Monday, May 24, 2021

Trademark (CH) - Opposition Against Trademark Registration (Swiss Law)

 

Droit des marques (CH)

 

Opposition contre un enregistrement

 

Usage sérieux de la marque

 

Utilisation d’un signe sur les réseaux sociaux

 

Quid lorsque l'usage se limite à de la prospection du marché

 

Utilisation pour l’exportation

 

Convention du 13 avril 1892 entre la Suisse et l'Allemagne

 

 

 

Tribunal administratif fédéral
Cour II

B-6813/2019
A
rrêt du 25 mai 2021

 

Procédure d'opposition n° 100610, IR 739'865 APTIS / CH 725'229 APTIV

https://www.bvger.ch/bvger/fr/home/jurisprudence/entscheiddatenbank-bvger.html



Parties

ALSTOM Transport Technologies,
représentée par P&TS Marques SA,
recourante,


contre


Aptiv Technologies Limited,
représentée par A. W. Metz & Co. AG,
intimée,


Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle IPI,
autorité inférieure.

Objet Procédure d'opposition no 100610,
IR 739'865 APTIS / CH 725'229 APTIV.

 



Faits :
A.a
Publié dans le registre suisse des marques le 14 décembre 2018, la marque suisse no 725'229 "APTIV" (ci-après : la marque attaquée), dont le
titulaire est la société barbadienne Aptiv Technologies Limited (ci-après : la défenderesse ou l'intimée), revendique différents produits et services en classes 7, 9, 12, 35, 38, 40 et 42.

 


A.b

Le 14 mars 2019, la société française ALSTOM Transport Technologies (ci-après : l'opposante ou la recourante) a formé une opposition partielle contre cet enregistrement auprès de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle IPI (ci-après : l'autorité inférieure). L'opposition no 100610 se fonde sur l'enregistrement international no 739'865 "APTIS" (ci-après : la marque opposante), déposé le 21 juillet 2000, publié dans la Gazette OMPI des marques internationales no 18/2000 du 12 octobre 2000, et enregistrée (avec revendication pour la Suisse) notamment pour des véhicules de transport en commun ferroviaires ou sur pneus, urbains ou périurbains, partiellement ou entièrement automatiques, en classes 9, 12 et 39.

 


A.c

Après un double échange d'écritures, l'autorité inférieure a, en date du 19 novembre 2019, rejeté l'opposition no 100610, motif pris que l'opposante n'avait pas rendu vraisemblable un usage sérieux de la marque. Elle conserve la taxe d'opposition d'un montant de 800 francs. Elle met enfin à la charge de l'opposante le paiement à la défenderesse de 2'400 francs à titre de dépens.

 


B.
Par acte du 20 décembre 2019, l'opposante a déposé un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal
ou le TAF). Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'admission du recours et à l'annulation de la décision attaquée, à l'admission de l'opposition et à la révocation de la marque attaquée pour les produits et service contestés, subsidiairement au renvoi de la cause devant l'autorité inférieure pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

 


C.
C.a

Par réponse du 28 février 2020, l'intimée a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours.

 

 

C.b

Par réponse du 22 avril 2020, l'autorité inférieure a développé son argumentation et conclu au rejet du recours, avec suite de frais.



D.
Par réplique du 29 mai 2020, la recourante a réitéré ses conclusions précédentes et complété ses arguments.



E.
E.a

Par courrier du 1er juillet 2020, l'autorité inférieure a renoncé à présenter une duplique et a néanmoins réitéré ses conclusions.



E.b

Par duplique du 22 juillet 2020, l'intimée a réitéré ses conclusions précédentes.



Les arguments avancés de part et d'autre au cours de la procédure seront repris plus loin dans la mesure nécessaire.



Droit :

1.
1.1

Le Tribunal examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATAF 2007/6 consid. 1).



1.2

Le Tribunal est compétent pour statuer sur le présent recours (art. 31, 32 et 33 let. e de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32] ; art. 5 al. 2 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA, RS 172.021]).



1.3

La qualité pour recourir doit être reconnue à la recourante (art. 48 al. 1 PA).



1.4

Les dispositions relatives à la représentation (art. 11 PA), au délai de recours (art. 22a al. 1 let. c et 50 al. 1 PA), au contenu et à la forme du mémoire de recours (art. 52 al. 1 PA) et à l'avance de frais (art. 63 al. 4 PA) sont par ailleurs respectées.



1.5

Le présent recours est ainsi recevable.

 

 

2.
Les parties se divisent sur la question de l'usage sérieux de la marque opposante, l'autorité inférieure n'ayant pas examiné le risque de confusion.

Il s'ensuit que l'examen du Tribunal se limitera à la question de l'usage sérieux. Si le Tribunal devait confirmer l'absence d'usage sérieux de la marque opposante, il rejettera le recours et confirmera la décision attaquée. S'il devait en revanche admettre cet usage, il renverra la cause devant l'autorité inférieure pour qu'elle examine le risque de confusion.

 


3.
3.1
3.1.1

Le droit à la marque prend naissance par l'enregistrement (art. 5 de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance [loi sur la protection des marques, LPM, RS 232.11]) et confère au titulaire le droit exclusif d'en faire usage pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer (art. 13 al. 1 LPM).

 


3.1.2

La protection est accordée pour autant toutefois que la marque soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés (art. 11 al. 1 LPM). Si, à compter de l'échéance du délai d'opposition ou, en cas d'opposition, de la fin de la procédure d'opposition, le titulaire n'a pas utilisé la marque en relation avec les produits ou les services enregistrés, pendant une période ininterrompue de cinq ans, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif (art. 12 al. 1 LPM).



3.1.3

Si le défendeur invoque le non-usage de la marque antérieure en vertu de l'art. 12 al. 1 LPM dans sa première réponse à l'opposition, l'opposant doit rendre vraisemblable l'usage de sa marque ou l'existence de justes motifs pour son non-usage (art. 32 LPM et art. 22 al. 3 de l'ordonnance du 23 décembre 1992 sur la protection des marques [OPM, RS 232.111]). La vraisemblance doit se rapporter à une période de cinq ans à compter rétroactivement à partir de la date à laquelle le défendeur fait valoir le défaut d'usage de la marque opposante (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 2.1.3 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-7439/2006 du 6 juillet 2007 consid. 4
"KINDER/kinder Party [fig.]").

