Tuesday, March 16, 2021

Swiss Customs (HS; Origin)

Douane

 

Règles d’origine

 

Preuve d’origine

 

HS

 

Tares

 

GATT

 

L’utilisation prévue n'est pas un critère de classement (sauf à figurer explicitement dans la position tarifaire)

 

 

 

 

Tribunal administratif fédéral

Cour I A-5065/2018

Arrêt du 17 mars 2021

 

A._______ SA,

Recourante,

contre

Administration fédérale des douanes (AFD),

Domaine de direction Bases, section Droit, Taubenstrasse 16, 3003 Berne, autorité inférieure

Contrôle de la preuve d'origine.

 

Faits : 

A. 

A._______ SA est une société anonyme sise à Z._______, inscrite au registre du commerce du canton de X._______ depuis le (...) 2011. Elle a pour but le développement, l’importation et la commercialisation de produits alimentaires, de cosmétique ou d’autres produits naturels ou destinés à la personne ; le développement de concept et la fourniture de tous conseils en matière de nutrition aux particuliers et entreprises ; la participation à tout projet ou sociétés en rapport.

 

B.
B.a 
Par courrier du 28 juillet 2016, les autorités douanières françaises ont requis de l’Administration fédérale des douanes (AFD) qu’elle contrôle l’authenticité et la régularité de vingt-trois certificats d’origine émis par la société suisse B._______ SA. Dans le cadre de ce contrôle, la Direction d’arrondissement des douanes Genève (ci-après : la DA) a souhaité examiner les conditions d’obtention de l’origine suisse et le report de l’origine de l’Union européenne (UE) et a invité à cet effet, la société suisse A._______ SA – laquelle vendait des produits sur le territoire douanier à B._______ SA – à produire les pièces justifiant l’origine de plus de vingt produits figurant sur vingt-six factures établies entre le 26 mars 2013 et le 3 mars 2016, dont notamment le « E® ».

 

B.b Après plusieurs échanges de courriels avec la DA, A._______ SA a produit les documents demandés en plusieurs livraisons électroniques.

 

B.c Par décision du 2 mai 2017, la DA a constaté des déclarations entièrement ou partiellement invalides pour neuf produits et perçu un émolument de 730 francs. S’agissant en particulier du « E® », la DA a retenu que pour les factures n°15-1029 du 28 juillet 2015 et n° 15-1037 du 23 septembre 2015, il ressortait des informations produites, que cette marchandise avait été fabriquée à partir de poudre de moules (position tarifaire [NT] n°0307.3900) livrée par une société néo-zélandaise (NZ). A._______ SA mélangeait cette poudre avec d’autres ingrédients, procédait à sa mise en capsule puis la conditionnait en vue de sa livraison à la société B._______ SA. Le produit fini était classé sous le NT 1605.5300. Or, la règle d’origine pour la position n°1605 prévoit que « toutes les matières du chapitre 3 (système harmonisé) utilisées sont entièrement obtenues ». Comme la poudre de moule était importée avec origine de NZ, le produit n’obtenait pas l’origine suisse (cf. consid. 6 a de la décision). Pour les factures n° 23358 du 23 août 2013, n° 23408 du 13 janvier 2014 et n° 23417 du 28 février 2014, la DA a retenu que les gélules contenant la poudre de moules avaient été fabriquées et conditionnées par une société belge et importées sans préférence (cf. consid. 6 b de la décision). Ces produits étaient donc d’origine indéterminée.

 

C.
C.a 
Par pli du 10 juin 2017, A._______ SA a entrepris cette décision auprès de la Direction générale des douanes (ci-après : DGD) concluant à la modification de la décision dans le sens que les considérants 1 à 9 de la décision soient annulés et à la constatation pour le considérant 6 que le complément alimentaire « E® » relève de la position tarifaire 2106. Elle contestait notamment que certains produits avaient été qualifiés « sans preuve d’origine formellement valable » au motif qu’elle n’avait pas pu les produire ou que la mention « préférence » n’avait pas été cochée sur la déclaration en douane. Elle se prévalait, d’une part, du délai de trois ans de conservation des justificatifs pour expliquer ne pas pouvoir en produire certains. D’autre part, invoquant la protection de sa bonne foi, elle soutenait, en substance, ignorer que l’autorité douanière n’admettait pas la preuve de l’origine si la case « préférence » n’était pas cochée. Pour le surplus, A._______ SA développait une argumentation tendant à démontrer que le complément alimentaire « E® » devait être classé dans la position tarifaire 2106.

 

C.b Par décision du 28 juin 2018, la DGD a partiellement admis le recours dans la mesure où elle a reconnu qu’il ne pouvait pas être reproché à A._______ SA de n’avoir pas conservé les justificatifs au-delà de trois ans dès leur date d’établissement. En conséquence, elle a réduit les émoluments à 358 francs. La DGD a rappelé les incombances relatives à l’auto- déclaration et écarté les griefs de la plaignante à cet égard. Retenant en substance que les produits constituant le « E® » avaient été dédouanés sous les NT 0307 et 1605, elle a refusé d’entrer en matière sur la demande classification tarifaire dès lors que les décisions de taxation à cet égard étaient entrées en force sans avoir été contestées.

 

D.
D.a 
Par acte du 5 septembre 2018, A._______ SA (ci-après : la recourante) interjette recours par-devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal) à l’encontre de cette décision, concluant à ce que la DGD (ci-après : aussi l’autorité inférieure) complète sa décision pour qu’elle puisse comprendre le sort de ses contestations, à ce qu’il soit constaté que l’autorité inférieure aurait dû entrer en matière sur la décision de la DA de classer le « E® » sous le NT 1605.5300 et à ce qu’il soit constaté que ce produit relève du NT 2106 ou à renvoyer le dossier à l’autorité inférieure afin qu’elle prenne une position motivée sur ce point. A l’appui de ses conclusions, la recourante se prévaut, d’une part, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse dans le sens que celle-ci ne portait pas mention des factures écartées du contrôle en raison du délai de trois ans. D’autre part, elle soutient que l’autorité inférieure se méprend sur l’objet du litige, lequel n’était pas constitué des décisions de taxation entrées en force mentionnées au consid. 6a de la décision de la DA mais bien par le fait que cette dernière, au consid. 6b, ait décidé de classer sous le NT 1605.5300 le « E® » fabriqué en Suisse. La recourante développe, à cet égard, un argumentaire sur le mécanisme de classification et d’interprétation du Système harmonisé (cf. infra consid. 3.4).

