Wednesday, November 23, 2022

VAT (Swiss Law) - Export

 

Customs (Swiss Law)

 

VAT (Swiss Law)

 

Remboursement de l'impôt perçu à l'importation pour cause de réexportation

 

La livraison n’ayant pas été annulée, le remboursement de l’impôt sur les importations sur la base de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA doit être refusé

 

 

 

 

Tribunal administratif fédéral suisse

Cour I A-2706/2020 

Arrêt du 24 novembre 2022 

Republication

 

https://www.bvger.ch/bvger/fr/home/jurisprudence/entscheiddatenbank-bvger.html

 

 

Parties

1. A._______,
2. B._______,
les deux représentés par

contre 

Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF),
Domaine de direction Bases, Section Droit, autorité inférieure. 

Remboursement de l'impôt perçu à l'importation pour cause de réexportation. 

 

Objet 

Faits : 

 

A. 

Madame A._______ et Monsieur B._______ (ci-après : les recourants) sont des collectionneurs d’art domiciliés à (...). Le *** 2016, ils ont fait l’acquisition du tableau (...), attribué à l’atelier de (...) (ci-après : le Maître), auprès de la maison C._______ à New York pour un montant de USD ***.-. Destinée à rejoindre leur collection en Suisse, l’œuvre a été importée le *** 2016, par l’intermédiaire du transitaire D_______SA (ci-après: le transitaire) qui s’est chargé des formalités douanières auprès du Bureau de douane de (...) (ci-après : le Bureau de douane). La TVA à l’importation, fixée à Fr. *** dans une décision de taxation du *** 2016, a été dûment acquittée.

 

B.
B.a 
Dans le contexte d’une expertise du tableau destinée à en arrêter la valeur assurable, l’expert mandaté par les recourants a mis en doute l’authenticité et la provenance de l’œuvre, estimant sa valeur à [moins d’un vingtième du prix d’achat]. Aussi les recourants ont-ils interpelé C._______ par courriel du *** 2016. Des échanges s’en sont suivis, à la suite desquels les recourants ont fait appel aux services de deux autres experts, recommandés par le vendeur. Le premier, s’il n’a pas exclu que le tableau puisse provenir de l’atelier de (...), a considéré que la mauvaise conservation de l’œuvre n’autorisait aucune certitude et a estimé que sa valeur avait été surévaluée. La seconde experte consultée aurait également douté des qualités de l’œuvre et préconisé son retour au vendeur. Les recourants ont ainsi fait part à C._______ le *** 2017 de leur souhait de retourner le tableau. Le vendeur a pour sa part contesté que la vente puisse être annulée en l’état.

 

B.b Au terme des discussions menées entre les intéressés, il a été convenu de soumettre l’œuvre à de plus amples analyses dans les locaux de C._______ à New York, le transport étant à ses frais. Le tableau a dès lors été exporté le *** 2019 par l’intermédiaire du transitaire et sous le contrôle de C._______, sous le régime de l’exportation temporaire. La déclaration d’exportation indique, à titre d’emploi de la marchandise, « Exposition vente incertaine ».

 

B.c A réception de la déclaration d’exportation, les recourants ont interpelé C._______ aux fins qu’elle procède à des corrections, en particulier qu’elle indique « Retour au vendeur » sous la rubrique de l’emploi de la marchandise, ce que C._______ a dans un premier temps refusé. Il ressort des échanges entretenus dans ce contexte entre les recourants et C._______ que les précités souhaitaient dans tous les cas retourner l’œuvre au vendeur, lequel attendait les résultats d’analyse pour se prononcer à cet endroit. C._______ a en revanche offert aux recourants de revendre le tableau pour leur compte au prix initial en renonçant à toute commission, ce que ces derniers ont accepté pour le cas où l’expertise de l’œuvre en confirmerait les qualités.

 

B.d Le *** 2019, le transitaire a présenté une déclaration d’exportation corrigée au Bureau de douane, à laquelle était jointe une facture commerciale datée du *** 2019 comportant la mention « Return to seller ».

