Friday, December 9, 2022

Customs (Swiss Law) - Import - Temporary Admission - VAT

 

Customs (Swiss Law)

 

Import

 

Admission temporaire

 

Admission temporaire pour vente incertaine

 

Définition par directive de la notion de vente incertaine

 

Perception subséquente de la TVA

 

Application de l’art. 12 DPA

 

Notion de personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière

 

Notion de mandant

 

Devoir de collaborer et devoir d’instruction

 

Directives administratives

 

Valeur des témoignages en droit fiscal

 

 

 

 

 

Tribunal administratif fédéral suisse

Cour I A-3486/2020

Arrêt du 9 décembre 2022

Republication

https://www.bvger.ch/bvger/fr/home/jurisprudence/entscheiddatenbank-bvger.html

 

 

Parties 

A._______, 

représenté par,
recourant, 

contre 

Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières OFDF,
autorité inférieure. 

Régime d'admission temporaire ; perception subséquente de la TVA. 

 

Objet

 

Faits : 

A. 

La société S._______ SA (ci-après : la société S._______) est une société anonyme de droit suisse, fondée le (...) et ayant son siège à M.________. Elle a pour but statutaire l’achat, la vente, la consignation ainsi que le commerce d’objets d’art. A.________ (ci-après: l’intéressé) en est l’administrateur unique.

 

B.
B.a 
En date du 19 septembre 2013, provenant de la société T._______ en Grande-Bretagne, deux protomés représentant des têtes de koré ont été entreposés [dans le dépôt franc sous douane P._______] (ci-après : [l’entrepôt P.______]).

 

B.b Les protomés ont ensuite été importés en Suisse, le 27 septembre 2013, sous le régime de l’admission temporaire pour vente incertaine, avec la société S._______ comme destinataire et la société panaméenne U._______ SA (ci-après : la société U._______) comme expéditeur et propriétaire. Le montant de 80'000 francs – représentant la valeur des deux protomés – était indiqué pour servir de base au calcul des garanties à verser pour les redevances d’entrée conditionnellement dues pour ces deux objets.

 

B.c Le même jour, les deux protomés ont été transportés au domicile privé de l’assujetti, à M._______, où ils y sont demeurés jusqu’à leur séquestre (cf. infra consid. C.c).

 

B.d Echu au 27 septembre 2015, le régime de l’admission temporaire pour vente incertaine a été renouvelé, une première fois, avec nouvelle échéance au 27 septembre 2016, puis, une seconde fois avec échéance au 27 septembre 2017, la société S._______ invoquant son souhait de vendre les protomés encore en 2016.

 

C.
C.a 
Le (...) 2016, une patrouille du Corps des gardes-frontière a contrôlé un véhicule immatriculé au nom de la société S._______, alors qu’il entrait en Suisse par la route de (...). Ce contrôle a permis de constater la présence d’une lampe à huile antique non annoncée en douane – qui s’est ultérieurement révélée être une authentique antiquité de qualité muséale – ainsi que de trois quittances pour la location de locaux de stockage. 

 

C.b A la suite du contrôle susmentionné, une enquête a été ouverte par la section antifraude douanière de Lausanne (ci-après : la SA Lausanne), en raison de soupçons d’importations illégales de biens et d’objets d’art anciens. L’enquête visait, entre autres, l’intéressé, en sa qualité d’administrateur de la société S._______.

 

C.c Dans le cadre de cette enquête, le domicile privé de l’intéressé a notamment été perquisitionné le 28 février 2017. Les deux protomés susmentionnés (cf. supra consid. B) ont fait l’objet d’un séquestre de gage douanier.

 

C.d En dates des 27 septembre 2017 et 27 septembre 2018, S._______ a sollicité respectivement une troisième, puis une quatrième prolongation de la déclaration en douane d’admission temporaire (cf. supra consid. B.d) des deux protomés séquestrés dans l’attente de l’issue de l’enquête.

 

D. 

Par décision de perception subséquente du 7 novembre 2018, la SA Lausanne a déclaré l’intéressé assujetti au paiement de la TVA pour l’importation des deux protomés séquestrés, appartenant au lot n(...), soit un montant de 6'400 francs assorti d’intérêts moratoires de 1'309.15 francs. La SA Lausanne retenait que, en l’absence de toute démarche de la part de S._______ en vue de vendre les objets, les protomés avaient en réalité été importés dès le départ à l’intention de l’intéressé, à titre personnel, et que le régime de l’admission temporaire pour vente incertaine avait été revendiqué et obtenu à tort.

 

E. 

Par mémoire du 14 décembre 2019, l’intéressé a formé un recours contre cette décision auprès de la Direction générale des douanes de l’Administration fédérale des douanes AFD – devenue le 1er janvier 2022 l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières OFDF (ci-après : l’OFDF) – qui l’a rejeté par décision du 8 juin 2020.

 

F. 

Le 8 juillet 2020, l’intéressé (ci-après également : le recourant) a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation des décisions du 8 juin 2020 et du 7 novembre 2018 et, subsidiairement, au renvoi de la cause.

 

G. 

Par mémoire de réponse du 19 août 2020, l’OFDF (ci-après également : l’autorité inférieure) a conclu, sous suite de frais, au rejet du recours et à ce que la décision du 8 juin 2020 soit intégralement confirmée.

 

H. 

Le recourant n’a formulé, à ce jour, aucune observation sur la réponse de l’autorité inférieure. 

Les arguments avancés de part et d’autre au cours de la présente procédure seront repris plus loin dans la mesure où cela s’avère nécessaire.

 

Droit : 

1.
1.1 
Le Tribunal administratif fédéral est compétent pour connaître du présent recours (art. 31, 32, 33 let. d de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32] et art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA, RS 172.021] en lien avec l’art. 116 al. 2 et 4 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes [LD, RS 631.0]).

 

1.2 La qualité pour recourir doit être reconnue au recourant (art. 48 al. 1 PA). Les dispositions relatives au délai de recours (art. 20 ss et 50 al. 1 PA), à la forme et au contenu du mémoire (art. 52 PA), ainsi qu’à l’avance de frais (art. 63 al. 4 PA) sont en outre respectées.

 

1.3 Cela étant, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal administratif fédéral, l’objet du recours ne peut porter que sur la décision de l’autorité directement inférieure : en raison de l’effet dévolutif, celle-ci remplace les éventuelles décisions des instances antérieures (cf. ATF 134 II 142 consid. 1.4 ; arrêts du TAF A-5145/2021 du 29 août 2022 consid. 1.3, A-6214/2018 du 20 avril 2020 consid. 1.3 et A-5624/2018 du 19 juillet 2019 consid. 1.2). En l’espèce, le recourant conclut également à l’annulation de la décision de l’autorité antérieure du 7 novembre 2018. Une telle conclusion dépasse, en soi, l’objet du litige. Elle doit donc être déclarée irrecevable. Il n’empêche que, dans le cadre du contrôle de la décision attaquée du 8 juin 2020, il y a lieu de tenir compte de ce que la décision antérieure du 7 novembre 2018 était matériellement contestée (cf. arrêt du TAF A-4077/2021 du 11 mai 2022 consid. 1.3). 

Sous cette réserve, le recours est, pour le surplus, recevable. 

 

2.
2.1 
La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral est régie par la PA, pour autant que la LTAF n’en dispose autrement. Sous réserve de l’art. 2 al. 1 PA – qui mentionne au demeurant des principes appliqués de toute façon par le Tribunal de céans dans la procédure douanière devant lui (cf. arrêts du TAF A-5446/2016 du 23 mai 2018 consid. 2.2 et A-1635/2015 du 11 avril 2016 consid. 1.2.2) – ce qui précède vaut également concernant les procédures de recours en matière de droit de douane (cf. arrêts du TAF A-5519/2012 du 31 mars 2014 consid. 1.1 et A-2822/2007 du 27 novembre 2009 consid. 1.5).

 

2.2 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, ainsi que pour inopportunité, sauf si une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA). Le Tribunal administratif fédéral applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués (art. 62 al. 4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la décision attaquée (cf. arrêt du TF 1C_214/2005 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2 ; ATAF 2014/24 consid. 2.2 et 2009/77 consid. 1.2). Il se limite en principe aux griefs soulevés et n’examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1 ; ATAF 2014/24 consid. 2.2).

 

2.3 La procédure en matière fiscale est en principe régie par la maxime inquisitoire, ce qui signifie que l'autorité constate les faits d'office et procède, s'il y a lieu à l'administration de preuves par les moyens idoines (cf. ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêts du TF 2C_554/2018 du 21 décembre 2018 consid. 3.2 et 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; arrêts du TAF A-479/2021 du 8 septembre 2021 consid. 1.4.1, A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 1.3.2, A-5996/2017 du 5 septembre 2018 consid. 1.3 et A-1635/2015 précité consid. 2). La maxime inquisitoire doit cependant être relativisée par son corollaire : le devoir de collaborer des parties (cf. arrêt du TF 2C_895/2012 du 5 mai 2015 consid. 5.2.1 ; arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 1.4.2, A-2888/2016 du 16 juin 2017 consid. 2.2 et A-6691/2012 du 23 juillet 2014 consid. 3.1). La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral est également régie par la maxime inquisitoire en vertu de l'art. 37 LTAF. Celle-ci est cependant quelque peu tempérée, notamment en raison du fait qu'il ne s'agit, dans ce cas, pas d'un établissement des faits ab ovo. Il convient de tenir compte de l'état de fait déjà établi par l'autorité inférieure. En ce sens, le principe inquisitoire est une obligation de vérifier d’office les faits constatés par l’autorité inférieure plus que de les établir (cf. arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 1.4.2, A-2888/2016 précité consid. 2.3 et A-704/2012 du 27 novembre 2013 consid. 3.3).