 

D.b Dans sa réponse du 29 octobre 2018, transmise à la recourante par ordonnance du TAF du 31 suivant (svt), l’autorité inférieure précise les numéros des factures échappant au contrôle en raison de l’expiration du délai de conservation de trois ans des justificatifs. Elle prétend pour le surplus que les décisions de taxation en lien avec le « E® » sont entrées en force si bien qu’elle n’est pas entrée en matière sur la demande de la recourante à cet égard, tout en ayant tout de même expliqué brièvement les raisons du classement tarifaire. L’autorité inférieure décrit ensuite le produit « E® » et détaille les motifs de sa classification tarifaire.

 

E.
E.a 
Par ordonnance du 17 septembre 2020, le Tribunal interpelle l’autorité inférieure en lui demandant s’il faut comprendre sa dernière écriture comme la confirmation de son prononcé d’irrecevabilité et si c’est par surabondance qu’elle s’est prononcée sur le fond ou si elle admet devoir le faire. Dans la première hypothèse, elle est invitée à préciser à quelles décisions de taxation entrées en force elle fait référence, à les produire et à motiver leur lien avec la procédure de contrôle d’origine.

 

Par la même ordonnance, le Tribunal invite la recourante, qui a obtenu la motivation qu’elle cherchait à connaître en attaquant la décision litigieuse, à se prononcer sur le maintien de son recours et, cas échéant, sur les considérations de l’autorité inférieure au sujet du classement tarifaire.

 

E.b Dans sa prise de position du 15 octobre 2020, l’autorité inférieure expose en substance que son écriture de réponse n’avait pas pour but de vérifier le classement tarifaire car les décisions de taxation étaient déjà entrées en force, mais de l’expliquer à la recourante. Elle produit deux déclarations en douane relatives au produit « E® », l’une datée du 1er décembre 2014 et l’autre du 19 janvier 2015.

 

E.c Dans ses observations finales du 20 novembre 2020, la recourante s’emploie à démontrer que l’autorité inférieure procède à une interprétation unilatérale et arbitraire du Système harmonisé, en contradiction avec celles de ses partenaires économiques, pour les importations du produit « E® » fabriqué en Belgique et importé par elle sous le NT 2106.90X valable dans l’UE. Elle reproche en outre à l’autorité inférieure de ne pas distinguer le produit « E® » fabriqué en Belgique de celui fabriqué en Suisse. La recourante produit à l’appui de son raisonnement, deux renseignements tarifaires contraignants datant du 16 mai 2020 et émis par la Direction générale des douanes et droits indirects de la République française.

 

E.d Par ordonnance du 3 décembre 2020, le Tribunal transmet à l’autorité inférieure la dernière écriture de la recourante lui impartissant un délai pour prendre position, apporter des éclaircissements notamment sur la concordance de certaines factures avec les déclarations en douane et livrer certaines pièces.

 

E.e Par deux plis séparés des 9 et 10 décembre 2020 ainsi que par courriel du 21 décembre 2020 – tous transmis à la recourante le 22 svt–, l’autorité inférieure produit les pièces requises, apporte les éclaircissements demandés et transmet un courriel de la section tarif de la DGD qui exprime le 7 décembre 2020 son point de vue sur la classification du produit « E® ». L’autorité inférieure informe ne pas prendre position sur les dernières observations de la recourante, au motif qu’elles concernent le classement tarifaire du produit.

 

F.
F.a 
Le 29 janvier 2021, le Tribunal ordonne à la recourante de communiquer la composition exacte du produit « E® » et invite l’autorité inférieure à livrer les notes et notes explicatives du tarif douanier en vigueur au moment des faits déterminants pour la présente cause.

 

F.b Le 10 février 2021, l’autorité inférieure livre une nouvelle prise de position, assortie de quatre pièces figurant déjà toutes au dossier. Interpellée par le Tribunal, elle produit par voie de courriel du 16 février 2021, les extraits du tarif douanier pour les chapitres concernés (cf. infra consid. 3.6), lesquels sont transmis à la recourante par ordonnance du 17 février 2021.

 

F.c Par pli du 17 février 2021 – transmis le 18 svt à l’autorité inférieure –, la recourante produit deux versions de la composition du produit litigieux en précisant que celle-ci a changé en 2015. Avant cette date, le produit était fabriqué en Belgique et importé/exporté sans intervention en Suisse sous le nom « E® ». A partir de janvier 2015, le produit a été fabriqué en Suisse sous le nom « Eo® ».

 

Les autres faits, ainsi que les arguments développés par les parties à l'appui de leurs positions respectives, seront repris dans les considérants en droit ci-après, dans la mesure utile à la résolution du litige.

 

Droit : 

1.
1.1 
En vertu de l’art. 31 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) et sous réserve des exceptions - non pertinentes en l’espèce - prévues à l'art. 32 de cette loi, ce Tribunal connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions sur recours des départements et des unités de l'administration fédérale qui leur sont subordonnées ou administrativement rattachées peuvent être contestées devant le Tribunal administratif fédéral conformément à l'art. 33 let. d LTAF. Au sein du Département fédéral des finances (DFF), l'AFD est une unité de l'administration fédérale centrale (art. 8 al. 1 let. a et annexe 1, ch. V 1.6 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [OLOGA, RS 172.010.1]). En vertu de l'art. 116 al. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0), l'AFD est représentée par la DGD dans les procédures devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral.