 

C.
C.a En date du *** 2019, les recourants ont formé une demande de remboursement de la TVA en mains du Bureau de douane, pour cause de réexportation
.

 

C.b Par décision du 16 décembre 2019, la Direction d’arrondissement III de l’Administration fédérale des douanes (ci-après : l’AFD ou l’autorité inférieure ; depuis le 1er janvier 2022, l’AFD est devenue l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières [OFDF]) a rejeté la requête des recourants, considérant que les conditions du remboursement de la TVA n’étaient pas remplies, respectivement démontrées.

 

C.c Par décision du 23 avril 2020, le Domaine de direction Bases de l’AFD a rejeté sous suite de frais le recours formé le 3 février 2020 par les recourants contre la décision susmentionnée.

 

D.
D.a 
Par acte du 25 mai 2020, les recourants ont déféré la décision de l’AFD du 23 avril 2020 au Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF, le Tribunal ou la Cour de céans). Ils concluent, principalement, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la requête de remboursement de la TVA est admise. Subsidiairement, ils requièrent l’annulation et le renvoi de la décision attaquée à l’autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

D.b Aux termes de sa réponse du 8 juillet 2020, réfutant intégralement les griefs des recourants, l’autorité inférieure a « proposé » de rejeter le recours sous suite de frais. 

 

D.c Dans une réplique spontanée du 27 juillet 2020, les recourants ont précisé et confirmé la teneur de leur mémoire de recours.

 

D.d Sous pli du 14 août 2020, l’autorité inférieure a renoncé à dupliquer.

 

D.e Par ordonnance du 13 janvier 2022, le Tribunal a invité les recourants à l’informer du sort du tableau en cause, respectivement de l’issue des tractations avec C._______, ainsi qu’à produire tout document y relatif – dont notamment un rapport d’expertise, une note de crédit ou un acte de vente à des tiers – jusqu’au 28 janvier 2022. Prolongé par trois fois à la demande des recourants, le délai initialement imparti au 28 janvier 2022 est arrivé à échéance le 21 avril 2022.

 

D.f Dans des lignes (sans annexes) datées du 22 avril 2022, les recourants ont exposé que leurs derniers échanges avec la maison C._______ remontaient au mois de décembre 2020 : les résultats de l’expertise réalisée par la précitée se seraient révélés flous et elle se montrerait récalcitrante à procéder au remboursement du prix de vente, quand bien même elle ne contesterait pas explicitement l’annulation de la vente. Aucun accord n’aurait donc été trouvé entre les intéressés.

 

D.g Interpelé téléphoniquement par le greffe du Tribunal, le 3 mai 2022, le mandataire des recourants a confirmé le contenu de la correspondance mentionnée ci-dessus. Il a par ailleurs été invité, à cette même occasion, à adresser au Tribunal toute pièce utile – dont les derniers échanges avec C._______ – sans plus tarder, respectivement dans les prochains jours utiles. Aucune pièce supplémentaire n’a été adressée à la Cour de céans postérieurement à cet échange. 

Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que nécessaire, dans les considérants en droit ci-après.

 

Droit : 

1. 

Sous réserve des exceptions prévues à l’art. 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) – non réalisées en l’espèce – celui-ci connaît, conformément à l’art. 31 LTAF, des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF, dont l’OFDF et ses domaines de direction.

La procédure de recours devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que la LTAF n’en dispose pas autrement (art. 37 LTAF). L’art. 2 al. 1 PA exclut certes en matière fiscale l’application des art. 12 ss PA, mais le Tribunal tient néanmoins largement compte des principes constitutionnels qui y ont trouvé leur expression (arrêts du TAF A-5047/2021 du 25 août 2022 consid. 1.2 et A-2479/2019 du 14 juillet 2021 consid. 2.2.1). La réserve de l’art. 3 let. e PA suivant laquelle la procédure de taxation douanière n’est pas régie par la PA ne s’applique par ailleurs pas à la procédure des voies de droit (cf. art. 116 al. 4 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes [LD, RS 631.0] ; arrêt du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 1.2 et les références citées [décision confirmée par arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020]).

 

2. 