 

2.4 Conformément à la maxime inquisitoire, l’autorité dirige la procédure, définit les faits qu’elle considère comme pertinents, dans la mesure où l'exige la correcte application du droit et les établit d'office, sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Cette maxime l’oblige donc à déterminer également les faits favorables aux intérêts de l'administré, dans la mesure de ses possibilités, ainsi qu’à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ce, même s’ils ont été allégués ou produits tardivement (art. 32 PA par analogie ; arrêts du TF 2C_95/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.2 et 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 5.1.1 ; arrêts du TAF A-2176/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.2.1, A-3841/2018 du 8 janvier 2021 consid. 2.2 et A-7254/2017 du 1er juillet 2020 consid. 5.3.2). Si l’administré n'apporte pas la preuve requise et que l'autorité a la possibilité d'éclaircir la situation, elle doit le faire. Le devoir de collaborer de l'administré ne libère, en effet, nullement l'autorité de son devoir d'instruction (cf. ATF 130 I 258 consid. 5 ; arrêts du TAF A-4345/2019 du 8 avril 2021 consid. 2.2.1, A-2176/2020 précité consid. 2.2.1 et A-5884/2012 du 27 mai 2013 consid. 3.2.3 et 4.3 ; RAPHAËL BAGNOUD, La théorie du carrefour - Le juge administratif à la croisée des chemins, in : Mélanges Mollard, 2020, p. 493). 

L'autorité ne saurait donc attendre que l'administré lui fournisse spontanément les renseignements et preuves adéquats. C'est au contraire à elle qu'incombe la charge de définir les faits considérés comme pertinents et d'ordonner l'administration des preuves nécessaires à l'établissement de ceux-ciEn conséquence, il lui appartient également de juger s'il y a lieu de requérir la collaboration de l'administré, quand et sous quelle forme. Lorsque tel est le cas, l'autorité impartit, en principe, un délai à l'intéressé pour qu'il s'exécute et l'avertit des conséquences d'un défaut de collaboration, conformément à l'art. 23 PA (cf. ATF 130 I 258 consid. 5 ; arrêt du TF 5A_43/2019 du 16 août 2019 consid. 4.2 ; arrêts du TAF A-2902/2014 du 29 août 2016 consid. 2.3 et A-5884/2012 précité consid. 3.3.1). L'autorité ne saurait ainsi faire supporter à l'administré l'absence de la preuve d'un fait déterminé si elle n'a pas pleinement satisfait à son devoir d'instruction (cf. arrêts du TF 2C_993/2021 consid. 4.2 in fine et 2C_964/2016 du 5 avril 2017 consid. 2.2 et 2.4 ; arrêts du TAF A-4345/2019 précité consid. 2.2.1, A-2902/2014 précité consid. 7.3 et A-5884/2012 précité consid. 4.3 ; BAGNOUD, op. cit., p. 493). 

 

2.5 Après une libre appréciation des preuves en sa possession, l'autorité se trouve à un carrefour. Si elle estime que l’état de fait est clair et que sa conviction est acquise, elle peut rendre sa décision (cf. ATF 137 III 208 consid. 2.2 ; arrêt du TF 2C_806/2017 du 19 octobre 2017 consid. 4.1 ; arrêts du TAF A-6029/2017 du 7 septembre 2018 consid. 1.4 et A-3018/2016 du 30 avril 2018 consid. 1.4). Dans cette hypothèse, elle renoncera à des mesures d'instruction et à des offres de preuve supplémentaires, en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci. Un rejet d'autres moyens de preuve est également admissible s'il lui apparaît que leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction qu'elle s'est forgée sur la base de pièces écrites ayant une haute valeur probante (cf. ATF133 II 384 consid. 4.2.3 et 131 I 153 consid. 3 ; arrêt du TAF A-1357/2016 du 7 novembre 2017 consid. 2.3.1). Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que la conviction de l’autorité confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité. Il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et du bon sens et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (cf. ATF 130 II 321 consid. 3.2, 128 III 271 consid. 2b/aa ; arrêt du TF 2C_1201/2012 précité consid. 4.5 ; arrêt du TAF A-1679/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.4.1). Une telle manière de procéder n'est pas jugée contraire au droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101 ; cf. ATF 124 V 90 consid. 4b et 122 V 157 consid. 1d ; arrêt du TF 9C_272/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.1). 

En revanche, si elle reste dans l'incertitude après avoir procédé aux investigations requises, l'autorité applique les règles sur la répartition du fardeau de la preuve. Dans ce cadre et à défaut de dispositions spéciales, elle s'inspire de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210), en vertu duquel quiconque doit prouver les faits qu'il allègue pour en déduire un droit (cf. RENÉ RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 4éd. 2021, nos 996 ss ; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2éd. 2018, n1563). 

Rapportée au droit fiscal, cette règle suppose que l’administration supporte la charge de la preuve des faits qui créent ou augmentent la charge fiscale, alors que l'assujetti assume pour sa part la charge de la preuve des faits qui diminuent ou lèvent l'imposition (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; arrêt du TF 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 8.3 ; arrêt du TAF A-2826/2017 du 12 février 2019 consid. 1.4). Si les preuves recueillies par l’autorité apportent suffisamment d’indices révélant l’existence d’éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d’établir l’exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (cf. ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du TF 2C_595/2016 du 11 janvier 2017 consid. 4.2.1 et 2C_1201/2012 précité consid. 4.6).

 

2.6 Le principe inquisitoire et l'obligation de collaborer n'ont, par conséquent et en principe, aucun effet sur la répartition du fardeau de la preuve, car ils interviennent à un stade antérieur (cf. arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 1.4.4, A-5446/2016 précité consid. 2.8, A-1679/2015 précité consid. 2.4.2 et A-5884/2012 précité consid. 3.4.3). Il existe toutefois, en pratique, une certaine connexité entre ces différentes notions (cf. arrêt du TAF A-6120/2008 du 18 mai 2010 consid. 1.3.3). Ainsi, dans la mesure où, pour établir l'état de fait déterminant, l'autorité est dépendante de la collaboration de l'administré, le refus, par celui-ci, de fournir des renseignements ou des moyens de preuve requis peut conduire à un « état de nécessité en matière de preuve » (« Beweisnot »), c'est-à-dire à une impossibilité, pour l'autorité, d'établir les faits pertinents (cf. CHRISTIAN MEYER, Die Mitwirkungsmaxime im Verwaltungsverfahren des Bundes, 2019, p. 78 ss ; PAUL-HENRI STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil, 2éd. 2009, n672 s. et 715). Dans une telle hypothèse, la violation du devoir de collaborer peut non seulement être prise en compte au stade de la libre appréciation des preuves, mais aussi conduire à un allégement de la preuve à charge de l'autorité, voire à un renversement du fardeau de la preuve, ainsi qu'à une diminution de son obligation d'établir l'état de fait pertinent (cf. ATF 139 II 451 consid. 2.3.2, 132 III 715 consid. 3.1 ; arrêts du TAF A-4447/2019 du 20 janvier 2022 consid. 2.3.2, A-5865/2017 du 11juillet 2019 consid. 5.2 et A-5446/2016 précité consid. 2.5 ; BAGNOUD, op. cit., p. 508).

 

2.7 En droit fiscal, les documents écrits revêtent une importance considérable, dès lors qu’ils sont les plus à même d’apporter une preuve précise et immédiate (cf. arrêts du TF 2C_709/2017 du 25 octobre 2018 consid. 3.3 et 2C_947/2014 du 2 novembre 2015 consid. 7.2.4 ; arrêts du TAF A-2350/2020 du 17 janvier 2022 consid. 1.7, A-2286/2017 du 8 mai 2020 consid. 2.2.2). A l’inverse, les témoignages, en particulier ceux émanant de proches de l’administré, ont une valeur probante quasi nulle (cf. arrêts du TAF A-2350/2020 précité consid. 1.7, A-4642/2020 du 5 octobre 2021 consid. 2.5 et A-1679/2015 précité consid. 5.1.2). Il en va de même des preuves, certes écrites, mais établies après coup et des documents non contemporains aux faits sur lesquels porte le litige (cf. ATF 133 II 153 consid. 7.2 ; arrêts du TF 2C_614/2007 du 17 mars 2008 consid. 3.4 et 2C_470/2007 du 19 février 2008 consid. 3.4 ; arrêts du TAF A-2350/2020 précité consid. 1.7, A-2286/2017 précité consid.2.2.2, A-1679/2015 précité consid. 2.3 et A-4388/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.6). Quant aux faits établis durant la procédure pénale, ils peuvent être repris au cours de la procédure administrative. Ainsi, les procès-verbaux et documents issus de la procédure pénale peuvent être employés par le juge administratif, qui doit les apprécier à la lumière des règles de droit administratif, notamment de la PA (cf. arrêt du TF 2C_112/2010 du 30 septembre 2010 consid. 5.3 ; arrêts du TAF A-1357/2016 précité consid. 7.3, A-3056/2015 du 22 décembre 2016 consid. 3.1.7 et A-7392/2014 du 8 août 2016 consid. 3.4.1).

 

3. 

La décision attaquée porte sur la perception subséquente de la TVA due sur l’importation de deux protomés appartenant au lot n(...), d’une valeur de 80'000 francs, et l’assujettissement du recourant au paiement d’un montant de 6'400 francs de TVA sur les importations, assorti de 1'309.15 francs d’intérêts moratoires.

 

3.1 L’autorité inférieure considère, en substance, que dès leur sortie [de l’entrepôt P.______] et leur transfert au domicile privé du recourant le 27 septembre 2013, les deux protomés n’étaient pas destinés à la revente incertaine par la société S._______, mais qu’ils étaient destinés au recourant à titre personnel, si bien que les conditions pour le régime d’admission temporaire, revendiqué et obtenu dès ce même jour, n’étaient pas remplies. Il devait, par conséquent, être invalidé et l’impôt sur les importations devait être perçu après coup.

 

3.2 Le recourant se plaint, en substance, d’une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents. Il considère que c’est à tort que l’autorité inférieure n’a pas retenu le rôle commercial de son domicile et qu’elle lui a imputé la propriété des protomés. Il estime que, ce faisant, l’autorité inférieure a procédé à une appréciation arbitraire des preuves et aurait violé plusieurs dispositions de la législation douanière et fiscale en considérant que le régime d’admission temporaire a été obtenu à tort et qu’il était débiteur de la dette douanière.