 

 

3.2
3.2.1

La marque doit être utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés (art. 11 al. 1 LPM ; consid. 3.2.5) dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ou dans une forme n'en divergeant pas essentiellement (art. 11 al. 2 LPM ; consid. 3.2.6). L'usage doit être sérieux (consid. 3.2.7) et se rapporter, en principe, au territoire suisse
(consid. 3.2.8 et 3.2.9). L'usage de la marque auquel le titulaire consent est assimilé à l'usage par le titulaire (art. 11 al. 3 LPM ; consid. 3.2.4).



3.2.2

L'opposant ne doit pas démontrer l'usage de sa marque, mais doit uniquement le rendre vraisemblable (art. 32 LPM). Le juge doit non seulement considérer l'usage comme possible, mais également comme probable, en se basant sur une appréciation objective des preuves. Il ne doit pas être persuadé que la marque est utilisée ; il suffit que la véracité des faits allégués soit plus élevée que leur inexactitude (arrêts du TAF
B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 3.1.2 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL", B-5732/2009 du 31 mars 2010 consid. 5 [et les références citées] "[fig.]/AVIATOR [fig.]" et B-7500/2006 du 19 décembre
2007 consid. 4 "Diva Cravatte [fig.]/DD DIVO DIVA [fig.]").



3.2.3

Les moyens de preuve admissibles pour rendre vraisemblable l'usage d'une marque peuvent consister en des pièces justificatives (factures, bulletins de livraison, etc.) et des documents (étiquettes, échantillons, emballages, catalogues, prospectus, etc.). Les preuves d'usage doivent se rapporter à la période de référence et doivent, par
conséquent, être datées. Les preuves non datées sont toutefois admissibles lorsqu'elles peuvent être mises en relation avec d'autres preuves datées (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 3.1.2 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-2910/2012 du 20 janvier 2014 consid. 5.3 "ARTELIER/ARTELIER" et B-7449/2006 du 20 août 2007 consid. 4 "EXIT [fig.]/EXIT ONE" ; BERNARD VOLKEN, in :
Basler Kommentar zum Markenschutzgesetz, 3e éd. 2017, art. 11 LPM no 8).



3.2.4

Il n'est pas exigé du titulaire de la marque opposante qu'il utilise sa marque lui-même. L'usage de la marque auquel le titulaire consent est en effet assimilé à l'usage par le titulaire (art. 11 al. 3 LPM). Le titulaire peut ainsi – expressément ou tacitement (ERIC MEIER, in : Commentaire romand Propriété intellectuelle, 2013 [ci-après : MEIER, CR], art. 11 LPM no 64) – autoriser des tiers à faire usage de sa marque. Est en particulier valable l'usage de la marque par des filiales ou d'autres entreprises étroitement liées au titulaire (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 4.1 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL", B-461/2013 du 21 janvier 2015 consid. 5.3.2.1 "SPORTS [fig.]/zoo sport [fig.]", B-3294/2013 du 1er avril 2014 consid. 3.10 "Koala [fig.]/Koala's March [fig.]" et B-6378/2011 du 15 août 2013 consid. 3.8 "FUCIDERM/FUSIDERM"). Peu importe que l'autorisation soit délivrée gratuitement ou à titre onéreux (MEIER, CR, art. 11 LPM no 64).

 

 

3.2.5

La marque doit être utilisée dans sa fonction distinctive des produits ou des services pour lesquels elle est protégée (CHRISTOPH WILLI, Markenschutzgesetz, Kommentar zum schweizerischen Markenrecht unter Berücksichtigung des europäischen und internationalen Markenrechts, 2002, art. 11 LPM no 14). Il n'est par conséquent pas nécessaire qu'elle soit apposée sur le produit ou sur son emballage (arrêt du TF 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.1 ; arrêt du TAF B-7449/2006 du 20 août 2007 consid. 5 "EXIT [fig.]/EXIT ONE" ; également : ERIC MEIER, L'obligation d'usage en droit des marques, 2005 [ci-après : MEIER, thèse], p. 27). La marque peut donc également exercer sa fonction distinctive si elle figure sur des prospectus, des listes de prix ou des factures (arrêts du TAF B- 6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 "sensationail [fig.]/ SENSATIONAIL" et B-2678/2012 du 7 mars 2013 consid. 3.1 "OMIX/ONYX PHARMACEUTICALS" ; MEIER, CR, art. 11 LPM no 10).
Il est vrai que, si la marque est utilisée exclusivement à titre de raison de
commerce (enseigne), autrement dit comme renvoi à une entreprise et non aux marchandises que celle-ci commercialise ou fabrique, on ne saurait retenir un usage à titre de marque (arrêt du TAF B-2683/2007 du 30 mai 2008 consid. 5.2 "Solvay/Solvexx" ; MEIER, CR, art. 11 LPM no 12).



3.2.6

En principe, la marque doit être utilisée dans la forme inscrite au registre (ATF 139 III 424 consid. 2.4 ; arrêt du TF 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.1 ; message du Conseil fédéral du 21 novembre 1990 concernant une loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance, FF 1991 I 1, p. 24 ; PHILIPPE GILLIÉRON, L'usage à titre de marque en droit suisse, sic! 2005 [Sonderheft], p. 101 ss, p. 109).
Le caractère dynamique du marché et son évolution exigent toutefois qu'une marque soit adaptée par son titulaire (MEIER, thèse, p. 60-61). C'est
la raison pour laquelle l'art. 11 al. 2 LPM précise que l'usage d'une forme de la marque ne doit pas diverger essentiellement de la marque enregistrée (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 5.2 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-461/2013 du 21 janvier 2015
consid. 5.3.1.2 "SPORTS [fig.]/zoo sport [fig.]").

 


Pour préserver l'impression d'ensemble, il est décisif que le noyau distinctif
de la marque, qui en détermine cette impression, ne soit pas soustrait et que, malgré l'usage divergent, le caractère distinctif du signe soit maintenu (art. 11 al. 2 LPM ; ATF 130 III 267 consid. 2.4 "Tripp Trapp [fig.]" ; arrêts du TAF B-6251/2013 du 9 septembre 2014 consid. 2.4 "P&C [fig.]/PD&C", B-648/2008 du 27 janvier 2009 consid. 6 "[Hirsch] [fig.]/[Hirsch] [fig.]" et B-576/2009 et B-917/2009 du 25 juin 2009 consid. 8 s. "[fig.]/Targin [fig.]" [plus restrictif]).