Le recours déposé répond aux exigences de forme et de fond de la procédure administrative (art. 50 al. 1 et 52 PA), les recourants, en qualité de destinataires de la décision attaquée, disposant en outre manifestement de la qualité pour recourir (art. 48 PA). 

Il est donc entré en matière sur le recours.

 

3. 

Les recourants peuvent invoquer la violation du droit fédéral, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, ainsi que l’inopportunité, à moins qu’une autorité cantonale ait statué comme autorité de recours (art. 49 PA). La Cour de céans dispose ainsi d’un plein pouvoir de cognition. Elle constate les faits et applique le droit d’office (art. 62 al. 4 PA). Cela étant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n’examine les autres points que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent (ATF 135 I 91 consid. 2.1 ; ATAF 2014/24 consid. 2.2).

 

4.
4.1 
La Confédération perçoit, à chaque stade du processus de production et de distribution, un impôt général sur la consommation – la taxe sur la valeur ajoutée – qui a pour but d’imposer la consommation finale non entrepreneuriale sur le territoire suisse (art. 1 al. 1 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée [LTVA, RS 641.20]). A ce titre, elle perçoit notamment un impôt sur l’importation de biens (art. 1 al. 2 let. c LTVA). La législation douanière s’applique à l’impôt sur les importations, sous réserve de dispositions contraires de la LTVA (art. 50 LTVA). 

A teneur de l’art. 60 LTVA, l’impôt perçu à l’importation peut, sur demande, faire l’objet d’un remboursement en cas de réexportation, c’est-à-dire en cas de retour à l’expéditeur ; l’art. 60 LTVA vise ainsi à « réviser » la décision de taxation de l’importation, respectivement à rétablir la situation avant l’importation (ATAF 2021 III/3 consid. 3.7).

 

4.2 Plusieurs conditions générales doivent être simultanément remplies pour qu’intervienne le remboursement de l’impôt : la réexportation doit avoir lieu dans les cinq ans à compter de la fin de l’année civile pendant laquelle l’impôt a été perçu (art. 60 al. 2 let. a LTVA), le bien réexporté doit être le même que celui qui avait été importé (art. 60 al. 2 let. b LTVA), et la demande de remboursement doit être présentée soit dans la déclaration d’exportation, soit par écrit dans les 60 jours suivant l’établissement du document d’exportation (art. 60 al. 4 LTVA). Le remboursement pour cause de réexportation suppose en outre que les conditions d’une déduction de l’impôt préalable en vertu de l’art. 28 LTVA ne soient pas réunies (art. 60 al. 1 LTVA ; REGINE SCHLUCKEBIER, in : Geiger/Schluckebier [éd.], MWSTG Kommentar, 2019, art. 60 N 3 et 5).

 

4.3 Cela étant, le remboursement de l’impôt suppose encore la réalisation de l’une des deux conditions suivantes (art. 60 al. 1 LTVA) : les biens non modifiés sont réexportés sans avoir été préalablement remis à un tiers dans le cadre d’une livraison sur le territoire suisse et sans avoir été utilisés auparavant (let. a), ou les biens ont été utilisés sur le territoire suisse mais sont réexportés en raison de l’annulation de la livraison (let. b).

 

4.3.1 Dans la première hypothèse, l’impôt peut être remboursé à la condition que les biens soient réexportés sans avoir été utilisés. Cette condition est réputée ne plus être réalisée lorsqu’un bien a été utilisé sur le territoire suisse aux fins pour lesquelles il avait été importé. Un bien importé dans le seul but d’être vendu n’emporte pas utilisation. En revanche, l’importation à des fins de démonstration, d’essai, d’exposition ou de travaux doit être considérée comme une utilisation, et ce même si le bien est ensuite retourné à son expéditeur (cf. ATAF 2021 III/3 consid. 4.2 ; décision de l’ancienne Commission fédérale de recours en matière de douanes [CRD] 2002-039 consid. 3b et 3c/bb, in : JAAC 2003 n°45 p. 379 ; SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 7 ; cf. également Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.3.4). L’art. 60 al. 1 let. a LTVA suppose en outre que le bien réexporté n’ait pas été modifié (à cet égard, cf. Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.3.5ou remis à un tiers dans le cadre d’une livraison au sens de l’art. 3 let. d LTVA.