 

En outre, conformément à l'art. 116 al. 1bis LD, les décisions de première instance des directions d’arrondissement peuvent faire l’objet d’un recours interne. Ici, la décision attaquée a été prise par l'autorité inférieure sur contestation de la décision de la DA. La compétence fonctionnelle du Tribunal de céans est donc respectée et il peut connaître du présent litige.

 

La procédure est régie par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas autrement (art. 37 LTAF).

 

1.2 La décision attaquée, datée du 28 juin 2018, a été notifiée le 5 sep- tembre 2018. Compte tenu des féries judiciaires d’été (art. 22al. 1 let. b PA), le recours, déposé le 5 septembre 2018, est intervenu dans le délai légal de trente jours (art. 50 al. 1 PA). Déposé en les formes requises (art. 52 PA) par la destinataire de la décision litigieuse, laquelle possède un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 48 al. 1 PA), le recours est donc recevable sur ce plan et il peut être entré en matière sur ses mérites sous réserve de ce qui suit.

 

1.3
1.3.1 
Lorsque l'autorité inférieure n'est pas entrée en matière sur une conclusion, l’administré peut seulement recourir en alléguant que ladite autorité a refusé à tort de statuer au fond et le TAF ne peut qu'inviter cette dernière à examiner la demande, s'il admet le recours. En effet, les conclusions du recourant (soit « l'objet du litige ») sont limitées par les questions tranchées dans le dispositif de la décision querellée (soit « l'objet de la contestation »), celles qui en sortent, en particulier les questions portant sur le fond de l'affaire alors que le prononcé attaqué concerne une irrecevabilité, ne sont pas admises (cf. parmi d’autres : ATF 144 II 359 consid. 4.3). Selon la jurisprudence, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue, pour des motifs d'économie de procédure, à une question en état d'être jugée qui excède l'objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l'objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun, et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (cf. ATF 130 V 503, 122 V 36 consid. 2a ; arrêt du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 1.2.1).

 

1.3.2 En vertu de l'art. 25 al. 2 PA, une demande en constatation est recevable si le requérant prouve qu'il a un intérêt digne de protection. L'intérêt est digne de protection lorsqu’un intérêt actuel de droit ou de fait, auquel ne s'opposent pas de notables intérêts publics ou privés, commande la constatation immédiate de l'existence ou de l'inexistence d'un rapport de droit. Selon la jurisprudence, une demande de décision en constatation ne peut être satisfaite que si le demandeur a un intérêt à ce que soit dissipée une ambiguïté relative à des droits et obligations de droit public, à défaut de quoi il risquerait de prendre à son désavantage – ou de s'abstenir de prendre – des mesures (cf. ATF 146 V 38 consid. 4.2 ; arrêt du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 1.2). Ce n’est pas le cas si le demandeur peut tout aussi bien protéger ses intérêts en obtenant en sa faveur un jugement condamnatoire. En ce sens, le droit d'obtenir une décision en constatation est subsidiaire (cf. ATF 132 V 259 consid. 1, 129 V 289 consid. 2.1 et 125 V 21 consid. 1b).

 

1.3.3 En l’espèce, dans la mesure où l’autorité inférieure n’est pas entrée en matière dans la décision litigieuse sur la demande de modification du classement tarifaire, la conclusion de la recourante tendant à ce qu’il soit constaté que le complément alimentaire « E® » relève de la position tarifaire 2106 outrepasse l’objet du litige et devrait être déclarée irrecevable. Cela étant, dans sa réponse au recours du 29 octobre 2018, l’autorité inférieure s’est longuement exprimée sur le classement tarifaire. Interpellée à ce sujet, elle a – dans ses observations du 15 octobre 2020 – soutenu qu’elle avait précisé le classement tarifaire afin d’expliquer à la recourante pour quelle raison le produit « E® » doit être classé sous le NT 1605 tout en maintenant que le classement ne pouvait pas être vérifié car les décisions de taxation étaient déjà entrées en force. Il s’en suit que du moment que l’autorité inférieure s’est exprimée sans ambiguïté sur le classement tarifaire, le Tribunal, s’il devait juger que c’est à tort que l’autorité inférieure n’est pas entrée en matière dans sa décision litigieuse sur la demande de classement tarifaire de la recourante, serait habilité à statuer par économie de procédure sur ledit classement.

 

Par ailleurs, en concluant à ce qu’il soit constaté que le complément alimentaire « E® » relève de la position tarifaire NT 2106, la recourante conclut en réalité à ce qu’il soit constaté que les déclarations d’origine figurant sur les factures précitées ont été correctement émises. Dans cette mesure, elle ne demande donc rien de plus qu'une réformation d'une constatation de l'instance précédente. Son intérêt pour un jugement constatatoire doit donc être admis (cf. arrêt du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 1.2 et les réf. citées).

 

2.
2.1 
La recourante peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et l'inopportunité (art. 49 PA ; cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7éd., Zurich 2016, n. marg. 1146 ss ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/ LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2éd., Bâle 2013, n. marg. 2.149).

 

2.2 Le TAF constate les faits et applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués à l’appui du recours (art. 62 al.4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 300 s.). La maxime inquisitoire doit toutefois être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits, en vertu duquel celles-ci doivent notamment indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver leur requête (art. 52 al. 1 PA). Partant, le Tribunal se limite en principe aux griefs invoqués et n’examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l'y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1 et 122 V 157 consid. 1a ; ATAF 2014/24 consid. 2.2 et 2012/23 consid. 4 ; ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER/MARTIN BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2013, ch. 1135 s.).