3.2.7
3.2.7.1

L'usage d'une marque doit être sérieux, c'est-à-dire que son titulaire doit avoir l'intention de l'utiliser dans un but commercial réel, indépendamment que cette activité soit rentable ou non. La marque doit être utilisée dans les transactions commerciales. Le titulaire de la marque doit manifester sa volonté de satisfaire à toute demande dans la mesure où elle ne dépasse pas les attentes les plus optimistes. Il doit en outre prospecter le marché et pouvoir y démontrer une activité minimale durant une période prolongée (arrêts du TAF B-576/2009 et B-917/2009 du 25 juin 2009 consid. 6.2 "[fig.]/Targin [fig.]" et B 5342/2007 du 29 février 2008 consid. 5.2 et 7.11 "WHALE/wally [fig.]" ; sic! 2006 37 consid. 6 "Syscor" ; CHERPILLOD, op. cit., p. 191 ; MEIER, thèse, p. 50 ; GILLIÉRON, sic! 2005 [Sonderheft], p. 101 ss, p. 107). La prospection doit être si intensive qu'elle apparaît apte à gagner ou maintenir des parts de marché (MARBACH, loc. cit., no 1344) ; cela nécessite une présence accrue dans un environnement concurrentiel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_299/2017 du 2 octobre 2017 consid. 5.3 "Abanca [fig.]/Abanka [fig.]". Il n'est pas nécessaire que le titulaire de la marque fabrique de nouveaux produits. La seule activité de vente suffit (GILLIÉRON, sic! 2005 [Sonderheft], p. 101 ss, p. 107). L'usage à des fins privées ou à l'intérieur de l'entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Il en va de même lorsque la marque est utilisée dans le commerce exclusivement entre deux ou plusieurs sociétés étroitement liées sur le plan économique. L'usage est toutefois retenu lorsque les produits concernés sont mis en concurrence avec ceux d'un tiers (arrêts du TF 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.1 et 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4 ; arrêt du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 5.3 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-763/2007 du 5 novembre 2007 consid. 7 "K.Swiss [fig.]/K Swiss [fig.]" ; MEIER, thèse, p. 31 ; VOLKEN, art. 11 LPM no 61 s. ; MARBACH, op. cit., no 1324 s. ; WANG, art. 11 LPM no 46).

 

 

3.2.7.2

Pour déterminer objectivement le sérieux de l'usage, il faut se fonder sur l'ensemble des circonstances du cas particulier, soit les produits ou les services concernés, le type d'entreprise en cause, le chiffre d'affaires usuel, ainsi que l'étendue géographique, la nature et la durée de l'usage (arrêt du TF 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4 ; arrêt du TAF B-6528/2017 du 2 décembre 2019 consid. 4.1 "Fundació Gala-Salvador Dalí [fig.]/Salvador Dali [fig.]", B-5530/2013 du 6 août 2014 consid. 2.3 "MILLESIMA/MILLEZIMUS" et B-3294/2013 du 1er avril 2014 consid. 3.4 "Koala [fig.]/Koala's March [fig.]" ; MEIER, thèse, p. 50-52 ; MEIER, CR, art. 11 LPM nos 14 et 15). Les différents éléments objectifs doivent s'apprécier de manière globale. Il est ainsi admis que la courte durée de l'usage peut être compensée par un chiffre d'affaires particulièrement élevé. Alors qu'un usage occasionnel suffit lorsqu'il s'agit de produits rares et précieux, un usage régulier doit être exigé pour les produits de consommation courante (GILLIÉRON, sic! 2005 [Sonderheft], p. 101 ss, p. 107 [et les références citées] ; MEIER, thèse, p. 50 ; également : arrêt du TF 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4 ; arrêts du TAF B-6528/2017 du 2 décembre 2019 consid. 4.1 "Fundació Gala-Salvador Dalí [fig.]/Salvador Dali [fig.]", B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 5.3 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-5342/2007 du 29 février 2008 consid. 7.11 "WHALE/wally [fig.]").



3.2.7.3

Une prospection à une échelle relativement petite est suffisante, à condition qu'elle exprime une offre permanente et non simplement temporaire et, en outre, l'intention de répondre à toute demande déclenchée par celle-ci (arrêt du TAF B-5543/2012 du 12 juin 2013 consid. 7.9 "six (fig.)/SIXX" et B-246/2008 du 26 septembre 2008, consid. 2 "Red Bull/Dancing Bull" ; décisions de l'ancienne CREPI du 4 mars 2003 in : sic! 2004 p. 39 consid. 5 "Bosca/Luigi Bosca" et du 26 octobre 2001 in : sic! 2002 p. 53 consid. 3 "Express/Express clothing". Une prospection minimale nécessite des mesures telles qu'un point de vente permanent, un catalogue publié périodiquement ou la coopération avec un partenaire de distribution (arrêt du TAF B-6528/2017 du 2 décembre 2019 consid. 4.1 "Fundació Gala-Salvador Dalí [fig.]/Salvador Dali [fig.]"). Les actes purement préparatoires tels que les analyses de marché, les études de marché, le développement de concepts publicitaires, la production d'emballages et autres ne sont pas considérés comme une utilisation dans le cadre de transactions commerciales (VOLKEN, art. 11 LPM no 63 ; MEIER, CR, art. 11 LPM no 8 ; MARBACH, op. cit., no 1327). Les conditions dans lesquelles les ventes tests, l'envoi d'échantillons de marchandises et d'autres mesures similaires dans la période précédant le lancement sur le marché ont pour effet de préserver les droits sont contestées. Une partie de la doctrine refuse l'usage dans ces cas (WILLI, art. 11 LPM no 29). D'autres auteurs veulent seulement permettre que de tels procédés soient suffisants pour le maintien des droits s'ils sont suivis d'une vente ordinaire (DAVID, art. 11 LPM no 4 ; BÜRGI LOCATELLI, p. 37). Pour d'autres, les ventes-tests et les mesures similaires de lancement sur le marché, pour autant qu'elles satisfassent à l'exigence de sérieux, doivent en principe être considérées comme un usage de la marque qui préserve les droits
(MARKUS WANG, in : Markenschutzgesetz [MSchG], 2e éd. 2017, art. 11
LPM no 50 ; VOLKEN, art. 11 LPM no 64 ; MARBACH, op. cit., no 1328 ; MEIER, thèse, p. 53 s.).