 

4.3.2 Lorsque le bien a été utilisé sur le territoire suisse, le remboursement de l’impôt perçu à l’importation est conditionné à l’annulation de la livraison (qui a conduit à l’importation). On entend par livraison, notamment, le fait d’accorder à une personne le pouvoir de disposer économiquement d’un bien en son propre nom contre paiement (art. 3 let. d LTVA ; CRD 2002-039 consid. 3c/cc, in : JAAC 2003 n°45 p. 379 ; cf. Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.4.5). L’annulation de dite livraison permet de rétablir la situation qui existait avant la conclusion du contrat en question ; dans le cas d’un contrat de vente, l’acquéreur renvoie le bien au vendeur, lequel lui rembourse le prix ou émet une note de crédit en sa faveur. La livraison n’est en revanche pas annulée en cas de rachat du bien par le vendeur étranger, c’est-à-dire lorsque l’échange initial de prestations reste valable et que le vendeur étranger rachète le bien de l’acheteur dans le cadre de la conclusion d’un nouveau contrat de vente (SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 13 à 15 ; Règlement 69-07 de l’OFDF, édition 7/22, ch. 2.4.5).

 

5.
5.1 
La procédure administrative est gouvernée par la maxime inquisitoire, à l’aune de laquelle l’autorité doit établir les faits, en procédant à l’administration des preuves utiles, et appliquer le droit d’office (cf. art. 12 et 62 al. 4 PA ; s’agissant de l’art. 12 PA, voir toutefois la réserve de l'art. 2 al. 1 PA [arrêt du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 1.4.2 et les références citées], qui ne mentionne pas moins des principes appliqués de toute façon par le Tribunal de céans dans la procédure devant lui ; cf. aussi consid. 1 supra). Ce qui précède doit cependant être relativisé. En premier lieu, il n’appartient pas au Tribunal d’établir les faitsab ovo. Dans le cadre de la procédure de recours, il s'agit bien plus de vérifier les faits établis par l'autorité inférieure, à qui l’obligation incombe de les établir de façon complète et exacte. En second lieu, les parties ont l’obligation de motiver leur recours (art. 52 PA) et le devoir de collaborer, ce qui découle des principes appliqués par le TAF (arrêt du TAF A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.1).

 

5.2 Après une libre appréciation des preuves en sa possession, le Tribunal se trouve à un carrefour. S’il estime que l’état de fait est clair et que sa conviction est acquise, il peut rendre sa décision. Dans cette hypothèse, il renoncera à des mesures d’instruction et à des offres de preuve supplémentaires en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci. Un rejet d’autres moyens de preuves est également admissible s’il lui apparaît que leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction qu’il s’est forgé sur la base de pièces écrites ayant une haute valeur probatoire. La conviction ainsi forgée du Tribunal n’a pas à confiner à une certitude absolue pour respecter le droit d’être entendu ; il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et du bon sens et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (cf. ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 et 130 III 321 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-2176/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.3 et A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.2).

En revanche, si le Tribunal reste dans l’incertitude après avoir procédé aux investigations requises, il appliquera les règles sur le fardeau de la preuve, en s’inspirant de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210) en vertu duquel quiconque doit prouver les faits qu’il allègue pour en déduire un droit (cf. arrêts du TAF A-2176/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.3 et A-3371/2017 du 28 octobre 2020 consid. 7.2).

 

5.3 En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet qu’il appartient à l’autorité d’établir les faits qui fondent la créance d’impôt ou qui l’augmentent, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui suppriment ou réduisent cette créance (cf. ATF 146 II 6 consid. 4.2 et 144 II 427 consid 8.3.1). La répartition du fardeau de la preuve implique donc que lorsque l’autorité a apporté suffisamment d’indices révélant l’existence d’éléments imposables, il appartient à l’assujetti d’établir l’exactitude de ses allégations contraires et de supporter le fardeau de la preuve qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du TF 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 8.1.3 ; arrêt du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 5.2).