 

3.
3.1 
Les marchandises introduites dans le territoire douanier ou sorties de celui-ci sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées conformément aux dispositions de la LD et de la loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD, RS 632.10 ; cf. art. 7 LD). Sous réserve d'exceptions (art. 1 al. 2 LTaD) ainsi que d’allègements et d’exemptions prévus par les traités internationaux ou par les dispositions spéciales de lois ou d'ordonnances (cf. art. 2 et 8 ss LD), toutes les marchandises importées ou exportées à travers la ligne suisse des douanes doivent être dédouanées conformément au tarif général figurant dans les annexes 1 et 2 de la LTaD.

 

3.2 Le tarif général (art. 3 LTaD) s'entend d'un tarif douanier créé en considération de la législation nationale et en fonction des besoins indigènes. Il contient les numéros de tarif, les désignations des marchandises, les règles de classement et les contingents tarifaires ainsi que les taux maximaux tels qu'ils ont été pour la plupart consolidés dans le cadre des Accords du GATT (Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce, RS 0.632.20, entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 1995; voir aussi Accord général du 30 octobre 1947 sur les tarifs douaniers et le commerce [GATT], RS 0.632.21, entré en vigueur pour la Suisse le 1er août 1966 [avec annexes et protocole]). La structure du tarif général est fondée sur la nomenclature du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (cf. infra consid. 3.4.2). Le tarif d'usage (art. 4 LTaD) correspond dans sa structure au tarif général et contient, outre les taux du tarif général demeurés inchangés, les taux réduits en vertu de traités et de mesures autonomes. Il reflète les taux en vigueur fixés dans des textes légaux (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A-1051/2019 du 31 août 2020 consid. 2.1.2 et les références citées).

 

3.3 Le tarif général n'est pas publié au recueil officiel (RO) ; la publication s’effectue sous la forme d'un renvoi (art. 5 al.1 de la loi du 18 juin 2004 sur les recueils du droit fédéral et la Feuille fédérale [LPubl, RS 170.512]). Le tarif général et ses modifications peuvent être consultés auprès de la DGD ou sur Internet (www.ezv.admin.ch; www.tares.ch), ce qui vaut aussi pour le tarif d'usage (15 al. 2 LTaD; note de bas de page n. 33 concernant les annexes 1 et 2 de la LTaD). Le tarif des douanes fait entièrement partie du droit fédéral applicable et a rang de loi fédérale au sens formel (cf. parmi d’autres : ATF 142 II 433 consid. 5 ; arrêt du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.3; MICHEAL BEUSCH/MONIQUE SCHNELL LUCHSINGER, Wie harmonisiert ist das Harmonisiertes System wirklich ? in : Zollrevue, 1/2017, p. 12 à 19, p.12).

 

3.4
3.4.1 La Suisse est partie à la Convention internationale du 14 juin 1983 sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après : Convention SH, RS 0.632.11, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1988
 [avec annexes]). Dite convention contient des dispositions importantes pour le classement tarifaire des marchandises circulant entre les pays concernés. En outre, les numéros du tarif douanier sont également utilisés à diverses autres fins, par exemple comme base pour les règles d'origine préférentielles dans le cadre des accords de libre- échange et, en partie, pour les règles d'origine non préférentielles (cf. infra consid. 4 ; BEUSCH/SCHNELL LUCHSINGER, op. cit., p. 14). Les parties contractantes à la Convention SH se sont engagées notamment à ce que leurs nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au Système harmonisé, en particulier à utiliser toutes les positions et sous-positions du Système harmonisé – sans adjonction ni modification – ainsi que les codes numériques y afférents et à appliquer les règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions, ce sans y apporter de modification (cf. art. 3 § 1 let. a Convention SH ; parmi d’autres, arrêts du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.3.1 et A-7486/2016 du 14 décembre 2017 consid. 3.2.1 ; BEUSCH/SCHNELL LUCHSINGER, op. cit., p. 17).

 

3.4.2 Le tarif des douanes suisses reprend la nomenclature du Système harmonisé. Celui-ci prévoit que chaque marchandise est désignée et classée selon une référence à six positions. Ainsi, les quatre premières positions, ainsi que les deux premières sous-positions du tarif des douanes sont des dispositions de droit matériel international. S'agissant des sous- positions suisses, soit les deux derniers numéros, elles n'ont pas le caractère de droit international, mais ont le rang de loi fédérale, dans la mesure où elles ont été créées avec l'adoption de la LTaD. Le Tribunal administratif fédéral est donc lié par l'ensemble de la nomenclature à huit chiffres (cf. art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst., RS 101], parmi d’autres arrêt du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.4.2 ; REMO ARPAGAUS, Das schweizerische Zollrecht, 2éd., 2007, ch. 578).

 

3.4.3 La Convention SH vise à assurer une utilisation uniforme du Système harmonisé. Pour ce faire, des notes explicatives, des avis de classement et d'autres avis (cf. art. 7 § 1 let. b Convention SH) ainsi que des recommandations (cf. art. 7 § 1 let. c Convention SH) pour l'interprétation du Système harmonisé sont rédigés par le Comité du Système harmonisé (cf. art. 6 Convention SH) puis approuvés par le Conseil de coopération douanière (qui, depuis 1994, s’appelle Organisation mondiale des douanes [OMD] ; art. 1 let. e et f Convention SH) dans le cadre d’une « procédure de silence » (cf. art. 8 § 2 et 3 Convention SH). Ces dispositions, ressortant au droit matériel international, sont obligatoires pour le Tribunal administratif fédéral. Aux termes des art. 7 § 1 et 8 § 1 et 2 Convention SH, les Etats contractants ont uniquement la possibilité d'inciter au réexamen ou à la modification des notes explicatives et des avis de classement (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.4.3, A-703/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.2.3, A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.3.3 ; BEUSCH/SCHNELL LUCHSINGER, op. cit., p. 17).