 

3.3 L’objet du litige porte ainsi sur la question de savoir si c’est à juste titre qu’intervient la perception subséquente, en vertu de l’art. 12 al. 1 de loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0), de l’impôt sur les importations, en raison de l’irrespect des conditions du régime d’admission temporaire tel que demandé dès septembre 2013 (cf. infra consid. 4), et si le recourant appartient au cercle des assujettis à l’impôt sur les importations (cf. infra consid. 5). Dans ce cadre, il convient de préciser que le recourant ne conteste pas les bases de calcul dudit impôt, la valeur reprise des deux protomés étant celle de 80'000 francs annoncée lors de la déclaration en douane d’admission temporaire.

 

4. 

Le recourant se plaint principalement d’une violation des art. 58 LD, 30 et 162 de l’ordonnance du 1er novembre 2006 sur les douanes (OD, RS 631.1), ainsi que des art. 23 et 53 LTVA.

 

4.1 Le recourant estime que la décision attaquée s’appuie sur une constatation inexacte des faits pertinents, à savoir que son domicile n’aurait aucun rôle commercial et que les protomés lui appartiendraient. Il considère que la déclaration en douane d’admission temporaire a bel et bien été complétée conformément à la réalité et que les protomés exposés à son domicile l’ont été dans le but de les vendre, dans le cadre des activités commerciales de la société S._______. Il fait valoir qu’il importerait peu que les protomés aient été exposés dans des galeries, à son domicile ou dans des foires et expositions, dans la mesure où, en aucun cas, le lieu d’utilisation ferait partie des composantes nécessitant, en cas de changement, une modification du régime d’admission temporaire. Il rappelle que la majorité des pièces mises en vente par la société S._______ est entreposée dans des locaux inaccessibles au public et plaide que l’utilisation de son domicile s’inscrit davantage dans un but commercial que l’entreposage dans un lieu inaccessible au public. Il considère que le but commercial – à savoir la vente des protomés – ne serait en rien altéré par son bénéfice personnel consistant à profiter des biens entreposés à son domicile – en tant que vitrine commerciale de la société S._______. Il estime que c’est à tort que l’autorité inférieure n’a pas tenu compte des nombreuses déclarations en ce sens et qu’elle n’a pas pris en considération les éléments à sa décharge, notamment l’existence du contrat en vue de la consignation-vente des protomés. Par conséquent, le recourant considère que les conditions du régime de l’admission temporaire seraient remplies et que c’est à bon droit que les protomés auraient été déclarés en douane en admission temporaire en septembre 2013.

 

4.2 Selon l’art. 7 LD et l’art. 1 de la loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD, RS 632.10), les marchandises introduites dans le territoire douanier sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées conformément aux dispositions des lois précitées (Grundsatz der allgemeinen Zollpflicht). Les tarifs douaniers sont précisés dans les annexes de la LTaD. Demeurent toutefois réservés les dérogations, ainsi que les allègements et les exemptions prévus par les traités internationaux ou par les dispositions spéciales de lois ou d’ordonnances (cf. art. 2 et 8 ss LD et art. 1 al. 2 LTaD ; arrêts du TAF A-957/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1 [arrêt confirmé par l’arrêt du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020] et A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.1 et les références citées).

 

4.3 De telles importations de biens sont en outre frappées d'une TVA perçue à l'importation (art. 50 ss de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée [LTVA, RS 641.20]; cf. arrêt du TF2C_1079/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2.3 s.; arrêts du TAF A-2599/2020 du 8 décembre 2021 consid.3.1, A-3763/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1.2 et A-1357/2016 précité consid. 5.2.1). La loi sur les douanes s’applique à l’impôt sur les importations pour autant que les dispositions de la LTVA n’y dérogent pas (art. 50 LTVA).

 

4.3.1 L'importation de biens, y compris les prestations de services et les droits y afférant, est ainsi soumise à l'impôt sur les importations (art. 52 al. 1 let. a LTVA). L'objet de l'impôt sur les importations est le même que l'objet de l'impôt en matière de droits de douane (cf. arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.2, A-957/2019 précité consid. 2.2 et A-7049/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.2). L'importation du bien, c'est-à-dire son transfert dans la zone douanière, est le fait générateur de la TVA à l'importation et est, en conséquence, l'élément déclencheur de l'imposition. Un acte à titre onéreux n'est pas requis (cf. arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.2 et A-825/2016 du 10 novembre 2016 consid. 4.2). Le taux normal de l'impôt sur les importations était de 8% jusqu'au 1er janvier 2018 (RO 2010 2055) ; depuis cette date, il est de 7,7 % (art. 55 al. 1 LTVA ; RO 2017 6305).

 

4.3.2 Le régime douanier est fondé sur le principe de l'auto-déclaration, en vertu duquel la personne assujettie à l'obligation de déclarer doit prendre les mesures nécessaires pour que les marchandises importées et exportées à travers la frontière soient correctement déclarées (art. 18 et 25 s. LD ; cf. arrêts du TAF A-3244/2018 du 10 septembre 2020 consid. 3.3.1 et A-5865/2017 précité consid. 3.2 ; PATRICK RAEDERSDORF, Handkommentar ZG, art. 34 LD n° 2). Aussi, l'assujetti doit-il examiner lui-même s'il remplit les conditions d'assujettissement et, en cas de doute, se renseigner auprès des autorités. S'il s'abstient de requérir les éclaircissements nécessaires, il ne peut par la suite invoquer ses connaissances lacunaires ou la violation du principe de la bonne foi pour s'opposer à la perception des droits de douane (cf. ATF 135 IV 217 consid. 2.1.3 ; arrêt du TF 2A.612/2003 du 21 juin 2004 consid. 2.3 ; arrêts du TAF A-4966/2018 du 20 octobre 2020 consid. 3.3.2 et A-3244/2018 précité consid. 3.3.1). La perception de l'impôt sur les importations est aussi soumise au principe de l'auto-déclaration (art. 50 LTVA ; cf. arrêts du TAF A-1234/2017 du 17 avril 2019 consid. 4.2 et A-7030/2016 du 17 janvier 2018 consid. 2.2.2). 

Les marchandises ne peuvent être placées sous un régime douanier – notamment le régime de l’admission temporaire (art. 47 al. 1 et al. 2 let. d LD) – sans avoir été déclarées pour ce régime (cf. arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.3 et A-2765/2020 du 18 novembre 2021 consid. 3.3.3). En ce sens, la déclaration donc a un effet constitutif(cf. REMO ARPAGAUS, Zollrecht, 2éd., 2007, n698 ; REGINALD DERKS, Zollgesetz, 2009, art. 47 LD n° 15).

 

4.3.3 Les marchandises qui ne sont introduites et utilisées dans un territoire douanier que de manière temporaire n'intègrent pas de manière définitive l'économie du territoire concerné, suisse en l'occurrence. Elles peuvent donc être traitées différemment des marchandises intégrant le marché territorial de manière illimitée (cf. arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.6.1, A-957/2019 précité consid. 2.7 et A-6590/2017 du 27 novembre 2018 consid. 3.6).

 

4.3.3.1 Le régime de l’admission temporaire constitue donc une exception au principe général selon lequel les marchandises importées sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées selon les règles applicables (cf. arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.6.2, A-957/2019 précité consid.2.7 et A-2326/2012 du 5 février 2013 consid. 3.1).

 

4.3.3.2 Les marchandises introduites sur le territoire douanier ou sorties de celui-ci pour admission temporaire doivent être déclarées pour ce régime (art. 58 al. 1 LD ; cf. arrêts du TF 2C_97/2020 du 18 mai 2020 consid. 2.2 et 2C_177/2018 du 22 août 2019 consid. 2.3 ; arrêt du TAF A-2860/2019 du 26 mars 2021 consid. 2.6.2). La déclaration en douane pour admission temporaire implique notamment la fixation des droits à l'importation ou, le cas échéant, des droits à l'exportation, assortis d'une obligation de paiement conditionnelle (cf. arrêts du TAF A-6590/2017 précité consid. 3.8.1 et A-825/2016 précité consid. 7). Sous réserve de l’art. 54 al. 1 let. d (contre-prestation due en cas d’une éventuelle utilisation des biens importés en admission temporaire), la franchise de l’impôt à l’importation est aussi prévue à l'art. 53 al. 1 let. i LTVA. Si le régime de l'admission temporaire n'est pas apuré, les droits à l'importation ou à l'exportation fixés deviennent exigibles, à moins que les marchandises aient été réacheminées vers le territoire douanier étranger ou réintroduites dans le territoire douanier suisse dans le délai fixé et qu'elles soient identifiées (cf. arrêt du TF 2C_97/2020 précité consid. 2.2 ; arrêt du TAF A-675/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3.2.2).

 

4.3.3.3 En se fondant notamment sur l’art. 9 al. 1 et 2 LD, le Conseil fédéral a arrêté l’ordonnance sur les douanes. Selon l’art. 30 al. 1 OD, les marchandises pour admission temporaire sur le territoire douanier sont admises en franchise si elles sont la propriété d’une personne ayant son siège ou son domicile en dehors du territoire douanier et si elles sont utilisées par une telle personne (let. a), si elles peuvent être identifiées avec certitude (let. b), si l’admission dure au maximum deux ans (let. c) et si elles sont réexportées en l’état, étant précisé que l’usage n’est pas réputé modification (let. d).

 

4.3.3.4 La procédure de l’admission temporaire est décrite aux art. 162 à 164 OD. Depuis le 1er janvier 2016 (RO 2015 4917), la personne assujettie à l’obligation de déclarer doit indiquer lors de la déclaration en douane l’emploi de la marchandise et son utilisation(art. 162 al. 1 OD ; cf. arrêt du TAF A-957/2019 précité consid. 2.9.4). En cas de modification de l'emploi de la marchandise ou de l'utilisateur, ou en cas de transfert de propriété de la marchandise, la personne assujettie à l'obligation de déclarer doit présenter une nouvelle déclaration en douane. Elle doit le cas échéant attirer l'attention des autres personnes assujetties à l'obligation de déclarer sur les obligations qui leur incombent à ce titre (art. 162 al. 2 OD). Si aucune nouvelle déclaration en douane visée à l'al. 2 n'est présentée, la dette douanière prend naissance au moment où la nouvelle déclaration en douane aurait dû être présentée (art. 162 al. 4 OD ; cf. arrêt du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.8.8).

