardera de trancher une question juridique qui ne se pose pas, dans un domaine où les circonstances d'espèce revêtent une importance certaine.

 

 

4.  

La recourante critique encore l'arrêt attaqué en tant qu'il admet une utilisation publique des marques litigieuses.

 

 

4.1. La marque doit être utilisée de façon à ce que le marché y voie un signe distinctif; elle doit sortir de la sphère interne de l'entreprise du titulaire pour être utilisée sur le marché. Un usage public est donc nécessaire (arrêt précité 4A_515/2017 consid. 2.3.1; cf. consid. 3.3 supra).

 

En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a constaté que les montres de provenance suisse avaient été exportées à Hong Kong pour y être vendues dans différents pays d'Asie et qu'elles avaient été confrontées à la concurrence, respectivement que le produit, durant la période de référence, était sorti du groupe de sociétés auquel appartenait la titulaire des marques pour être proposé à la vente par une filiale étrangère faisant office de distributeur. Il en a déduit que les marques litigieuses avaient été utilisées publiquement.

 

 

4.2. Dans les nombreuses pages consacrées à un grief de prime abord peu clair, la recourante glisse la critique d'un établissement des faits manifestement inexact. L'on cherche cependant en vain des éléments expliquant quelle sorte de vice entacherait les constatations qui viennent d'être rappelées.

 

En réalité, c'est encore et toujours la même "erreur" juridique qu'elle reproche au Tribunal administratif, à savoir qu'il aurait dû exiger un usage en Suisse pour conserver la protection de la marque (art. 11 al. 1 LPM) plutôt que de reconnaître "à tort" un usage à l'exportation (art. 11 al. 2 in fine LPM). Il est évident que dans la première hypothèse, des ventes à l'étranger uniquement ne seraient pas pertinentes. Mais le Tribunal a retenu à juste titre un usage suffisant des marques d'exportation (consid. 3 supra), ce qui coupe court à ce second grief.

 

 

5.  

La recourante succombe en tous points. Partant, elle supportera l'émolument judiciaire et versera à l'intimée une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 66 al. 1, art. 68 al. 1 et 2 LTF). 

 

 

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  

 

1.  

Le recours est rejeté. 

 

2.  

Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 

 

3.  

La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 

 

4.  

Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) et au Tribunal administratif fédéral. 

 

 

Lausanne, le 3 novembre 2022 

 

 

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