 

Cela étant, il subsiste la possibilité d’édicter une réglementation nationale. La DGD a notamment publié des notes explicatives du tarif des douanes suisses, lesquelles comprennent, outre les notes explicatives du Système harmonisé et des dispositions particulières, des notes explicatives suisses (cf. remarques préliminaires des notes explicatives du tarif des douanes, disponibles à l’adresse Internet https://www.ezv.admin.ch/ezv/fr/home/documentation/directives/d6-notes-explicatives-du-tarif-douanier.html). La jurisprudence a rappelé que les notes explicatives du tarif des douanes suisses ne lient pas le Tribunal administratif fédéral, puisqu'il s'agit de prescriptions de service, soit d’ordonnances administratives (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.4.3, A-703/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.2.3). Toutefois, lorsque ces notes reprennent textuellement les notes explicatives du Système harmonisé, des avis de classement ou d'autres recommandations faites par le Comité du Système harmonisé (disponibles à l'adresse Internet www.wcoomd.org), celles-ci acquièrent alors un caractère impératif et lient pleinement le Tribunal administratif fédéral (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-1635/2015 du 11 avril 2016 consid. 5.7.1). Cela étant, dans la mesure où elles assurent une interprétation correcte et équitable des règles de droit, le Tribunal prend aussi en considération les ordonnances administratives (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2, arrêts du TAF A-3244/2018 du 10 septembre 2020 consid. 3.7, A-5624/2018 du 19 juillet 2019 consid. 2.3 et 15.2.4).

 

3.4.4 Les règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé (ci-après : RG) figurent en annexe de la Convention SH et font partie intégrante de celle-ci (cf. art. 1 let. a Convention SH). Cette annexe n’est toutefois pas publiée au RS 0.632.11. Elle est notamment insérée dans le tarif des douanes (cf. supra consid. 3.3). Les RG appliquées par les autorités douanières suisses sont donc identiques aux RG du texte officiel de la Convention SH (cf. parmi d’autres : arrêt du TAF A–3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.4.4, A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.3.3). Ces RG sont au nombre de six. La RG 1 dispose que : « le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes ». Les sources du droit permettant de classer une marchandise dans une position tarifaire sont ainsi hiérarchisées entre elles. Le classement d'une marchandise doit se faire en examinant d'abord les termes des positions, ensuite les notes de sections ou de chapitres, avant d'en venir aux règles générales 2 à 6 (« Tariftext - Anmerkungen - Allgemeine Vorschriften »), l'examen de chaque échelon ultérieur ne devant intervenir que si l'échelon antérieur n'a pas permis un classement incontestable (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.4.4, A-1051/2019 du 31 août 2020 consid. 2.1.4.4, A-703/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.2.4 ; BEUSCH/SCHNELL LUCHSINGER prescrivent le schéma de classement suivant « Tariftext - Anmerkungen - Allgemeine Auslegungsregel/Erläuterung/Einreihungsavisen » [op. cit., p. 17]). Autrement dit, si ni les termes des positions, ni les notes de sections ou de chapitres ne permettent un classement incontestable («einwandfrei »), il faut se référer aux règles générales 2 à 6, ainsi qu’aux notes explicatives (« Erläuterung ») et aux avis de classement (« Einreihungsavisen »). En effet, selon l’OMD, les avis de classement ont le même statut que les notes explicatives mais se réfèrent à des produits spécifiques (cf. <http://www.wcoomd.org/fr/topics/nomenclature/instrument-and- tools/tools-to-assist-with-the-classification-in-the-hs/compedium.aspx>, consulté le 4 février 2021). Cela étant, si un avis de classement du SH existe pour un produit précis, il y a lieu d’admettre qu’il concrétise et fixe l’interprétation pour ce dernier.

 

3.4.5 Le facteur décisif pour le classement tarifaire est la nature et la qualité des marchandises au moment où elles ont été placées sous contrôle douanier. En revanche, l’utilisation prévue (Verwendungszweck) n'est déterminante que dans la mesure où elle est explicitement un critère de classement dans une position tarifaire. Si tel n'est pas le cas, cette utilisation, à l'instar du prix, de l'emballage, de la description du fabricant ou du destinataire, n'ont qu'une valeur indicative et ne sont pas décisifs (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-3485/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.2.4, A-1051/2019 du 31 août 2020 consid. 2.1.4.5, A-1635/2015 du 11 avril 2016 consid. 5.8).

 

3.4.6 Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions, la RG 3 indique la procédure à suivre : 

1.   a)  La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. 

2.   b)  Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel. 

3.   c)  La marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d'être valablement prises en considération. 

 

Ces règles doivent être appliquées dans l'ordre indiqué, c'est-à-dire que la clause 3(b) des RG ne doit être appliquée que si la clause 3(a) n'a pas apporté de solution pour la classification, etc. En outre, elles ne s'appliquent que si elles n’entrent pas en contradiction avec le libellé des numéros et des notes des sections ou des chapitres. Selon la RG 4, les marchandises qui ne peuvent pas être classées en vertu des Règles visées ci-dessus sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues.

 

La RG 5 dispose qu’outre les dispositions qui précèdent, les Règles suivantes sont applicables aux marchandises reprises ci-après : 

a) Les étuis pour appareils photographiques, pour instruments de musique, pour armes, pour instruments de dessin, les écrins et les contenants similaires, spécialement aménagés pour recevoir un article déterminé ou un assortiment, susceptibles d'un usage prolongé et présentés avec les articles auxquels ils sont destinés, sont classés avec ces articles lorsqu'ils sont du type normalement vendu avec ceux-ci. Cette Règle ne concerne pas, toutefois, les contenants qui confèrent à l'ensemble son caractère essentiel. 

b) Sous réserve des dispositions de la Règle 5 a) ci-dessus, les emballages contenant des marchandises sont classés avec ces dernières lorsqu'ils sont du type normalement utilisé pour ce genre de marchandises. Toutefois, cette disposition n'est pas obligatoire lorsque les emballages sont susceptibles d'être utilisés valablement d'une façon répétée.