3.2.8

En principe, seul l'usage en Suisse peut valider le droit à la marque. Il faut que l'utilisation soit liée de manière directe avec des produits effectivement livrés ou achetés en Suisse, ou avec des services effectivement fournis ou utilisés en Suisse, ou que la publicité ait été conçue spécialement pour la Suisse et qu'elle y ait été diffusée plus ou moins régulièrement de manière ciblée (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 5.4 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL", B-6856/2014 du 24 mars 2016 consid. 3.4 "sportsdirect.com [fig.]/sportdirect.com [fig.]" et B-7439/2006 du 6 juillet 2007 consid. 4.2.1 "KINDER/kinder Party [fig.]" ; MEIER, CR, art. 11 LPM no 54 ; MARKUS WANG, in : Noth/Bühler/Thouvenin [édit.], Markenschutzgesetz [MSchG], 2009 [ci-après : SHK], art. 11 no 51).



Il existe deux exceptions au principe de territorialité : l'utilisation pour l'exportation (p. ex. arrêt du TF 4A_515/2017 du 4 juillet 2018) et l'art. 5 de la convention du 13 avril 1892 entre la Suisse et l'Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques (RS 0.232.149.136 ; ci-après : la convention CH/D), qui assimile l'utilisation en Allemagne à l'utilisation en Suisse. Seuls les ressortissants allemands et suisses et les ressortissants de pays tiers résidant ou établis en Allemagne ou en Suisse peuvent se prévaloir des droits découlant du présent traité interétatique, en vertu duquel il suffit que les personnes morales aient un établissement industriel ou commercial réel et non seulement apparent dans l'un des Etats contractants. En revanche, les ressortissants de pays tiers qui n'ont pas de résidence ou de succursale en Suisse ou en Allemagne ne peuvent tirer aucun droit de la Convention pour eux-mêmes (ATF 124 III 277 consid. 2c "Nike" ; arrêts du TAF B-6505/2017 du 21 octobre 2019 consid. 5.1 "Puma [fig.]/MG PUMA" et B-5543/2012 consid. 5 "six [fig.]/SIXX et six [fig.]/sixx [fig.]"). La marque doit en outre être enregistrée dans les deux pays (arrêt du TAF B-917/2009 du 25 juin 2009 consid. 6 "[fig.]/Targin [fig.]").

 


Enfin, la notion d'usage est celle du droit suisse, que la marque ait été utilisée en Suisse ou en Allemagne. Le fait qu'un tribunal allemand ait admis qu'il y avait usage selon le droit allemand n'est p. ex. pas déterminant (ATF 100 II 230 consid. 1c ; arrêt du TF 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 2.1)
.

 

 

3.2.9
3.2.9.1

Dans l'ATF 146 III 225, le Tribunal fédéral a eu l'occasion pour la première fois de s'exprimer sur les conditions dans lesquelles l'utilisation d'un signe sur internet sur les réseaux sociaux implique un usage du signe distinctif suisse.



3.2.9.2

A cette occasion, le Tribunal fédéral précise que la simple accessibilité d'un site web ne suffit pas à établir un usage juridiquement pertinent d'une marque dans un pays donné. Il faut plutôt une relation qualifiée de l'usage du signe avec un territoire spécifique pour attribuer un usage virtuel à un pays de protection et être couvert par l'étendue d'un droit
de propriété territorialement limité (arrêt précité consid. 3.3.1). Ce lien doit
être affirmé si, compte tenu de toutes les circonstances et en mettant en balance les intérêts de l'utilisateur du signe et ceux du titulaire du droit de protection, on peut supposer que l'utilisation du signe a des effets économiques dans l'Etat concerné. Compte tenu des possibilités techniques de limiter territorialement l'accessibilité d'un site web, une norme généreuse doit être appliquée dans cette évaluation. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a évalué s'il existait un lien géographique avec la Suisse se traduisant par une incidence commerciale (wirtschaftliche Auswirkung ; commercial effect) sur le territoire national. Des circonstances supplémentaires seraient en effet nécessaires pour qu'un lien avec le territoire suisse puisse être supposé. Dans le cadre de l'appréciation globale, les critères définis en 2001 par l'OMPI dans sa Recommandation commune concernant la protection des marques sur Internet (ci-après : la Recommandation) devraient également être pris en compte (arrêt précité consid. 3.3.2 ; voir aussi : GROZ/LEINS-ZURMÜHLE, Der räumliche Bezug zur Schweiz bei Kennzeichengebrauch im Internet, sic! 2021 p. 16 ss ; MARCO HANDLE, Commentaire de l'ATF 146 III 225, PJA 2021 p. 109 ss ).

 

 

3.2.9.3

L'art. 3 de la Recommandation commune concernant la protection des marques, et autres droits de propriété industrielle relatifs à des signes, sur l'internet de 2001 se lit ainsi :