 

4.3.3.5 En cas de non-déclaration en vue de la mise en libre pratique après la disparition d'une condition matérielle du régime de l'admission temporaire, la naissance de la créance douanière – uniquement suspendue par ledit régime (cf. MICHAEL BEUSCH, Der Untergang der Steuerforderung, 2012, p. 338 s.) – doit être fixée au moment du franchissement de la frontière (cf. arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.8.9, A-6590/2017 précité consid. 3.8.7, A-5078/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 et A-2326/2012 précité consid. 6.3.3 ; sur la question relative à l'incertitude de l'usage lors du franchissement de la frontière, cf. arrêt du TAF A-675/2015 précité consid. 3.6.3).

 

4.3.4 Afin d’assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des ordonnances administratives parfois aussi appelées directives, circulaires, instructions (cf. ATF 121 II 473 consid. 2b).

 

4.3.4.1 Leur fonction principale est de garantir la prévisibilité administrative et de faciliter le contrôle juridictionnel à travers l'unification et la rationalisation de la pratique (cf. ATAF 2009/15 consid. 5.1). Elles n’acquièrent cependant pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration (cf. ATF 114 V 315 consid. 5c ; arrêt du TF 8C_81/2020 du 3 août 2020 consid. 3.4). Il n’en reste pas moins que les uns et les autres en tiennent largement compte. Dans la mesure où ces ordonnances assurent une interprétation correcte et équitable des règles de droit, adaptée au cas d’espèce, le juge pourra les prendre en considération (cf. ATF 132 V 121 consid. 4.4 ; arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.9.5, A-5368/2018 du 23 juillet 2019 consid. 1.8 et A-5446/2016 précité consid. 3.1.4). En revanche, il s’assurera qu’elles ne sortent pas du cadre fixé par la norme supérieure ni ne restreignent ou n’étendent son champ d'application. En d'autres termes, à défaut de lacune, il vérifiera qu’elles ne prévoient pas autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (cf. ATF 133 II 305 consid. 8.1, 123 II 16 consid. 7 et 121 II 473 consid. 2b).

 

4.3.4.2 En l’occurrence, l’OFDF a établi un règlement R-10-60 intitulé « Admission temporaire ». Dernièrement mis à jour le 1er janvier 2022 en raison du changement de nom de l’AFD (disponible sur < www.bazg.admin.ch > Documentation > Règlements > R-10 Procédure douanière > R-10-60 Admission temporaire, consulté le 30 novembre 2022). Il présente toutefois un contenu matériel identique aux règlements précédents. Sa section 3 précise notamment que l’emploi au sens de l’art. 162 al. 1 OD constitue un facteur déterminant pour savoir si le régime de l’admission temporaire peut être appliqué et quelles exigences formelles doivent être remplies. Parmi les emplois envisagés par le règlement figure celui de la vente incertaine (section 3.3). Selon cette section, il y a vente incertaine lorsqu’une marchandise est introduite dans ou acheminée hors du territoire douanier en vue d'un éventuel contrat de vente qui n'a cependant encore été ni prévu ni conclu. Cet emploi n'est pas admis si le contrat de vente a déjà été prévu, voire conclu.

 

Le régime de l’admission temporaire pour vente incertaine vise donc notamment à permettre au commerce intermédiaire suisse de présenter des marchandises étrangères à des clients potentiels. En cas d’importation temporaire, ce régime n’est admis que si les marchandises sont la propriété d’une personne ayant son siège ou son domicile à l’étranger, à l’exception notamment du cas où les marchandises sont entreposées dans des entrepôts douaniers et des dépôts francs sous douane suisses qui doivent temporairement en être sorties en vue de leur présentation à des clients potentiels. Un acheteur potentiel peut examiner les marchandises et les soumettre à un essai restreint (par ex. course accompagnée effectuée à des fins de test ou accrochage d'un tableau en compagnie d'un tiers). Il est cependant interdit de remettre les marchandises pour une longue durée et de transférer le pouvoir d'en disposer à un acheteur potentiel (section 3.3.1 du règlement R-10-60). Dans un tel cas de figure, il en résulterait l'obligation de présenter une nouvelle déclaration en douane conformément à l'art. 162 OD (cf. supra consid. 4.2.5.4).

 

4.4 En l’espèce, il s’agit donc de déterminer, à la lumière de l’ensemble des principes qui précèdent, si c’est à juste titre que l’autorité inférieure a retenu que les conditions du régime d’admission temporaire pour vente incertaine revendiqué et obtenu par la société S._______ n’étaient pas remplies.

 

4.4.1 En l’occurrence, il ressort des pièces du dossier que les deux protomés sont arrivés de Grande-Bretagne en Suisse pour être entreposés [à l’entrepôt P._______] le 19 septembre 2013, puis ont été transférés au domicile privé du recourant le jour même de l’établissement de la première déclaration en douane d’admission temporaire le 27 septembre 2013, voire même le 26 septembre 2013, à en croire la pièce n(...) du recourant (mentionnant « [A._______] – Moved on 26-09-2013 »). Les protomés sont restés au domicile du recourant jusqu’à la date de leur séquestre douanier, soit le 28 février 2017 (cf. pièce n[...]), et ce après deux renouvellements en 2015 et 2016 du régime d’admission temporaire pour vente incertaine (cf. not. pièces nos [...]). Cet état de fait ne souffre d’aucune contestation de la part du recourant et n’a jamais été remis en cause tout au long de la procédure.

Demeurent en revanche litigieux le fait de savoir à quel point la société S._______ a entrepris des démarches commerciales en vue de vendre les protomés et celui de savoir si l’appartement privé du recourant était effectivement utilisé par cette dernière pour leur exposition commerciale ou si les protomés auraient, en réalité, été importés, puis exposés, pour son usage privé. 

 

4.4.2 Il sied de s’intéresser, en premier lieu, à la question de savoir si le domicile privé du recourant a été effectivement utilisé par la société S._______ pour l’exposition commerciale de certains objets d’art.

 

4.4.2.1 Dans ce contexte, on peut relever que les protomés ont été laissés au domicile privé du recourant pendant une période de temps qui ne saurait être négligeable, du 26 ou 27 septembre 2013 au 28 février 2017, soit 3 ans et 5 mois. Cette période s’est du reste terminée en raison du séquestre douanier des deux protomés et il ne ressort pas du dossier que ceux-ci auraient été vendus ou pu être vendus dans un avenir proche, à défaut du séquestre. Tout laisse ainsi à penser que ces deux objets d’art ont servi à l’ornement continu du domicile privé du recourant qui pouvait librement en jouir dans sa sphère privée. Ce sentiment est d’ailleurs renforcé par les photographies versées au dossier qui laissent entrevoir que l’un des deux protomés était exposé dans un cadre familier, entouré d’une photo de famille et d’un bricolage d’enfant (cf. pièce n[...]). La durée d’exposition des protomés au domicile privé du recourant ainsi que leur configuration d’exposition tendent à retenir que ces derniers n’ont pas été transportés au domicile de ce dernier dans le but de les présenter à la vente, mais plutôt pour servir à son usage privé. Il a en effet indéniablement été habilité à les exposer librement pendant une période de temps significative. Ceci étant, bien que les éléments décrits ci-dessus constituent un indice de ce que les protomés ont été importés à l’intention du recourant à titre personnel, ils ne suffisent pas à eux seuls pour conclure que la société n’aurait entrepris aucune démarche commerciale pour tenter de les vendre. Il convient donc de s’intéresser plus en détail aux différents arguments et pièces versées au dossier par le recourant.

 

4.4.2.2 Afin de démontrer l’utilisation commerciale de son domicile privé par la société S._______ dans le cadre de la vente d’objets d’art, le recourant produit le procès-verbal d’une audition de B._______, le directeur de la société S._______, ayant eu lieu le 29 novembre 2018 dans le cadre de la procédure diligentée contre le recourant (cf. pièce n[...]). Lors de cette audition, le directeur de la société S._______ a notamment affirmé ce qui suit : 

A ma connaissance et dans le cadre de l’activité commerciale de [la société S._______], il est arrivé que des objets confiés à [la société S._______] soient exposés au domicile [du recourant] où il recevait un certain nombre de clients. Ainsi, le domicile [du recourant] avait une fonction de show-room. 

Pour répondre à la question de [l’avocat du recourant], un certain nombre d’objets ont été vendus, suite à des présentations au domicile [du recourant]. 

 

Dans le monde de l’art, il n’est pas exceptionnel que des Galeristes procèdent de la sorte, qu’ils mettent en situation à leur domicile des objets qu’ils commercialisent afin de les vendre. Ce processus est réalisé sur rendez-vous ou sur événements. Je relève que l’entrée de la Galerie à la rue [adresse de la galerie S.______] n’est pas accessible à tout un chacun, étant donné que l’entrée est verrouillée et dispose d’une sonnette pour des raisons de sécurité. [...]. 

Vous me demandez comment était réalisée la facturation lors de ventes au domicile [du recourant], je vous réponds : que les ventes se passaient comme celles réalisées à la Galerie [de la société S._______] et la facturation également. [...]. 

Je peux également mentionner qu’il est arrivé également à la Galerie ou à [la société S._______] de vendre des objets sans que le client final ne voie l’objet de visu (par internet, par échange électronique). Egalement, pour ce genre de vente, la facturation a été faite de manière traditionnelle comme mentionné. 

A contrario, si les objets n’avaient pas été présentés au domicile [du recourant], les ventes qui en ont découlé ne se seraient certainement jamais réalisées (question n[...]). 