 

6.
6.1 
En l’espèce, les recourants ont formé une demande de remboursement de la TVA à l’importation, fondée sur l’art. 60 LTVA, qui a été rejetée par l’autorité inférieure. Les quatre conditions générales (cf. consid. 4.2 plus haut) du remboursement ne sont, à juste titre, pas discutées par les parties, celles-ci étant manifestement remplies. Le tableau en cause, importé le *** 2016, a en effet été exporté le *** 2019, soit dans le délai de cinq ans découlant de l’art. 60 al. 2 let. a LTVAL’œuvre ainsi réexportée est indéniablement la même que celle qui avait été importée (cf. art. 60 al. 2 let. b LTVA). La demande de remboursement a de surcroît été déposée par écrit le *** 2019, soit dans les 60 jours suivant l’établissement de la déclaration d’exportation du *** 2019 (cf. art. 60 al. 4 LTVA). Les conditions d’une déduction de l’impôt préalable ne sont, enfin, clairement pas réalisées (cf. art. 60 al. 1 LTVA).

 

Est en revanche disputée la réalisation de l’une des deux conditions alternatives de l’art. 60 al. 1 LTVA, qui a été niée par l’autorité inférieure dans sa décision. Les recourants plaident que ces conditions sont toutes deux réalisées, dès lors que le bien n’aurait pas été utilisé en Suisse, d’une part (cf. consid. 6.2 ci-dessous), et que la livraison aurait été annulée, d’autre part (cf. consid. 6.3 infra).

 

6.2
6.2.1 
Les recourants soutiennent en premier lieu que les conditions de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA seraient réalisées. Selon eux, un bien aurait été « utilisé », au sens de cette disposition, pourvu qu’il ait été employé sur le marché intérieur aux fins pour lesquelles il avait été importé. La décision attaquée se serait pourtant dispensée de rechercher ces fins, sur la base d’un raisonnement qu’ils qualifient d’erroné, et violerait ainsi l’art. 60 al. 1 let. a LTVA et leur droit d’être entendus. Cela étant, les recourants exposent que le tableau a été importé à des fins d’usage privé, soit pour être exposé dans leur collection. Une utilisation de l’œuvre conforme à ce but impliquerait nécessairement qu’elle corresponde en tous points à la toile qu’ils ont souhaité, respectivement cru acquérir. Or, tel ne serait pas le cas, dans la mesure où le tableau ne correspondrait pas au descriptif du catalogue du vendeur ; à tout le moins deux experts auraient en effet remis en doute l’authenticité et/ou la provenance de l’œuvre. Les expertises du tableau réalisées à l’initiative des recourants ne pourraient au demeurant pas être considérées comme une utilisation du bien, sauf à dénaturer la notion d’utilisation.

 

6.2.2 A titre liminaire, la Cour, tout en prenant acte de ce que les recourants se prévalent d’une violation de leur droit d’être entendus, relève que ce moyen semble n’être soulevé qu’à l’appui de leur grief matériel, soit sans substance propre. Ce n’est en effet que dans leur argumentaire sur le sens et la portée de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA qu’une violation de leur droit d’être entendus a été évoquée, le mémoire ne contenant aucun autre développement à cet égard. En soulevant ce grief, les recourants semblent se plaindre, non pas d’une entorse à leurs droits de procédure, mais bien de l’interprétation faite par l’OFDF de la norme en cause. Le Tribunal doute ainsi qu’il y ait lieu d’analyser plus amplement ce moyen. Cela étant, il est relevé, à titre superfétatoire, qu’aucune violation du droit d’être entendus des recourants n’est constatée à l’examen du dossier, l’autorité inférieure étant exempte de reproches sur ce point.