 

3.5 Le système de classement tarifaire d'autorités étrangères n'est pas contraignant pour les autorités douanières helvétiques. Il doit néanmoins exister des motifs circonstanciés pour que les autorités suisses puissent se départir de la qualification d'une marchandise adoptée par les autorités douanières des Etats membres de l'Union européenne sur la base de dispositions communautaires. Le Tribunal administratif fédéral n'est pas non plus lié formellement par les décisions tarifaires des autorités douanières ou des tribunaux étrangers, mais il peut tenir compte des décisions étrangères si elles sont convaincantes en fait et en droit (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.3.6, A-1635/2015 du 11 avril 2016 consid. 5.8; MICHAEL BEUSCH, Der Einfluss «fremder» Richter - Schweizer Verwaltungsrechtspflege im internationalen Kontext, in: SJZ n. 109/2013 p. 349 ss, 356).

 

3.6 Le tarif d’usage suisse indique à la section IV « Produits des industries alimentaires; boissons, liquides alcooliques et vinaigres; tabacs et succédanés de tabac fabriqués » pour la position tarifaire 1605.5300 : 

16 Préparations de viande, de poissons ou de crustacés, de mollusques ou d'autres invertébrés aquatiques [...] 1605 Crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques, préparés ou conservés : - mollusques : [...] 1605.5300 -- moules 1605.5900 -- autres 

A la même section IV, le tarif d’usage indique pour la position tarifaire 2106 : 21 Préparations alimentaires diverses [...] 2106 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs : 2106.10 - concentrats de protéines et substances protéiques texturées 2106.90 - autres 

Au chapitre I « Animaux vivants et produits du règne animal », le tarif d’usage indique pour la position tarifaire 0307 : 03 [...] 0307 [...] 0307.3100 0397.3200 0307.3900 [...] 0307.9100 0307.9200 0307.9900 

Poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques 

Mollusques, même séparés de leur coquille, vivants, frais, réfrigérés, congelés, séchés, salés ou en saumure; mollusques, même décortiqués, fumés, même cuits avant ou pendant le fumage; farines, poudres et agglomérés sous forme de pellets de mollusques, propres à l'alimentation humaine : 

- moules (Mytilus spp., Perna spp.): -- vivantes, fraîches ou réfrigérées -- congelées
-- autres 

- autres, y compris les farines, poudres et agglomérés sous forme de pellets, propres à l'alimentation humaine: -- vivants, frais ou réfrigérés
-- congelés 

-- autres 

4.
4.1 
L’origine de certaines marchandises permet à ces dernières de bénéficier d'un traitement préférentiel, voire d'une franchise des droits de douane. La Suisse a conclu de nombreux accords internationaux qui contiennent des règles d'origine (cf. THOMAS COTTIER/DAVID HERREN, in : Kocher/Clavadetscher [édit.], Zollgesetz [ZG], 2009, n° 90 ss ad « Einleitung » ; ARPAGAUS, op. cit., ch. 561 ; MARCO VILLA, La réglementation de l'origine des marchandises : Etude de droit suisse et de droit communautaire, 1998, p. 117 ss). Tel est entre autres le cas de l'accord du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (RS 0.632.401 ; ci-après : l'Accord), qui vise à éliminer les droits de douane à l'importation à l'égard de divers produits originaires de la Communauté (respectivement de l’Union) européenne et de la Suisse (cf. art. 2 et 3 de l'Accord). Selon l’art. 11 de l'Accord, le Protocole n° 3 détermine les règles d'origine.

 

4.1.1 Du 15 décembre 2005 jusqu’au 31 janvier 2016, les règles d’origine applicables étaient celles du Protocole n° 3 du 15 décembre 2005 relatif à la définition de la notion de « Produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative de l’accord (RO 2013 2831 et les modifications ultérieures [encore consultable au RS 0.632.401.3] ; ci-après : le Protocole n° 3 2005). Dans le cadre d’une uniformisation des règles d’origine en vigueur dans les pays de la zone paneuro-méditerranéenne, le Protocole n° 3 2005 a été remplacé par une nouvelle version, adoptée et entrée en vigueur le 3 décembre 2015 avec effet au 1er février 2016 (ci-après : le Protocole n° 3 2015).

 

4.1.2 En l’occurrence, les preuves d’origine concernées ont été établies entre le 13 septembre 2013 et le 4 mars 2016 et la demande de contrôle a posteriori des preuves d’origine litigieuses a été adressée le 28 juillet 2016. Le Protocole n° 3 2015 n’étant pas assorti de dispositions transitoires et les règles d'origine qu’il contient – dans la mesure où elles sont pertinentes en l'espèce – étant identiques à celles du Protocole n° 3 2005 (cf. arrêt du TAF A-4966/2018 du 26 octobre 2020 consid. 3.2.2), cela laisse le choix du protocole à appliquer (cf. arrêt du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.2.1). Par conséquent, il ne sera fait référence qu'au Protocole n° 3 2015 dans les considérants qui suivent.

 

4.2
4.2.1 
Concernant les règles d’origine applicables, l’art. 1 du Protocole n° 3 2015 dispose que le texte relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative, est remplacé par celui figurant en annexe. L’art. 1 § 1 de l’annexe renvoie à l’appendice I et aux dispositions pertinentes de l’appendice II de la convention régionale sur les règles d’origine préférentielles paneuro-méditerranéennes (RS 0.946.31 [ci-après : la Convention PEM]). L'appendice I de la Convention PEM contient des règles générales pour la définition de la notion de « produits originaires » et les méthodes de coopération administrative. L'appendice II de la Convention PEM contient des règles spéciales qui sont applicables (uniquement) entre les différentes parties contractantes (cf. art. 1 § 2 al. 3 de la Convention PEM) et qui ne sont pas pertinentes en l'espèce.