Afin d’appuyer ces allégations, le recourant produit également une attestation de C._______, collectionneur d’art et client de la société S._______ (cf. pièce n[...]), affirmant que : 

Les pièces antiques reproduites en annexe (Pièce A) m’ont été présentées à la vente par [la société S._______], représentée par [le recourant], au domicile de ce dernier, sis [adresse du recourant] ; 

C’est dans ce même contexte et lieu que j’ai notamment fait l’acquisition des objets antiques également listés en annexe (Pièce B). D’ailleurs, je puis confirmer que toutes les œuvres que j’ai acquises auprès de [la société S._______] à M._______, l’ont été à partir du domicile [du recourant], occasionnellement [à l’entrepôt P.______], mais jamais suite à leur présentation à la galerie [de la société S._______]. 

De surcroît et l’appui de ces deux affirmations, le recourant verse au dossier une liste de 23 objets qui auraient été vendus par la société S._______ et stockés à son domicile (cf. ch. 17 du mémoire de recours). Dans son bordereau, il fait cependant état de 24 extraits du logiciel de gestion d’entreprise et du patrimoine familial « Z._______ » (ci-après : extrait Z._______), utilisé par la société S._______, (cf. pièces nos [...] ; ég. sur ce logiciel, cf. pièce n[...]). Toutefois, les pièces n[...] et [...] concernent le même objet (nd’inventaire [...], seule la pièce n[...] sera donc ultérieurement mentionnée), ce qui porte bien à 23 le nombre d’objets concernés par les allégations du recourant. 

 

4.4.2.3 Il convient tout d’abord de s’intéresser plus particulièrement aux extraits Z._______ produits par le recourant et qui correspondraient, selon ses dires, à la liste des pièces vendues par la société S._______ depuis son domicile privé. 

Il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’un historique de l’emplacement où les objets sont stockés (« Previous locations » [emplacements précédents]) figure sur tous les extraits Z._______. Le recourant a d’ailleurs confirmé, lors de son 4ème interrogatoire dans le cadre de la procédure ouverte à son encontre, que ces extraits mentionnaient « [l’]endroit où se trouve un objet en temps réel » (cf. pièce n[...]). Son avocat a également confirmé, au cours de l’audition du directeur de la société S._______ du 29 novembre 2018, que « les fiches devraient comporter le lieu de localisation de l’objet » (cf. pièce n[...]) et le directeur de la société S._______ a également déclaré, lors de sa 3ème audition du 7 novembre 2018, qu’il s’agissait du lieu où « se trouve / trouvait l’objet » (cf. pièce n[...]).

Sur les deux premiers extraits Z._______ produits par le recourant (nd’inventaire [...] et [...] ; cf. pièces nos [...]), il est, effectivement, fait mention de l’emplacement « A._______ », à savoir le prénom du recourant, sous la rubrique « Previous locations [emplacements précédents]». Selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, il peut être compris de là que ces objets ont été effectivement stockés au domicile privé du recourant. L’extrait Z._______ concernant les deux protomés litigieux (cf. pièce n[...]), dont l’emplacement au domicile privé du recourant n’est pas contesté, porte d’ailleurs – et en toute logique – la même mention (cf. ég. supra consid. 4.4.1). A cet effet, les déclarations du recourant lors de son 13ème interrogatoire du 1er mars 2018 – qui a expliqué ne pas connaître de lien entre les noms qui sont repris sous « l’emplacement des objets » et des noms de personnes ou de sociétés – sont peu convaincantes (cf. pièce n[...]), ce dernier s’étant justifié uniquement en répondant « Je ne sais pas. Je m’appelle [A._______] mais beaucoup de clients possèdent un prénom [A._______] ».

 

Les deux extraits (cf. pièce nos [...]) portent ensuite la mention ultérieure « Dispatched [expédié/envoyé] », tout comme d’ailleurs tous les extraits concernant des biens vendus. Il y a donc lieu de retenir que les objets en question (nd’inventaire [...] et [...]) ont quitté le domicile privé du recourant pour être directement expédiés ou envoyés à leur acquéreur. Le recourant a d’ailleurs précisé lors de son 13ème interrogatoire que ce terme « signifie qu’on perd la main sur un objet. Physiquement l’objet n’est plus en possession de [la société S._______] (cf. pièce n[...]). 

Des mentions identiques (« A._______ » et « Dispatched ») figurent expressément sur trois autres extraits (nos d’inventaire [...] ; cf. pièces nos [...]). De plus, la pièce n[...] concernant l’extrait Z._______ du bien n[...], mentionnée dans le bordereau, apparaît manquante dans le dossier de l’autorité de céans. Dans la mesure où le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer l’origine de cette absence, il y a lieu de considérer, compte tenu du temps écoulé depuis le dépôt du recours et du principe de célérité de la procédure, que ce bien provenait également du domicile privé du recourant, ce qui porte à 6 le nombre d’objets d’art pour lesquels il est clairement attesté qu’ils ont été stockés au domicile privé du recourant avant d’être vendus par la société S._______. 

Ceci étant, on se doit de relever que, pour les 17 autres extraits Z._______ produits par le recourant qui concerneraient des pièces stockées à son domicile privé et vendues par la société S._______, il n’est fait aucunement mention de ce que ces pièces étaient ou ont été stockées avant leur acquisition à son domicile privé (i.e. pas de mention « A._______ »). 

En effet, s’agissant des objets n(...) (cf. pièce n[...]) et n(...) (cf. pièce n[...]), il ressort des extraits Z._______ produits qu’ils étaient stockés auprès de la société S._______, soit à la galerie à la Rue [adresse de la galerie S.______] à M._______ (mention « [abréviation de la société S.______] » qui signifie la société S._______ [cf. pièce n{...}, ainsi que pièce n{...}]). L’objet n(...) (cf. pièce n[...]) était, quant à lui stocké dans un lieu désigné par la mention « D._______ » (le nom d’un fournisseur à N._______ [en Belgique], représentant une galerie ; entreposé auprès d’un transitaire ; cf. pièce n[...]) et ceux portant les nos [...] (pièces nos [...]) l’étaient [à l’entrepôt P._______] (mention « P.______ » ; cf. pièces nos [...] ; explications sur la mention P._______, cf. pièce n[...] et pièce n[...]). Enfin, aucun lieu de stockage n’était mentionné pour trois objets d’art, préalablement à leur expédition ou leur envoi (nos [...] ; cf. pièces nos [...]). 

Force est donc bien de constater qu’il existe des incohérences entre les allégations du recourant et les pièces produites par ce dernier à leur appui. Le recourant ne fournit aucune explication sur ces incohérences et la manière dont il y aurait lieu de les comprendre. Ainsi, l’on pourrait d’abord émettre l’hypothèse que les extraits Z._______ ne mentionneraient que le dernier lieu de stockage des objets d’art et que ceux-ci étaient retournés en entrepôt ou auprès de la société S._______ après avoir été stockés au domicile privé du recourant. Cela étant, on constate, par exemple, que l’objet n(...) (pièce n[...]) a été déplacé (mention « moved on » sur les extraits Z._______) auprès de la société S._______ le 24 août 2011, mais expédié à son acquéreur uniquement le 16 février 2016, soit près de cinq ans plus tard. Ce schéma se reproduit pour la majorité des autres objets d’art (p.ex. n[...]/no[...]/n[...]/no[...]/n[...]/n[...]/no[...]). Le Tribunal note ainsi que, pour ces objets, un temps non négligeable s’est écoulé entre le moment où ceux-ci ont été dernièrement stockés [à l’entrepôt P.______], auprès de la société S._______ ou dans un autre lieu à l’exclusion du domicile privé du recourant, et la date de leur expédition.

Un tel constat ne permet pas de retenir que ce serait grâce à un séjour préalable – et non mentionné sur l’extrait Z._______ – au domicile privé du recourant que ces objets ont trouvé un acquéreur. On peine en tout état de cause à accorder un certain crédit aux allégations du recourant à la lumière des pièces produites, en particulier lorsque celui-ci déclarait lors de son 4ème interrogatoire que le logiciel Z._______ doit indiquer « en temps réel » le lieu de situation des objets d’art (cf. pièce n[...]).

 

4.4.2.4 A cet effet, l’attestation établie en date du 23 avril 2020 par C._______ (cf. pièce n[...]) ne lui est pas d’un plus grand secours. Il sied de rappeler, à cet égard, que la valeur des témoignages, est quasi nulle en droit fiscal, ce d’autant plus lorsqu’ils sont condensés dans une attestation établie après coup (cf. supra consid. 2.7), dans le cadre de la procédure de recours et à la demande du recourant dans le but d’appuyer ses allégations, comme c’est le cas de l’attestation susmentionnée.

Ceci étant, on s’intéressera plus particulièrement aux objets mentionnés dans l’annexe B de cette attestation, qui listerait les objets vendus à son auteur et qui auraient été exposés au domicile privé du recourant. A titre liminaire, on précisera que l’ensemble des objets mentionnés dans cette annexe ont déjà été discutés ci-dessus par le Tribunal de céans (cf. supra consid. 4.3.2.3) et le recourant a produit, dans le cadre de la présente procédure, les extraits Z._______ correspondants. Le Tribunal constate que l’annexe B mentionne 19 objets acquis par C._______ et relève, à la lecture des extraits Z._______ produits par le recourant, que ceux-ci ne mentionnent pas, pour 14 de ces objets, un lieu de situation au domicile privé du recourant (i.e. absence de mention « A._______ » contrairement à l’extrait Z._______ des deux protomés qui en fait mention [cf. pièce n{...}]). Il s’agit des pièces nos (...) (mention « S._______ »), des pièces n(...) (mention « P._______ »), de la pièce n(...) (mention « D._______ ») et des pièces nos (...) (aucune mention ; sur la signification de ces mentions, cf. supra consid. 4.4.2.3). 