 

6.2.3 Le Tribunal peut à présent en venir à l’examen de la condition de l’absence d’utilisation en Suisse, litigieuse en l’espèce. A cet égard, il est rappelé qu’il y a utilisation d’un bien, au sens de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA, lorsqu’il a été employé sur le territoire suisse aux fins pour lesquelles il avait été importé (cf. consid. 4.3.1 supra ; Rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national du 28 août 1996, FF 1996 V 701, 797) – étant précisé que ces fins ne sont pas toujours déterminantes au regard de la condition d’une absence d’utilisation en Suisse, dès lors qu’il n’est pas exclu qu’elles subissent un changement une fois le bien mis en libre pratique (ATAF 2021 III/3 consid. 4.8). Cette définition, qui ressort notamment d’une jurisprudence convoquée par les deux parties, n’a pas lieu d’être rediscutée au regard du commentaire de la doctrine dont elles semblent toutes deux tirer argument – ledit commentaire ne définissant d’ailleurs pas autrement la notion d’utilisation (cf. SCHLUCKEBIER, op. cit., ad art. 60 N 7). 

Cela étant précisé, il est établi que les recourants ont importé le tableau pour l’intégrer à leur collection, soit à des fins privées. Il est de même avéré qu’ils ont librement disposé dudit tableau, en ce sens qu’ils l’ont eu en leur possession sans restriction particulière, dès son importation en *** 2016 et jusqu’à sa réexpédition à C._______ en *** 2019. Le fait que l’œuvre n’ait pas pu être assurée durant cette période ne change rien à ce constat, les recourants n’exposant pas en quoi ils s’en seraient trouvés empêchés d’utiliser leur acquisition. La toile a ainsi pu être exposée et contemplée librement par les recourants – ce qui constitue par essence l’utilisation d’une œuvre d’art – durant trois ans, soit une période de temps non négligeable. Il est vrai que la provenance et les qualités du tableau ont été remises en cause dès le *** 2016, soit rapidement après son importation. Les critiques formulées par les experts n’en ont néanmoins pas entravé l’usage, dès lors que les recourants en ont conservé la libre disposition, soit pouvaient en jouir librement. Il en découle que le tableau a bien été utilisé par les recourants, au sens où l’entend l’art. 60 al. 1 let. a LTVA.

 

6.2.4 Le fait que l’âge et l’attribution du tableau à la main du Maître fassent l’objet de controverses ne change rien à ce qui précède. Si un certain consensus semble régner entre les experts quant au fait que le prix du tableau aurait été surévalué – ce qui ne saurait être déterminant au regard de la notion d’utilisation – sa non-conformité au descriptif du catalogue de vente n’est, en tout état de cause, pas établie. Les rapports d’expertise (cf. pièces 5 et 12 du bordereau des recourants), qui remettent certes en doute différentes qualités de l’œuvre, ne contiennent en effet pas de conclusions unanimes à même d’établir, sans équivoque, que le tableau n’est pas celui que les recourants ont pensé acquérir. Les conclusions de l’expertise ordonnée par la maison C._______ n’ont de surcroît pas été produites par les recourants, les informations dont dispose le Tribunal à ce propos se limitant au contenu – au demeurant évasif – de leur correspondance du 22 avril 2022 (cf. Faits, let. D.f et D.g supra). Le fait que le tableau litigieux ne correspondrait pas au catalogue de vente, comme le soutiennent les recourants, n’étant pas démontré, la question de savoir si une œuvre d’art doit nécessairement revêtir l’entier des qualités et attributs promis pour pouvoir être « utilisée » au sens de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’a pas à être tranchée dans le cas d’espèce.

 

La Cour souligne toutefois qu’elle doute que tel soit le cas. L’utilisation d’un objet n’implique en effet pas nécessairement que ses propriétés ne soient pas altérées, le texte de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’excluant d’ailleurs pas qu’un objet présentant des défauts puisse être utilisé. Doit également être considéré le fait que l’impôt litigieux, qui frappe l’importation de biens sur le territoire suisse, est calculé sur la contre-prestation lorsque le bien est importé en exécution d’un contrat de vente (art. 54 al. 1 let. a LTVA). Le montant de la TVA est ainsi arrêté sur la base du prix payé pour l’acquisition du bien, indépendamment de tout examen de la conformité de ce prix, notamment, à la valeur du marché. Il en découle que l’impôt sur les importations est dû sans égard aux particularités, le cas échéant au caractère imparfait, du contrat en cause ; le Tribunal ne voit dès lors pas en quoi il devrait en aller différemment du remboursement de ce même impôt à la lumière de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA, à plus forte raison que la seconde hypothèse prévue à l’art. 60 al. 1 let. b LTVA a précisément trait au cas où le contrat aurait été annulé.