 

4.2.2 Selon l'art. 2 § 1 let. b de l'appendice I de la Convention PEM (ci- après : Appendice I), des produits sont considérés comme originaires d'une Partie contractante s'ils y sont obtenus en incorporant des matières qui n'y ont pas été entièrement obtenues, à condition que ces matières aient fait l'objet dans la Partie contractante d'ouvraisons ou de transformations suffisantes au sens de l'art 5. Selon le produit en question, les critères matériels de détermination de l'origine sont soit des ouvraisons ou des transformations qui entraînent un changement de classement du produit dans une position tarifaire différente à quatre chiffres (« saut de position »), soit une valeur ajoutée au produit exprimée en pourcentage du prix départ usine du produit (« règle du pourcentage ou de la valeur ajoutée » ; ARPAGAUS, op. cit., ch. 250). 

L’art. 5 § 1 Appendice I dispose qu’aux fins de l'art. 2, les produits non entièrement obtenus sont considérés comme suffisamment ouvrés ou transformés lorsque les conditions indiquées dans la liste de l'annexe II sont remplies. Toutefois, il résulte de l'art. 5 § 2 let. a Appendice I que les matières non originaires qui, conformément aux conditions fixées dans la liste de l'annexe II pour un produit déterminé, ne doivent pas être mises en œuvre dans la fabrication de ce produit peuvent néanmoins l'être, nonobstant les dispositions du § 1, à condition que leur valeur totale n'excède pas 10 % du prix départ usine du produit. La liste de l'annexe II figure à l'annexe I de l'Appendice I. Elle est précédée de notes explicatives (annexe I) dont il résulte que : 

  • -  La liste contient, pour tous les produits, les conditions requises pour que ces produits puissent être considérés comme suffisamment ouvrés ou transformés au sens de l’art. 5 Appendice I (note 1 de l'annexe I) ; 
  • -  Les deux premières colonnes de la liste décrivent le produit obtenu. La première colonne précise la position ou le chapitre du système harmonisé et la seconde, la désignation des marchandises figurant dans le système pour cette position ou ce chapitre. En regard des mentions portées dans les deux premières colonnes, une règle est énoncée dans les colonnes 3 ou 4. Lorsque, dans certains cas, le code de la première colonne est précédé de la mention « ex », cela indique que la règle figurant dans les colonnes 3 ou 4 ne s’applique qu’à la partie de la position décrite dans la colonne 2 (note 2.1 de l'annexe I) ; 
  • - Lorsque, en regard des mentions figurant dans les deux premières colonnes, une règle est prévue à la fois dans la colonne 3 et dans la colonne 4, l’exportateur a le choix d’appliquer la règle énoncée dans la colonne 3 ou dans la colonne 4. Lorsqu’aucune règle n’est prévue dans la colonne 4, la règle énoncée dans la colonne 3 doit être appliquée. (note 2.4 de l'annexe I).

 

4.2.3 Les ouvraisons ou transformations qui doivent être effectuées sur les matières non originaires pour que le produit transformé puisse obtenir le caractère originaire figurent à l'annexe II pour les positions SH 1605 ou 2106 en question (cf. supra consid 3.6) : 

 

Position SH 

Description du produit 

 

 (1) (2) 

Ouvraison ou transformation appliquées à des matières non originaires conférant le caractère de produit originaire 

(3) ou (4) 

Chapitre 1 

Animaux vivants 

Tous les animaux du chap. 1 doivent être entièrement obtenus 

Chapitre 3 

Poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques 

Fabrication dans laquelle toutes les matières du chap. 3 utilisées doivent être entièrement obtenues 

Chapitre 16 

Préparations de viandes, de poissons ou de crustacés, de mollusques ou d’autres invertébrés aquatiques 

Fabrication: 

  • –  à partir des animaux du chap. 1, et/ou 
  • –  dans laquelle toutes les matières du chap. 3 utilisées doivent être entièrement obtenues 

 

2106 

Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs 

Manufacture 

  • –  à partir de matières de toute position, à l'exclusion des matières de la même position que le produit 
  • –  dans laquelle la valeur de toutes les matières du chapitre 17 utilisées ne doit pas excéder 30 % du prix départ usine du produit 

 

4.2.4 L'art. 15 § 1 Appendice I prescrit que lorsqu’ils sont importés dans d’autres Parties contractantes, les produits originaires de l’une des Parties contractantes bénéficient des dispositions des accords pertinents, sur présentation d'un certificat de circulation des marchandises EUR.1 (let. a) ou d'un certificat de circulation des marchandises EUR-MED (let. b) délivré par les autorités douanières du pays d'exportation (cf. art. 16 § 1 et 2 Appendice I), ou, dans les cas visés à l’art. 21 § 1, une déclaration (dénommée « déclaration d’origine » ou « déclaration d’origine EUR-MED ») établie par l’exportateur sur une facture, un bon de livraison ou tout autre document commercial, décrivant les produits concernés d’une manière suffisamment détaillée pour pouvoir les identifier (let. c). Le caractère originaire des marchandises importées doit être admis par les douanes de l'Etat d'importation sur simple présentation des preuves d'origine (cf. ATF 114 Ib 168 consid. 1c, arrêt du TF 2C_426/2020 du 23 juillet 2020 consid. 3.2 ; arrêt du TAF A-4966/2018 du 26 octobre 2020 consid. 3.2.3). Pour leur part, les autorités de l'Etat de l'exportation se limitent en pratique à un examen formel de ces documents, sans contrôle matériel des marchandises (cf. ATF 112 IV 53 consid. 2, arrêts du TF 2C_426/2020 du 23 juillet 2020 consid. 3.2 et 2C_355/2007 du 19 novembre 2007 consid. 2.2).