Ainsi, il ressort des documents produits par le recourant que, sur les 6 objets d’art pour lesquels il y a lieu d’admettre qu’ils ont effectivement été stockés à son domicile préalablement à leur acquisition (cf. supra consid. 4.4.2.3 et pièces nos [...]), 5 d’entre eux – soit la quasi-totalité – ont été acquis par C._______ (cf. pièces nos [...]) et que la majorité des objets que ce dernier a acquis – soit 13 sur 19 – étaient stockés ou censé l’être – d’après leurs extraits Z._______ – à la galerie de la rue [adresse de la galerie S.______] appartenant à la société S._______, [dans l’entrepôt P._______] ou dans un lieu autre que le domicile privé du recourant. 

Il suit de là que l’attestation établie le 23 avril 2020 par C._______ et produite par le recourant à l’appui de son recours ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle il n’est pas possible de retenir que ce serait grâce à un séjour au domicile privé du recourant que la majorité des objets d’art mentionnés par ce dernier à titre d’exemple ont trouvé un acquéreur. Là encore, on peine à accorder un certain crédit aux allégations du recourant.

 

4.4.2.5 Quant aux déclarations du directeur de la société S._______ lors de son audition du 29 novembre 2018 (cf. pièce n[...]), elles confirment tout au plus ce qui précède, à savoir qu’il arrive parfois que certains objets soient mis en situation au domicile des galeristes.

 

4.4.2.6 Sur le vu de ce qui précède, force est bien d’admettre que le domicile privé du recourant peut avoir servi, à quelques occasions, pour l’exposition d’objets d’art destinés à la vente par la société S._______ (cf. supra consid. 4.4.2.3). Au regard toutefois des pièces versées au dossier, ces occasions ont été considérablement moins nombreuses que ce que le recourant laisse entendre et concernaient, pour une très large majorité d’entre elles, un seul client (cf. supra consid. 4.4.2.3 et 4.4.2.4). 

Une telle constellation ne permet pas de conclure que le domicile privé du recourant constitue un local commercial régulier de la société S._______. En tout état de cause, le fait qu’il ait pu servir à de rares occasions à l’exposition d’objets destinés à la vente ne suffit pas pour conclure que la société S._______ procéderait activement à des démarches commerciales en vue de vendre les objets entreposés au domicile privé du recourant ni que l’ensemble des antiquités s’y trouvant sont à vendre. 

 

4.4.3 Il convient donc d’examiner, dans un deuxième temps, si d’autres éléments au dossier démontreraient l’existence de démarches commerciales entreprises par la société S._______ en vue de la commercialisation des objets d’art entreposés au domicile privé du recourant et, plus spécifiquement, des protomés litigieux. 

A cet effet, le recourant se réfère d’abord à l’annexe A de l’attestation établie en date du 23 avril 2020 par C._______ (cf. pièce n[...]), qui comprendrait des antiquités qui lui auraient été présentées à la vente par la société S._______ au domicile privé du recourant. A titre liminaire, il peut être renvoyé aux considérants qui précèdent sur la valeur probante à attribuer à une telle attestation (cf. supra consid. 4.4.2.4 en lien avec 2.7). Ceci étant, le Tribunal relève que le recourant n’a pas produit les extraits Z._______ des objets antiques concernés et que l’annexe A ne mentionne aucunement les protomés en cause. 

Quoi qu’il en soit, le fait que la société S._______ ait pu présenter à C._______ ou à d’autres clients des antiquités au domicile privé du recourant ne signifie pas pour autant que les protomés aient été proposés à la vente. Le recourant allègue, pourtant, dans son mémoire de recours, que les protomés ont systématiquement été présentés aux clients venus apprécier l’opportunité d’acheter les pièces d’exception entreposées au domicile privé du recourant (cf. ch. 38 du mémoire de recours). Il n’en est, en revanche, pas fait mention par C._______, qui constitue pourtant, à n’en pas douter, un de ces clients. 

Le recourant se fonde encore sur le procès-verbal de l’audition du directeur de la société S._______ (cf. pièce n[...]). Il convient toutefois de relever que celui-ci mentionne tout au plus que « certains objets ont également été réceptionnés au domicile [du recourant] » et que « il est arrivé que des objets confiés à [la société S._______] soient exposés au domicile [du recourant]» (cf. question[...]), sans préciser si cette affirmation concernait également les protomés ou si la société S._______ entreprenait des démarches commerciales en vue de les vendre. En tout état de cause, il y a lieu de craindre que les réponses données par le directeur de la société S._______ le 29 novembre 2018 aient été dirigées par la défense des intérêts du recourant suite à la notification de la décision de perception subséquente le 14 novembre 2018. Ces réponses ayant au demeurant été données à la suite d’une question du mandataire du recourant. 

Quant aux factures relatives à l’acquisition de certains objets produites par le recourant (cf. pièces nos [...]), on peine à saisir en quoi elles attesteraient de ce que les protomés en cause auraient été présentés à la vente. Elles concernent d’ailleurs, pour certaines d’entre elles, des objets dont il n’a pas été établi qu’ils étaient stockés ou exposés au domicile privé du recourant (sur ce point, cf. supra consid. 4.4.2.3). 

En réalité, le recourant ne produit aucune pièce démontrant que les protomés auraient été, à une quelconque occasion, présentés à son domicile à un potentiel acheteur. Il ne démontre pas non plus que la société S._______ aurait effectué de quelconques autres démarches en vue de les vendre. Au contraire, il ressort des écritures du recourant que celui-ci ne conteste pas le fait que les protomés n’ont jamais fait l’objet d’une publication dans un catalogue de la société S._______, qu’ils n’ont jamais été mis en vente sur le site internet de vente en ligne d’antiquités que cette société exploite, qu’ils n’ont jamais été présentés lors d’expositions, de foires ou de ventes aux enchères et qu’ils n’ont jamais été exposés et montrés dans la galerie de ladite société située à la rue [adresse de la galerie S.______] à M._______, ni auprès de sa succursale, ni d’ailleurs dans une autre galerie, salle d’exposition ou [dans l’entrepôt P._______]. 

Partant, il y a lieu de considérer qu’en laissant les protomés durant plus de trois ans au domicile privé du recourant sans entreprendre une quelconque démarche commerciale, la société S._______ n’a pas utilisé l’appartement du recourant dans l’intention de les vendre. Même dans l’hypothèse où les protomés dont s’est entouré le recourant à son domicile devaient finir par être vendus à des tiers et remplacés par d’autres objets, il n’en demeure pas moins, en l’espèce, que le recourant aura largement pu en profiter pour satisfaire ses propres besoins. Au vu de la documentation photographique (cf. pièce n[...]) de la perquisition du domicile privé du recourant, le Tribunal convient avec l’autorité inférieure que les protomés ne sont manifestement pas exposés de façon à créer une convivialité propice à la vente ; ils le sont dans un cadre beaucoup trop familier, cadre qui renvoie même un sentiment envahissant de promiscuité. On saisit mal comment de potentiels clients, intéressés par des objets d’exception susceptibles de trouver leur place dans un musée ou dans une exposition, peuvent se sentir à l’aise en entrant ainsi dans l’intimité de l’appartement du recourant pour y voir des objets posés pêle-mêle à côté de photos de famille ou de bricolages d’enfants. Il ressort de la même documentation photographique l’absence complète de mise en avant des protomés, ceux-ci figurant en second plan derrière un bricolage d’enfant davantage valorisé. 

Une telle présentation, couplée aux divergences et inexactitudes constatées entre les allégations du recourant et les pièces versées par ce dernier, plaide largement en faveur de ce que les protomés étaient, en réalité, destinés à l’usage privé du recourant et exposés à son domicile pour lui permettre d’en profiter agréablement.

 

4.4.4 Reste à déterminer, dans un troisième et dernier temps, si des éléments au dossier tendent à confirmer ou, au contraire, à infirmer que les protomés faisant l’objet de la décision attaquée ont été importés dans le but de servir l’usage privé du recourant.

 

4.4.4.1 Dans ce contexte, le recourant estime que la décision retiendrait à tort que les protomés en cause lui appartiendraient, alors qu’ils seraient la propriété des époux E._______, domiciliés aux Etats-Unis, comme le démontrerait le contrat de consignation-vente (Exclusive Dealer Agreement ; cf. pièce n[...]) passé entre ceux-ci et la société S._______ le 1er juin 2006. Le recourant en conclut que les documents douaniers auraient été remplis conformément à la réalité des faits, à savoir que les protomés appartenaient à des tiers domiciliés hors de Suisse et représentés par la société U._______ (expéditeur), qu’ils étaient destinés à la société S._______ et que celle-ci en était le consignataire aux fins de vendre lesdits objets, de sorte que l’on ne saurait retenir qu’ils ont été importés en Suisse pour satisfaire son usage privé.

 

4.4.4.2 Ceci étant, il y a lieu de relever que, par ce contrat, les époux E._______ ont chargé la société S._______ de vendre certaines de leurs œuvres d’art. Il ressort de l’annexe C (« Exhibit C ») dudit contrat que le prix de vente ainsi que le bénéfice ou la perte estimés par la société S._______ pour la vente desdits protomés s’élevaient tous les deux à 0 dollar (« [...] A Pair of Protomes », « Estimate Sale Prices by [...] & [A._______] 5-26-06 (Visit) $0 » « Estimated $ Profit or Loss 5-26-06 »). Il ressort ainsi dudit contrat que les époux E._______ n’attendaient pas que la société S._______ génère un bénéfice de la vente desdits protomés. Au surplus, ce contrat devait se terminer automatiquement le 28 février 2009 (art. 1 de l’Exclusive Dealer Agreement ; cf. pièce n[...]), ne prévoyait pas de mécanisme de renouvellement automatique, mais précisait que si, à la date de fin du contrat, la société S._______ n’avait pas généré au moins [...] dollars de ventes, elle devait acheter aux époux E._______ au moins pour [...] dollars d’objets anciens (art. 13.3.7). Enfin, toute modification du contrat devait intervenir par écrit (art. 14.13). Aucune pièce attestant que le contrat aurait été prolongé n’a été produite. A moins que les protomés en question n’aient été acquis par le recourant, rien dans ce contrat ne justifie donc que ce dernier ait pu rester en possession des protomés jusqu’à la date de leur séquestre en février 2017. Le recourant ne fournit aucune explication convaincante. Contrairement à ce qu’il soutient, le contrat produit renforce davantage l’idée que les protomés n’étaient, en réalité, pas des objets destinés à la vente – dès lors que leur valeur estimée était de 0 dollar et que les gains attendus des époux E._______ étaient nuls –, mais que la société S._______ et le recourant étaient libres d’en disposer à des fins privées, pour autant que les objectifs de vente globaux fixés par les époux E._______ dans le contrat fussent respectés.