 

6.2.5 Il convient ainsi de retenir que les recourants, en disposant librement de leur acquisition durant trois ans, l’ont bel et bien utilisée. En conséquence, la condition de l’art. 60 al. 1 let. a LTVA n’est pas réalisée et le remboursement de la TVA à l’importation ne saurait être autorisé sur cette base.

 

6.3
6.3.1
Poursuivant leur démonstration, les recourants arguent que la condition de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA serait réalisée, dès lors que la vente aurait été annulée en l’espèce. A cet égard, ils rappellent avoir demandé l’annulation de la vente à C._______, lui avoir retourné le tableau avec la précision qu’en aucun cas ils ne souhaitaient le récupérer, et être depuis lors titulaires d’une créance en restitution du prix de vente. Ces éléments démontreraient que la livraison a bien été annulée au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA. L’autorité inférieure, en statuant de manière contraire, aurait violé la norme précitée. Elle serait de surcroît contrevenue au principe de la libre appréciation des preuves en exigeant des recourants qu’ils produisent une note de crédit pour prouver l’annulation de la livraison, ces derniers plaidant avoir démontré leurs allégations par d’autres moyens.

 

6.3.2 En l’occurrence, force est de constater, avec l’autorité inférieure, que les pièces produites n’établissent aucunement que la vente aurait été annulée. Il ressort tout au plus des échanges entre les recourants et la maison C._______ que cette dernière a offert de revendre le tableau en renonçant à sa commission. Les lignes des recourants du 22 avril 2022 (cf. Faits, let. D.f supra) ne disent d’ailleurs pas autre chose, ceux-ci ayant rapporté, en substance, que la situation demeurait bloquée et que le vendeur se refusait, précisément, à leur rembourser le prix de vente. Dès lors que l’annulation de la livraison, au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA, implique un retour à la situation initiale – soit une restitution du bien et un remboursement du prix (cf. consid. 4.3.2 plus haut) – l’on ne saurait y assimiler la présente situation ; l’échange initial de prestations demeure en effet valable, les discussions entre les parties au contrat de vente portant sur la conclusion d’un nouveau contrat. Il appert donc que l’autorité inférieure a statué de manière conforme au droit, la livraison n’ayant manifestement pas été annulée.

 

Le grief soulevé par les recourants en lien avec le principe de la libre appréciation des preuves doit de même être rejeté. Le remboursement n’a en effet pas été exclu à raison de l’absence de production d’un moyen de preuve précis, mais bien parce que le fait déterminant (l’annulation de la livraison) n’a pas été établi. Dès lors que le fardeau de la preuve dans le cadre de l’art. 60 LTVA est bien supporté par les recourants, qui requièrent la suppression d’une charge fiscale (cf. ATAF 2021 III/3 consid. 4.1), ils doivent supporter l’échec de la preuve de leurs allégations. 

La livraison n’ayant pas été annulée, le remboursement de l’impôt sur les importations sur la base de l’art. 60 al. 1 let. b LTVA doit être refusé.

 

7.
7.1 
Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de procédure, lesquels se montent, compte tenu de la charge de travail liée à la procédure, à Fr. 3’800.- (cf. art. 63 al. 1 PA et art. 4 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le TAF [FITAF, RS 173.320.2]). Ils seront prélevés sur l'avance de frais déjà versée d'un même montant.

 

7.2 Vu l'issue de la cause, il n'est pas alloué de dépens (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario).

 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

 

1. 

Le recours est rejeté. 

2. 

Les frais de procédure, d’un montant de Fr. 3'800.- (trois mille huit cents francs), sont mis à la charge des recourants. Ce montant est prélevé sur l’avance de frais déjà versée, d’un montant équivalent. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé aux recourants et à l'autorité inférieure.

 

 

Indication des voies de droit : 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

 

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