Article 3


Facteurs à prendre en considération pour apprécier les incidences commerciales dans un Etat membre
1) [Facteurs] Pour déterminer si l'utilisation d'un signe sur l'Internet a des
incidences commerciales dans un Etat membre, l'autorité compétente prend
en considération tous les éléments pertinents. Elle peut prendre en considération notamment, mais pas exclusivement,
a) les éléments indiquant que l'utilisateur du signe mène – ou a entrepris des
préparatifs sérieux en vue de mener – dans cet Etat membre des activités commerciales portant sur des produits ou des services qui sont identiques ou semblables à ceux pour lesquels le signe est utilisé sur l'Internet ;
b) le niveau et la nature de l'activité commerciale de l'utilisateur par rapport à
cet Etat, notamment la question de savoir i) si l'utilisateur assure effectivement un service à des consommateurs se trouvant dans cet Etat ou entretient des relations de caractère commercial avec des personnes se trouvant dans cet Etat ; ii) si l'utilisateur a indiqué, dans une déclaration associée à l'utilisation du signe sur l'Internet, qu'il n'a pas l'intention de fournir les produits ou les services en question à des consommateurs se trouvant dans cet Etat, et s'il s'est conformé à sa déclaration d'intention ; iii) si l'utilisateur propose des activités après-vente dans cet Etat, telles que garantie ou service ; iv) si l'utilisateur poursuit dans cet Etat d'autres activités commerciales qui sont liées à l'utilisation du signe sur l'Internet mais qui n'ont pas lieu sur l'Internet ;
c) le rapport entre une offre de produits ou de services sur l'Internet et cet Etat
membre, notamment la question de savoir i) si la fourniture des produits ou services proposés est licite dans cet Etat ; ii) si les prix sont indiqués dans la monnaie officielle de cet Etat ;
d) le rapport entre les modalités d'utilisation du signe sur l'Internet et cet Etat
membre, notamment la question de savoir i) si l'utilisation du signe est liée à des moyens de communication interactive qui sont accessibles aux internautes dans cet Etat ; ii) si le signe est utilisé avec l'indication d'une adresse, d'un numéro de téléphone ou d'un autre moyen permettant d'entrer en relation avec l'utilisateur dans cet Etat ; iii) si l'utilisation du signe est liée à un nom de domaine enregistré dans un domaine de premier niveau qui est le code de pays de cet Etat selon la norme ISO 3166 ; iv) si le texte associé au signe est rédigé dans une langue d'usage courant dans cet Etat ; v) si l'utilisation du signe est liée à un espace Internet qui a effectivement été consulté par des internautes se trouvant dans cet Etat ;
e) le rapport entre l'utilisation du signe sur l'Internet et un droit sur ce signe
dans l'Etat membre considéré, notamment la question de savoir i) si l'utilisation repose sur ce droit ; ii) si, lorsque le droit appartient à autrui, l'utilisation bénéficierait indûment du caractère distinctif ou de la notoriété du signe auquel est attaché ce droit, ou à y porter atteinte de façon injustifiable.

 

 

2) [Pertinence des facteurs]

Les facteurs énumérés ci-dessus, qui sont des indications visant à aider l'autorité compétente à déterminer si l'utilisation d'un signe a eu des incidences commerciales dans un Etat membre, ne sont pas des conditions prédéfinies permettant de parvenir à une conclusion. La conclusion dépendra des circonstances de l'espèce. Dans certains cas, tous ces facteurs pourront être pertinents, dans d'autres, certains d'entre eux pourront l'être. Dans d'autres encore, aucun des facteurs mentionnés ne sera pertinent et la décision pourra être fondée sur d'autres facteurs qui ne sont pas énumérés à l'alinéa 1) ci-dessus. Ces autres facteurs pourront être pertinents en soi ou en association avec un ou plusieurs des facteurs énumérés à l'alinéa 1) ci-dessus.

 


3.2.9.4

Selon les notes explicatives qui suivent la Recommandation, l'utilisation d'un signe sur l'Internet peut avoir des incidences commerciales dans un Etat membre sans qu'il y ait offre de produits ou de services sur l'Internet.

 


4.
4.1

Les positions des parties peuvent se résumer ainsi.

 


4.1.1

L'autorité inférieure retient que l'examen des preuves remises par la recourante ne permettrait pas de constater l'usage de la marque en Suisse.
Tel serait le cas des extraits de sites internet dès lors que rien ne permettrait de déterminer qu'ils ont été consultés par des
consommateurs suisses et que des achats auraient été effectués en Suisse. Il en irait de même des maquettes publicitaires et les plaquettes "APTIS", eu égard à l'ampleur et à la durée de leur utilisation. L'autorité inférieure relève encore qu'aucun "tweet" ne diffuse de photographie d'un bus "APTIS" en Suisse.
Seul
es des représentations de bus circulant en Allemagne seraient ainsi diffusées (décision attaquée no B.14).
Pour ce qui est de l'usage en Allemagne, l'autorité inférieure rappelle que
la Convention applicable (consid. 3.2.8) exige que la marque soit enregistrée aussi bien en Suisse qu'en Allemagne. Elle rappelle que la recourante n'est pas titulaire d'une marque allemande, mais d'une marque européenne. Elle laisse ouverte la question de savoir si la possession d'une marque européenne doit être assimilée à la titularité d'une marque allemande (no B.15).

 

 

En effet, l'autorité inférieure rappelle d'abord qu'un minimum d'activités commerciales est exigé de la part du titulaire qui prétend rendre vraisemblable son usage sérieux. Elle poursuit en relevant que la recourante ne fournit aucune information sur son chiffre d'affaires en Allemagne ou la quantité de produits (de bus) qui ont été commercialisés dans ce pays. L'autorité inférieure évoque la présentation d'un bus dans le cadre d'une foire (Innostrans 2018, à Berlin). S'appuyant sur la doctrine, elle estime qu'il ne s'agit pas d'une "vente test", mais simplement d'un test.
Cela serait insuffisant pour attester d'une activité commerciale. N'ayant pas
rendu vraisemblable l'intention de satisfaire la demande de marché, l'usage sérieux de la marque, notamment en Allemagne, n'aurait pas été rendu vraisemblable non plus (no B.17).
A l'occasion de sa réplique (no 7 s.), l'autorité inférieure estime que la
présence dans une foire dans le domaine des transports publics et des essais dans deux grandes villes allemandes (à savoir Berlin et Hambourg) ne sont pas suffisants. Il faudrait des preuves de soumissions à des appels d'offres ou la conclusion de (pré-) contrats.



4.1.2

La recourante estime, sur le fondement de la doctrine, que l'usage d'une marque sur un stand d'exposition, les ventes tests et les autres mesures pour lancement de produits doivent être retenus dans l'appréciation de l'usage (recours p. 3).
La recourante rappelle qu'elle est active dans un secteur économique particulier, celui des systèmes de transport. Elle reproche à l'autorité inférieure de ne pas avoir tenu compte de cette particularité dans l'appréciation du caractère sérieux de l'usage (p. 4).
La recourante rappelle les pièces, notamment les extraits de sites internet
et les "tweets", qu'elle a déposées en procédure. Selon elle, il ressortirait de ces pièces que la marques opposante "APTIS" a été apposée sur un autobus, présenté sur de nombreux sites internet et fait l'objet de nombreux message sur Twitter. Cet autobus aurait circulé en Allemagne en 2018 et présenté dans ce pays à l'occasion de salons (p. 6 s.)