 

4.4.5 Sur le vu de l’ensemble de ce qui précède, on ne saurait reprocher à l’autorité inférieure de ne pas avoir vu de raison pour le recourant d’utiliser son appartement privé et d’avoir retenu que la société S._______ n’avait entrepris aucune forme de démarche commerciale en vue de vendre les deux protomés, qu’ils n’étaient pas destinés à être montrés à de potentiels acheteurs, mais que le recourant les avait réservés à son cadre domestique pendant plus de trois ans pour son propre plaisir. Dans son recours, le recourant ne fait ainsi qu’opposer sa propre vision des faits à celle de l’autorité inférieure. Toutefois, à la lecture des nombreuses pièces au dossier, force est bien d’admettre que la décision attaquée ne prête pas le flanc à la critique et l’on ne saurait conclure que l’autorité inférieure a procédé à une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ou qu’elle a conduit une instruction uniquement à charge du recourant. Sur ce dernier point, il sied de relever que le recourant, de même que le directeur de la société S._______, ont été interrogés respectivement auditionnés de très nombreuses heures par les autorités douanières et qu’ils ont eu, dans ce contexte, largement la possibilité de présenter leurs arguments et leur version des choses. L’autorité inférieure a tenu compte des pièces produites par le recourant, les a interprétées, en a dégagé l’état de fait pertinent et répondu à l’ensemble des points soulevés par le recourant. On ne saurait partant lui reprocher d’avoir procédé à une appréciation anticipée des preuves en renonçant à entendre d’autres employés de la société S._______ ou en poursuivant davantage l’instruction.

 

4.5 Il suit de là que le régime d’admission temporaire pour vente incertaine a été revendiqué et obtenu indûment par la société S._______ pour les deux protomés (n[...]) dès le mois de septembre 2013. Le recourant ne remet, sur ce point, pas en cause la conformité du règlement R-10-60 de l’OFDF au droit supérieur. Il ne formule aucun grief subsidiaire au cas où le Tribunal parviendrait, comme en l’espèce, à la conclusion que les protomés ont bel et bien été importés pour son usage privé. En effet, il se plaint uniquement d’une violation du droit en partant de la prémisse erronée que la société S._______ aurait entrepris des démarches en vue de vendre les protomés et que ceux-ci n’auraient pas été importés pour son usage privé. 

A cet effet, il importe peu que ce statut ait été prolongé à plusieurs reprises, y compris après leur séquestre. De même, il n’est pas nécessaire d’analyser plus avant les arguments du recourant relatifs à la propriété des protomés, faute d’être pertinents pour l’issue de la cause. En effet, bien que le régime d’admission temporaire pour vente incertaine – sous réserve de certaines exceptions non remplies en l’espèce – ne soit admis que si les marchandises sont la propriété d’une personne ayant son siège ou son domicile à l’étranger, le respect de cette condition ne justifie pas à lui seul l’application dudit régime. Il est, en effet, davantage pertinent pour l’obtention de ce régime que les marchandises en question soient effectivement et activement mises à la vente. Or, comme considéré, la société S._______ n’a entrepris aucune démarche commerciale en vue de vendre les protomés. Dans ces circonstances, quand bien même il conviendrait d’admettre que les époux E._______ en seraient les propriétaires, cet élément ne suffirait pas à lui seul à confirmer en l’espèce la validité du régime d’admission temporaire.

 

5. 

Cela étant, il reste pour le Tribunal de céans à examiner si l’autorité inférieure était légitimée à percevoir, de manière subséquente, les droits de douane et la TVA à l’importation sur la base de l’art. 12 DPA auprès du recourant.

 

5.1 Le recourant allègue qu’il ne serait pas débiteur de la dette douanière au sens de l’art. 70 al. 2 LD dès lors qu’il ne serait ni l’importateur, ni le propriétaire, ni le transporteur, ni le consignataire des protomés et qu’il ne serait pas libre d’en disposer à sa guise. Selon lui, en ne notifiant pas la décision querellée à la société S._______, l’autorité inférieure aurait choisi le recourant parmi les différentes personnes et entités débitrices de l’impôt sur les importations, dans la mesure où il ne serait pas assujetti à la TVA et ne pourrait ainsi pas déduire, à titre de charge préalable, l’impôt sur les importations et bénéficier d’une autorisation de report de TVA.

 

5.2 A l’aune de l’art. 118 al. 1 let. a LD, une contravention douanière est commise par celui qui, intentionnellement ou par négligence, soustrait tout ou partie des droits de douane en ne déclarant pas les marchandises, en les dissimulant, en les déclarant inexactement ou de toute autre manière. La loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0) est applicable aux infractions douanières par renvoi de l’art. 128 al. 1 LD.

 

5.3 A teneur de l’art. 96 al. 4 let. a LTVA, se rend coupable d’une contravention quiconque, intentionnellement ou par négligence, réduit la créance fiscale au détriment de l’Etat, notamment en ne déclarant pas des marchandises lors de leur importation ou en les déclarant de manière inexacte.

 

5.4 Selon l'art. 12 al. 1 let. a DPA, lorsqu'à la suite d'une infraction à la législation administrative fédérale, c'est à tort qu'une contribution n'est pas perçue, la contribution et les intérêts seront perçus après coup ou restitués, quand bien même aucune personne déterminée n'est punissable (cf. ATF 143 IV 228 consid. 4.3).

 

5.4.1 Est assujetti à la prestation ou à la restitution celui qui a obtenu la jouissance de l'avantage illicite, en particulier celui qui est tenu au paiement de la contribution (art. 12 al. 2 DPA).

 

5.4.1.1 Dès lors, quiconque tombant dans le champ d'application de l'art. 70 LD, tant pour les droits de douane que pour l'impôt sur les importations (cf. infra consid. 5.4.2), peut être considéré comme le débiteur de la contribution soustraite. En effet, cette personne est ipso facto considérée comme favorisée si elle a obtenu un avantage illicite (cf. arrêts du TF 2C_414/2013 du 2 février 2014 consid. 3 et 2A_82/2005 du 23 août 2005 consid. 3.1 ; arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.6.3, A-6884/2018 du 8 avril 2020 consid. 2.5 et A-5865/2017 précité consid. 4.1). 

Le seul fait d'être économiquement avantagé par le non-versement de la redevance en cause constituant un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA, il n'est pas nécessaire qu'une faute ait été commise, ni a fortiori qu'une action pénale soit intentée(cf. ATF 129 II 385 consid. 3.4.3, 114 Ib 94 consid. 5b et 107 Ib 198 consid. 6c ; arrêts du TF 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 7.4 ; arrêts du TAF A-6884/2018 précité consid. 2.5 et A-5865/2017 précité consid. 4.1 ; JEAN GAUTHIER, Les infractions fiscales soumises à la loi fédérale sur le droit pénal administratif, Revue de droit administratif et de droit fiscal [RDAF], 1999 II 56, p. 59). Il suffit que l'avantage illicite procuré par l'absence de perception de la contribution (à ce propos, cf. arrêt du TF 2A.458/2004 du 3 décembre 2004 consid. 3.1) trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédéralePeu importe, partant, que la personne assujettie n'ait rien su de l'infraction, ni qu'elle n'ait tiré aucun avantage personnel de celle-ci (cf. ATF 129 II 160 consid. 3.2 et 115 Ib 358 consid. 3a ; arrêts du TF 2C_420/2013 du 4 juillet 2014 consid. 3.2 et 2C_415/2013 du 2 février 2014 consid. 4.4 ; arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.6.2, A-5865/2017 précité consid. 4.1, A-1234/2017 précité consid. 5.2 et A-1107/2018 précité consid. 2.6.3).

 

5.4.1.2 La créance de perception subséquente en vertu de l'art. 12 DPA est ainsi fondée sur la créance initiale à laquelle la Confédération a droit en vertu de la législation fiscale ou douanière. Ceci étant, cette créance subséquente n'est ainsi pas tant une nouvelle créance qu'un complément à la créance initiale (cf. arrêt du TF 2C_723/2013 du 1er décembre 2014 consid. 2.6). L'art. 12 DPA constitue donc bien la base légale indépendante sur laquelle est fondée une procédure de rappel d'impôt en défaveur du contribuable (cf. arrêt du TF 2C_366/2007 du 3 avril 2008 consid. 5 ; arrêts du TAF A-5865/2017 précité consid. 4.2 et A-1357/2016 précité consid. 7.3). 

Partant, quand bien même l'art. 12 DPA est contenu dans une loi pénale, il trouve également application en droit douanier, ainsi que pour les problématiques relatives à la TVA à l'importation (art. 128 al. 1 LD et 103 al. 1 LTVA ; cf. arrêts du TAF A-5865/2017 précité consid. 4.2 et A-1107/2018 précité consid. 2.6.1). Cette disposition est une norme fiscale (normale) ([normale] Abgabenorm), dont l'application doit être établie dans une procédure administrative, et non dans une procédure pénale administrative (cf. arrêts du TF 2C_201/2013 précité consid. 7.4 et 2A.603/2003 du 10 mai 2004 consid. 2.4 s. ; arrêts du TAF A-5865/2017 précité consid. 4.2 et A-6021/2007 du 23 décembre 2009 consid. 3.1 s. et 3.5). Il existe donc une différence claire entre, d'une part, la procédure administrative tendant à la détermination de la prestation ou de la restitution due, conformément à l'art. 12 al. 1 et 2 DPA, et, d'autre part, la procédure pénale (cf. arrêts du TF 2C_492/2017 du 20 octobre 2017 consid. 7.1 s., 2C_263/2014 du 21 janvier 2015 consid. 4.2.1 et 2C_201/2013 précité consid. 7.4 ; arrêt du TAF A-5865/2017 précité consid. 4.2).