 


4.1.3

L'intimée se range pour l'essentiel aux arguments de l'autorité inférieure.

 

 

4.2

Appelé à se prononcer, le Tribunal retient ce qui suit.



4.2.1

En l'espèce, la date de l'inscription de la marque opposante est le 12 octobre 2000. Le délai de carence de cinq ans prévu à l'art. 12 al. 1 LPM a pris fin depuis longtemps, comme le constate l'autorité inférieure (décision attaquée no B.4).
C'est dans la première réponse qu'elle a déposée le 25 avril 2019 devant
l'autorité inférieure, c'est-à-dire à temps (art. 22 al. 3 OPM), que la recourante a fait valoir le défaut d'usage de la marque opposante.
Il appartient dès lors à l'intimée de rendre vraisemblable l'usage de l
a marque opposante ou l'existence de justes motifs pour son non-usage entre le 26 avril 2014 et le 25 avril 2019 (arrêts du TAF B-6637/2014 du 10 octobre 2016 consid. 2.2.1 "sensationail [fig.]/SENSATIONAIL" et B-6986/2014 du 2 juin 2016 consid. 3.1 et 4.2 "ELUAGE/YALUAGE und Yaluage [fig.]").



4.2.2

En l'espèce, la recourante est une société, qui a son siège en France, mais qui a des filiales en Allemagne et en Suisse. C'est pourquoi, selon l'article 5 de la convention CH/D, l'utilisation des marques en Allemagne doit être assimilée à celle de la Suisse (consid. 3.2.8). Elle n'est cependant pas titulaire d'une marque en Allemagne. Elle est néanmoins titulaire d'une marque européenne no 001759075 "APTIS" (ci-après : la marque européenne), déposée le 18 juillet 2000 et enregistrée le 8 août 2001, publiée la première fois dans le Bulletin des marques de l'Union européenne no 2001/012 du 29 janvier 2001, et revendiquant notamment des produits en classes 9, 12 et 39.



L'autorité inférieure a laissé ouverte la question de savoir si la marque européenne dont la recourante est la titulaire suffisait pour se prévaloir pleinement de la Convention (décision attaquée no 15). Le Tribunal arrivant, comme l'autorité inférieure, à la conclusion que l'on ne saurait parler en l'espèce d'un usage sérieux de la marque en Allemagne (consid. 3.2.8), il peut également laisser cette question ouverte.



4.2.3

La recourante ne prétend aucunement faire un usage sérieux, au sens corporel, de la marque opposante "APTIS" sur le territoire suisse (recours no 6). Il faut donc examiner si l'usage, au sens corporel, sur le territoire allemand, peut être qualifié de sérieux selon le droit suisse (consid. 4.3) et si en l'espèce l'usage virtuel de cette marque (internet et
réseaux sociaux) peut être vu comme un usage sérieux, valant pour la Suisse, mais aussi pour l'Allemagne (consid. 4.4)
.

 

 

A titre liminaire, le Tribunal relève que les systèmes de transports (bus) ne sont pas des produits de consommation courante, qui s'adresseraient au grand public. Il s'agit de produits onéreux, sans qu'on puisse dire qu'ils relèvent de l'industrie du luxe. Leur rythme de consommation est de plusieurs années. Le public cible de ces produits sont généralement des décideurs publics, dirigeants administratifs ou responsables politiques. Les systèmes de transport sont généralement acquis par des collectivités publiques, selon le droit des marchés publics. Le Tribunal devra donc apprécier les différents critères posés par la jurisprudence (consid. 3), en tenant compte du marché particulier sur lequel est présente la marque opposante "APTIS" (consid. 3.2.7.2).



4.3

Utilisation corporelle en Allemagne



4.3.1

Dans des documents

La recourante produit des documents publicitaires et des brochures concernant la recourante ou les bus "APTIS" (pce 8 du dossier de l'autorité inférieure).
D'une manière générale, sans que cela ne fasse l'objet d'une contestation,
la marque opposante, qui est une marque verbale, est utilisée à titre de marque comme telle dans les pièces versées au dossier et conformément à son enregistrement.
En revanche, rien ne permet de conclure que ces documents ont été utilisés ou autrement diffusés en Allemagne (ou en Suisse d'ailleurs). Bien
qu'ils soient intitulés "Alstom in Germany" (ou "Alstom in Switzerland" [annexes 2 et 3 à la pce précitée]), aucune indication n'existe quant au nombre de ces documents effectivement distribués, de sorte qu'un usage sérieux ne saurait aucunement être retenu. Il en est de même des brochures de présentation (annexes 9 et 10 à la pce précitée).
L'attestation du Secrétaire du Conseil d'administration de la recourante (annexe 1 à la pce précitée) est une simple déclaration de partie, qui n'est
pas assimilable à une attestation d'un revendeur. Elle ne dit rien de l'usage de la marque en Allemagne.
Quoi qu'il en soit, ces pièces viennent seulement établir l'existence de bus
portant la marque "APTIS" ou la présence de la recourante, comme entreprise multinationale, sur le territoire allemand et suisse. Autre est la question de savoir si la marque "APTIS" fait l'objet d'un usage sérieux.

 

 

4.3.2

En l'espèce, il n'est pas contesté que la marque opposante "APTIS" a été apposée sur des produits, à savoir des bus, c'est-à-dire des véhicules de transport en classes 12 et 39. Il est de même admis que la marque est ici utilisée à titre de marque conformément à son enregistrement.



4.3.3

Sur le terrain

4.3.3.1

Il est convenu qu'aucun système de transport portant la marque "APTIS" n'a été vendu en Allemagne. Les efforts de commercialisation de ces bus se sont donc limités à des opérations (infructueuses) de prospection. C'est donc sous cet angle uniquement que doit s'évaluer ici le caractère sérieux de l'usage de la marque opposante.
La doctrine exige une certaine permanence et une certaine intensité pour
retenir un usage sérieux à l'occasion de la prospection (consid. 3.2.7.3).
Elle doit être ici suivie. Dès lors que l'on admet qu'une activité commerciale
– même non rentable – est exigée pour admettre l'usage sérieux, il faut une certaine permanence dans l'effort de prospection.