 

5.4.2 Conformément à l’art. 70 al. 2 LD, est débiteur de la dette douanière notamment la personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière, la personne assujettie à l'obligation de déclarer ou son mandataire et la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées ou exportées. 

 

5.4.2.1 Doit être considérée comme personne qui fait conduire la marchandise par-delà la frontière, ou mandant au sens du droit douanier, non seulement la personne qui conclut un contrat de transport transfrontière, mais également toute personne physique ou morale qui provoque effectivement l’importation (cf. ATF 107 Ib 198 consid. 6b et 89 I 542 consid. 4 ; arrêt du TF 2C_132/2009 du 7 janvier 2010 consid. 4.2). Cette teneur extensive du terme « mandant » s’explique par le fait que le cercle des assujettis a été voulu large par le législateur afin d’assurer la bonne perception de l’impôt (cf. ATF 110 Ib 306 consid. 2.b, 107 Ib 198 consid. 6a/b ; arrêt du TF 2C_132/2009 précité consid. 4.2 ; sur le caractère large de cette notion, cf. ég. LYSANDRE PAPADOPOULOS, Notion de débiteur de la dette douanière : fer de lance de l'Administration des douanes, in : Revue douanière 1/2018 p. 30 ss) ; la notion de mandant doit donc être prise dans un sens plus large que celui du droit civil (cf. ATF 89 I 542 consid. 4). L’existence d’un contrat pas plus que celle d’un rapport de droit valable au sens du droit civil ne sont prérequis (cf. ATF 89 I 542 consid. 4 ; arrêt du TF 2A.608/2004 du 8 février 2005 consid. 4.1). 

Les débiteurs répondent solidairement de la dette douanière, le recours entre eux étant régi par les dispositions du droit privé (art. 70 al. 3 LD). L'autorité douanière peut, en conséquence, réclamer le montant de la dette douanière auprès de n'importe quel débiteur (cf. ATF 107 Ib 205 consid. 2a ; arrêt du TF 2C_276/2008 du 28 juin 2008 consid. 2.3 ; arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.4.1, A-169/2020 du 31 août 2021 consid. 2.1.2 et A-1234/2017 précité consid. 6.4.1).

 

5.4.2.2 La dette douanière est exigible dès sa naissance (art. 72 al. 1 LD), ce qui ne vaut pas sans exception toutefois. Il en va ainsi du régime de l'admission temporaire, dans lequel l'obligation de paiement est conditionnelle (art. 58 al. 2 let. a LD ; arrêt du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.5.1 ; MICHAEL BEUSCH, Handkommentar ZG, art. 72 LD n° 3). Quoi qu'il en soit, la dette douanière naît notamment au moment où le bureau de douane accepte la déclaration en douane (art. 69 let. a LD), ou, si la déclaration en douane a été omise, au moment où les marchandises franchissent la frontière douanière ou sont utilisées ou remises pour d'autres emplois (p. ex. art. 14 al. 4 LD [Marchandises bénéficiant d'allégements douaniers selon leur emploi]), ou sont écoulées hors de la période libre (p. ex. art. 15 LD [Produits agricoles]) ou, si aucune de ces dates ne peut être établie, au moment où l'omission est découverte (art. 69 let. c LD). Aussi, l'exigibilité de la dette douanière selon l'art. 72 al. 1 LD ne dépend pas de la fixation de la dette dans une décision de taxation (cf. arrêts du TAF A-2599/2020 précité consid. 3.5.1 et A-957/2019 précité consid. 2.5.1 ; BEUSCH, op. cit., art. 72 LD n° 2 ; REGINE SCHLUCKEBIER, in : Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, 2015, art. 57 LTVA n5). Pour ce qui est de la naissance de la créance douanière dans la situation ou le régime d’admission temporaire n’a pas été correctement apuré, il est renvoyé aux considérants 4.2.5.2 et 4.2.5.5 ci-dessus. La dette fiscale de l'impôt sur les importations prend naissance en même temps que la dette douanière (art. 69 LD et 56 al. 1 LTVA).

Si la dette douanière n'est pas payée dans le délai fixé, un intérêt moratoire est dû à compter de son exigibilité (art. 74 al. 1 LD, 186 OD et 1 al. 1 let. b et al. 2 de l'ordonnance du DFF du 11 décembre 2009 sur les taux de l'intérêt moratoire et de l'intérêt rémunératoire en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 [RO 2009 6835] ; à partir du 1er janvier 2022, art. 1 al. 1 let. a et art. 4 de l'ordonnance du DFF du 25 juin 2021 sur les taux de l'intérêt moratoire et de l'intérêt rémunératoire en matière de droits, de redevance et d’impôts [RS 631.014]), et non dès le dernier jour du délai de paiement (cf. BEUSCH, op. cit., art. 72 LD n4). La possibilité de fixer des délais de paiement résulte des art. 74 al. 1 LD et 73 al. 2 LD. 

Un intérêt moratoire est aussi dû si l'impôt sur les importations n'est pas versé dans les délais (art. 57 al. 1 LTVA). L'obligation de payer l'intérêt moratoire débute à la naissance de la dette fiscale visée à l'art. 56 LTVA, dans les autres cas que ceux visés à l'art. 57 al. 2 let. a à c LTVA (art. 57 al. 2 let. d LTVA ; art. 1 al. 1 let. a de l'ordonnance du DFF sur les taux de l'intérêt moratoire et de l'intérêt rémunératoire jusqu’au 31 décembre 2021 et, à partir du 1er janvier 2022, art. 1 al. 1 let. c de l'ordonnance du DFF sur les taux de l'intérêt moratoire et de l'intérêt rémunératoire en matière de droits, de redevance et d’impôts ; cf. arrêts du TAF A-957/2019 précité consid. 2.5.2 et A-6590/2017 précité consid. 3.5.2.1). Le taux annuel de l'intérêt moratoire se monte à 4 % à partir du 1er janvier 2012 (art. 1 al. 2 let. a de l'ordonnance du DFF sur les taux de l'intérêt moratoire et de l'intérêt rémunératoire). L'assujettissement à l'intérêt moratoire existe aussi durant une procédure de recours et en cas de paiement par acomptes (art. 186 al. 2 OD ; art. 57 al. 3 LTVA).

 

5.5 Au vu des griefs allégués par le recourant, il convient donc d’analyser si l’autorité inférieure était légitimée à percevoir, de manière subséquente, la TVA à l’importation sur la base des art. 70 LD et art. 12 DPA. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà confirmé que les protomés importés par la société S._______ sous le régime d’admission temporaire pour vente incertaine avaient, en réalité, été destinés à l’usage privé du recourant (cf. supra consid. 4.3.5). Dans ces circonstances, il n’est pas contestable que le recourant doit être inclus dans la notion – qu’il y a lieu d’interpréter largement (cf. supra consid. 5.4.2.1) – de mandant, soit de personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées. Il tombe, par conséquent, dans le champ d’application direct de l’art. 70 al. 2 LD, quoi qu’en dise ce dernier, et répond ainsi directement des redevances d’importation en vertu de l’art. 51 LTVA en lien avec l’art. 70 LD. En déclarant inexactement les protomés qui ont bénéficié à tort du régime d’admission temporaire pour vente incertaine, le recourant a retiré un avantage fiscal au sens de l’art. 12 al. 2 DPA en s’évitant le paiement d’emblée des redevances en jeu.

Compte tenu de ces éléments, il ne peut être reproché à l’autorité inférieure d’avoir exigé la restitution de la TVA à l’importation auprès du recourant. De plus, le fait que les débiteurs répondent solidairement de la dette douanière ne signifie pas encore que l’autorité a l’obligation d’agir contre l’ensemble d’entre eux. Dans ces circonstances, le recourant ne saurait se plaindre de ce que l’autorité inférieure n’a pas réclamé le montant de la dette douanière auprès d’un éventuel autre débiteur. A cet effet, les griefs du recourant reposent davantage sur le constat erroné qu’il ne serait pas libre de disposer à sa guise des protomés. Or, il a déjà été constaté que ceux-ci avaient été importés en vue de servir à l’usage privé du recourant (cf. supra consid. 4.4.5). Il importe, là-aussi, peu de savoir si le recourant était ou non leur propriétaire (cf. supra consid. 4.5) ou de savoir qui en était l’importateur, le transporteur ou le consignataire.

 

6. 

Sur le vu de l’ensemble de ce qui précède, il apparaît que les conditions pour le régime d’admission temporaire pour vente incertaine revendiqué et obtenu dès le 27 septembre 2013 n’étaient pas remplies et que le recourant entre clairement dans le cercle des débiteurs de la dette douanière.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’autorité inférieure a rendu une décision de perception subséquente à l’encontre du recourant pour un montant de 6'400 francs de TVA sur les importations. Cette dette douanière était exigible dès le 27 septembre 2013, de sorte qu’un intérêt moratoire de 1'309.15 francs est dû depuis cette date sur la somme précitée. Le recourant, qui ne remet aucunement en cause les calculs d’assiette de l’impôt effectués par l’autorité inférieure, est ainsi débiteur des montants précités du fait de son assujettissement à la dette douanière. 

Partant, le recours est mal fondé et doit partant être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

 

7. 

Vu l'issue de la cause, les frais de procédure, comprenant l'émolument judiciaire et les débours, doivent être fixés à 1’500 francs et mis à la charge du recourant qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Ils sont prélevés sur l’avance de frais du même montant versée par le recourant le 15 juillet 2020.

 

8. 

Compte tenu de l’issue de la procédure, le recourant n’a pas droit à des dépens (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario). 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable 

2. 

Les frais de procédure de 1'500 francs sont mis à la charge du recourant. Ils sont prélevés sur l’avance de frais du même montant déjà versée. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé au recourant et à l’autorité inférieure. 

 

 

Indication des voies de droit : 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, puis Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne à compter du 1er janvier 2023, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

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