4.3.3.2

Il ressort des pièces figurant au dossier les éléments suivants (les preuves citées sont extraites de la pce 8 du dossier de l'autorité inférieure) :
– les systèmes de transport portant la marque "APTIS" ont circulé dans la ville de Hambourg durant deux semaines en février 2018, auprès des Hamburger Hochbahn AG (p. ex. message Twitter du 9 février 2018) ;
– les systèmes de transport portant la marque "APTIS" ont circulé dans la ville de Berlin durant un temps indéterminé en février 2018, auprès des Berliner Verkehrsbetriebe (BVB) (p. ex. message Twitter du 20 février 2018) ;
– les systèmes de transport portant la marques "APTIS" ont été présentés à l'occasion du salon Elekbu (Elektrobuskonferenz), les 5 et 6 mars 2018, de Berlin (p. ex. communiqué de presse du 8 juillet 2018) ;
– les systèmes de transport, portant la marques "APTIS", ont été présentés à l'occasion de la foire InnoTrans 2018 (un grand salon du monde dans le domaine du transport ferroviaire), du 18 au
21 septembre 2018, de Berlin (p. ex. capture site internet alstom.com).



4.3.3.3

Le Tribunal constate que, durant quelques jours seulement en février et septembre 2018 (moins d'un mois en totalité), la marque opposante "APTIS" a été présente physiquement, apposée sur des bus, dans les villes allemandes de Berlin et de Hambourg.
Il s'ensuit qu'en l'espèce les efforts de la recourante ont été très limités
dans le temps, aux mois de mars et septembre 2018 et dans l'espace de deux villes allemandes.



4.3.3.4

Par ailleurs, force est de constater que la recourante a limité ses efforts de commercialisation. Il n'y a pas de traces d'autres tentatives depuis 2018. Rien ne parle en faveur d'autres opérations de marketing, destinées à faire connaître son produit. Les actions de la recourante sur le sol allemand s'apparentent à une simple information sur l'existence de systèmes de transport nommés "APTIS". Cela étant, le droit suisse exige un effort de commercialisation, une volonté de répondre à un besoin du marché (consid. 3.2.7.1). Or, la simple activité informative est insuffisante pour remplir ce critère. La recourante n'a p. ex. produit aucune soumission à des appels d'offres auprès de collectivités publiques allemandes.
L'autorité inférieure doit être suivie lorsqu'elle souligne l'absence d'un tel comportement. En effet, une telle pièce irait plus concrètement dans le sens d'une volonté de satisfaire un besoin de marché.
Le Tribunal retient donc que l'on est en présence d'actions de
prospection extrêmement faibles, même compte tenu des spécificités d'un marché où on pourrait ne pas être exigeant s'agissant du chiffre d'affaires.



4.3.3.5

On pourrait à ce stade se demander si un échec commercial devrait
nécessairement conduire à la perte du droit à la marque. En effet, le succès
d'une marque sur le marché est autant le fait des consommateurs que du titulaire de la marque. Il en est de même d'un éventuel échec. Or, les raisons qui peuvent expliquer ce succès ou cet échec (p. ex. les qualités intrinsèques du produit) n'ont pas de lien évident avec le droit des marques.
En matière d'usage sérieux, ces critères n'entrent en principe pas en ligne
de compte.
Cette question peut cependant être laissée ouverte en l'espèce
dès lors qu'on exige aussi une certaine intensité lorsque l'usage se limite à de la prospection du marché. Autrement dit, on ne peut parler d'échec commercial qu'après plusieurs tentatives infructueuses. Devant de faibles efforts de commercialisation, comme en l'espèce, il n'y a même pas à proprement parler de prospection du marché. Il serait délicat d'admettre une prospection sérieuse en l'espèce, alors même que l'activité de la recourante a été si faible. Si l'on admettait en l'espèce l'usage sérieux, cela reviendrait à confondre existence du produit et usage sérieux de la marque, au moins en ce qui concerne les systèmes de transport. Bien que la recourante soit active sur un marché particulier, on ne saurait, tout comme dans le cas des produits de luxe, dont les ventes sont aussi épisodiques, renoncer à une certaine intensité dans la commercialisation, respectivement dans la prospection du marché. Plus intéressant serait le cas d'une marque n'ayant généré aucune vente, en dépit d'efforts commerciaux durables et répétés.

 

 

4.3.4

Utilisation virtuelle sur internet et les réseaux sociaux


4.3.4.1

L'appréciation de l'usage sérieux doit encore être faite sous l'angle de l'utilisation de la marque sur internet et les réseaux sociaux, sur Twitter en l'espèce. La marque opposante ne fait pas l'objet d'un usage corporel en Suisse. La recourante ne saurait rien obtenir des hypothèses qu'elle formule (recours no 6) : peu importe en effet que des bus "APTIS" puissent être commandés par des autorités suisses, ou que des responsables suisses puissent se rendre dans les foires allemandes. Le fait est que rien ne vient rendre vraisemblable la réalisation de ces deux hypothèses.
Seule demeure donc la question de l'usage de la marque via internet et les
réseaux sociaux (usage virtuel). Pour trancher la question, le Tribunal peut examiner la question de l'usage en Suisse à la lumière de l'ATF 146 III 225 (consid. 3.2.9). Par conséquent, la question n'est pas seulement de savoir si le site a été consulté en Suisse ou par des consommateurs suisses.
Beaucoup des traces de la marque opposante sur internet et sur les
réseaux sociaux n'émanent pas de la recourante, titulaire de cette marque, mais de tiers. Rien au dossier ne permet de conclure que la recourante a autorisé ces usages et elle ne le prétend pas non plus (consid. 3.2.4). Quoi qu'il en soit, la recourante se prévaut de seulement 24 publications virtuelles, dont 9 sites internet (durant la période de référence).



4.3.4.2

Compte tenu de ce qui suit, on peut laisser ouverte la question de savoir si l'usage virtuel en Allemagne devrait être reconnu en Suisse par le truchement de la Convention CH/D (consid. 3.2.8). En effet, l'on ne saurait aucunement parler d'un usage virtuel suffisant en Allemagne de la marque APTIS.



4.3.4.3

En l'espèce, l'examen des facteurs de l'art. 3 de la Recommandation permet de faire les constats suivants :

 

– Circonstances indiquant une activité commerciale déjà existante ou au moins des actes préparatoires correspondants de l'utilisateur du signe dans le pays concerné (article 3(1)(a)) : La recourante a certes des activités commerciales en Suisse et en Allemagne, mais pas en lien avec la marque opposante "APTIS" ; le Tribunal a déjà retenu qu'il y a eu des efforts (faibles) de prospection (et donc des actes préparatoires) en Allemagne (consid. 4.3.3).
– Etendue et nature de l'activité commerciale de l'utilisateur du signe dans le pays concerné, en tenant compte, entre autres, du fait que, notamment, l'utilisateur de la marque fournit effectivement des clients dans le pays concerné ou si d'autres relations commerciales existent (article 3(1)(b)) : Le Tribunal a déjà établi que les efforts de
commercialisation en Allemagne sont insuffisants pour parler d'un usage sérieux (consid. 4.3.3), même compte tenu de la nature du produit en question (consid. 4.2.3 in fine). Le critère de l'étendue n'est ainsi pas rempli.
– Lien entre une offre de produits sur Internet et l'Etat concerné (article 3(1)(c)) : Les produits marqués "APTIS" sont licites en Suisse, sous réserve des normes techniques en matière de transport. En revanche, aucun prix n'est libellé en francs suisses dans les pièces au dossier, encore que ce critère n'est pas nécessairement relevant en l'espèce, compte tenu des spécificités du marché considéré.
– Lien entre la nature de l'utilisation du signe et l'Etat en question (langue,
adresse, nom de domaine du pays, nombre de visites par les consommateurs au pays ; article 3(1)(d)) : Les pièces sont libellées en langue allemande, qui est une langue nationale suisse et allemande.
Comme l'a relevé l'autorité inférieure, il n'existe au dossier aucun élément statistique permettant d'évaluer la consultation des sites et messages évoqués, que ce soit en Suisse ou en Allemagne. La recourante échoue donc à rendre vraisemblable ce lien.
– Lien entre l'utilisation du signe sur internet et un droit sur ce signe dans
l'Etat membre considéré (article 3(1)(e)) : La marque opposante est enregistrée en Suisse (consid. A.b).



Au regard de l'article 3(2) de la Recommandation, qui prévoit une pondération au cas d'espèce, il est permis de conclure que les relations entre le produit et la Suisse ou l'Allemagne sont ténues.

 

 

4.3.4.4

Finalement, les différents critères d'appréciation de la Recommandation se regroupent par beaucoup avec les tentatives de la recourante pour prospecter le marché allemand (consid. 4.3.3). Or, il a déjà été retenu que ces éléments sont insuffisants pour parler d'une incidence commerciale (wirtschaftliche Auswirkung ; commercial effect ;
consid. 3.2.9.2). Par conséquent, si l'on devait retenir un usage sérieux sur
internet et les réseaux sociaux, signifierait qu'il suffit à un titulaire qui ne déploie pas une activité suffisante pour prétendre à un usage corporel suffisant de générer un site internet et quelques messages sur les réseaux sociaux pour obtenir la reconnaissance d'un usage sérieux. Tel n'est pas l'esprit de l'ATF 146 III 225 (consid. 3.2.9) et cela reviendrait à admettre trop facilement un usage en Suisse à des titulaires de marques n'ayant pas une réelle activité sur le territoire helvétique. La protection des marques suisses ne pourrait pas se satisfaire d'une telle solution.



4.4

Au final, force est de constater que l'on ne saurait pas retenir un usage sérieux de la marque opposante durant la période de référence.



5.
Il ressort de ce qui précède que la décision attaquée, dès lors qu'elle rejetait l'opposition en l'espèce, doit être confirmée et que le recours doit être rejeté.



6.
Il reste à traiter la question des frais de procédure et des dépens devant le
Tribunal.



6.1
6.1.1

Les frais de procédure – comprenant l'émolument judiciaire (art. 63 al. 4bis PA ; art. 2 et art. 4 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2] ; ATF 133 III 490 consid. 3.3 "Turbinenfuss [3D]" ; arrêt du TAF B-2326/2014 du 31 octobre 2016 consid. 10.1 "[fig.]/ENAGHR [fig.]") et les débours – sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 FITAF).



6.1.2

En l'espèce, les frais de procédure, qu'il convient d'arrêter à 4'500 francs doivent être mis à la charge de la recourante, qui succombe.
Ce montant sera compensé avec l'avance sur les frais de procédure présumés d'un même montant versée durant l'instruction
.

 

 

6.2
6.2.1

La partie qui obtient entièrement ou partiellement gain de cause a droit aux dépens pour les frais nécessaires causés par le litige (art. 64 al. 1 PA ; art. 7 al. 1 et 2, art. 8, art. 9 al. 1 let. a, art. 10 al. 1 et 2 et art. 14 al. 1 et 2 FITAF ; arrêt du TAF B-2326/2014 du 31 octobre 2016 consid. 11.1 "[fig.]/ENAGHR [fig.]").



6.2.2

En l'espèce, l'intimée, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens.
Elle n'a pas déposé de note de frais et d'honoraires. Aussi, le Tribunal lui
alloue, compte tenu du travail fourni par son représentant, une indemnité de 3'500 francs à titre de dépens, à la charge de l'intimée, pour la procédure de recours.
Vu qu'elle succombe, la recourante n'a pas droit à des dépens (art. 64 al. 1
PA, en lien avec l'art. 7 al. 1 FITAF).
Quant à l'autorité inférieure, elle n'a pas non plus droit aux dépens (art.
7 al. 3 FITAF).



7.
Enfin, le recours en matière civile au Tribunal fédéral n'étant pas recevable
contre les décisions en matière d'opposition à l'enregistrement d'une marque (art. 73 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]), le présent arrêt est définitif.



 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté et la décision attaquée est confirmée.
2.
Les frais de procédure de 4'500 francs sont mis à la charge de la recourante. Ils sont compensés avec l'avance sur les frais de procédure présumés d'un même montant versée durant l'instruction.
3.
Des dépens pour la procédure de recours, d'un montant de 3'500 francs sont alloués à l'intimée et mis à la charge de la recourante.

 

 

 

 

No comments:

Post a Comment