 

L'exportateur qui sollicite la délivrance d'une preuve d'origine (certificat de circulation des marchandises EUR.1 ou EUR-MED) ou qui en établit une lui-même (déclaration sur facture ou déclaration sur facture EUR-MED) doit pouvoir présenter à tout moment, à la demande des autorités douanières du pays d'exportation, tous les documents appropriés prouvant le caractère originaire des produits concernés ainsi que le respect des autres conditions prévues par la Convention PEM (cf. art. 16 § 3 et art. 21 § 5 Appendice I). Ces documents doivent être conservés au moins pendant trois ans (cf. art. 28 § 1 et 2 Appendice I).

 

4.2.5 Selon l'art. 32 § 1 Appendice I, le contrôle a posteriori des preuves de l'origine est effectué par sondage ou chaque fois que les autorités douanières de la partie contractante importatrice ont des doutes fondés en ce qui concerne l'authenticité de ces documents, le caractère originaire des produits concernés ou le respect des autres conditions prévues par la Convention. Pour l'application de ces dispositions, les autorités douanières de la Partie contractante importatrice renvoient le certificat de circulation des marchandises EUR.1 ou EUR-MED et la facture, si elle a été présentée, la déclaration d'origine ou la déclaration d'origine EUR-MED, ou une copie de ces documents, aux autorités douanières de la Partie contractante exportatrice en indiquant, le cas échéant, les motifs justifiant une enquête (art. 32 § 2 [1re phrase] Appendice I). A l'appui de leur demande de contrôle a posteriori, elles fournissent tous les documents et tous les renseignements obtenus qui donnent à penser que les mentions portées sur la preuve de l'origine sont inexactes (art. 32 § 2 [2phrase] Appendice I).

 

Le contrôle a posteriori est effectué par les autorités douanières de l’Etat d'exportation (art. 32 § 3 [1re phrase] Appendice I) exclusivement suivant les règles de procédure internes de cet Etat. Les résultats de la vérification sont communiqués dans les meilleurs délais aux autorités douanières de l’Etat d'importation (art. 32 § 5 Appendice I) et lient ces dernières (cf. ATF 114 Ib 168 consid. 1c, 111 Ib 323 consid. 3c et 110 Ib 306 consid. 1, arrêts du TF 2C_426/2020 du 23 juillet 2020 consid. 5.1 et 2C_907/2013 du 25 mars 2014 consid. 2.2.5 ; arrêts du TAF A-4966/2018 du 26 octobre 2020 consid. 3.2.4, A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 2.4.3 et A-1107/2018 du 17 septembre 2018 consid. 2.3.3 et 2.4.3).

 

5.
5.1
5.1.1 
En l’espèce, il ressort du dossier que le produit « E® » est un complément alimentaire à base de poudre de moules de Nouvelle–Zélande. Les autorités douanières suisses ont demandé à la recourante de produire les justificatifs prouvant l’origine suisse ou européenne de ce produit livré à la société B._______ SA avec les factures suivantes : 

N° de facture 

23358

23408

23417

214222

15_013

15_1029

15_037

Date 

23.08.2013 07.01.2014 28.02.2014 05.02.2015 03.06.2015 28.07.2015 23.09.2015 

Quantité livrée Origine 

3260 UE 800 UE 700 UE 300 UE 149 CH/UE 1400 CH/UE 300 CH/UE

 

La recourante a produit les documents demandés dont il ressort, après instruction, la situation suivante : 

N° facture et date 

N° déclaration en douane 

NT 

Provenance 

23358 du 26.03.2013 

83954104
du 23.08.2012 

Miesmuscheln 0307.3900 

C._______ BE 

23408 du 13.01.2014 

83954104
du 23.08.2012 

Miesmuscheln 0307.3900 

C._______ BE 

23417 du 28.02.2014 

12CHEI000001498963 du 31.10.2012 

C-E, Miesmuscheln Pulver 0307.3900 

C._______ BE 

214222 du 05.02.2015 

14CHEI000340935808 du 01.12.2014 

E 1605.5900 

C._______ BE 

15_1013 du 03.06.2015 

14CHEI000340935808 du 01.12.2014 

E 1605.5900 

C._______ BE 

 

5.1.2 Pour les factures n° 214222 et 15_1013, la DA a pris en considération le certificat d’origine EUR 1 n° 5154160 mentionné sur la déclaration en douane n° 14CHEI000340935808 du 01.12.2014, si bien que ces deux factures ne figurent pas dans la décision initiale du 2 mai 2017 (cf. supra consid. Bc). A cet égard, si la recourante entend remettre en question par la présente procédure la décision de taxation relative à l’importation n° 14CHEI000340935808 du 01.12.2014, son recours est irrecevable et c’est à juste titre que l’autorité a refusé d’entrer en matière sur ses griefs. En effet, non seulement le certificat d’origine dont était assortie cette déclaration en douane a été accepté par la DA si bien que les factures concernées, si elles étaient effectivement soumises au contrôle a postiori, ne sont pas objet de la contestation, mais de plus, la marchandise importée sous le nom de « E », présentée en douane le 1er décembre 2014 sous le NT 2106.9099 a fait l’objet d’un contrôle formel et d’une rectification ayant abouti à une décision de taxation sous le NT 1605.5900. Cette décision de taxation – qui indiquait les voies de droit – est entrée en force sans être contestée.

 

La DA a retenu une origine indéterminée pour les factures n° 23358 et 23408. Toutefois, l’autorité inférieure, saisie par la recourante, a invalidé le contrôle pour ces factures dont la date d’établissement était supérieure au délai de conservation de trois ans (cf. supra consid. Cb), si bien qu’elles ne sont pas non plus objet de la contestation.

 

5.1.3 Il s’en suit que sont seules encore litigieuses les déclarations d’origine relatives aux factures n°23417, 15_1029 et 15_1037. Les marchandises liées à ces trois factures ont été déclarées en douane sous le NT 0307.3900, comme « Poudre de moules » ou « Miesmuscheln », ce qui n’est pas contesté. Ce qui l’est en revanche, c’est la classification du produit fini « E® » fabriqué à partir de cette poudre de moule, sous le NT 1605.5300.

 

Le Tribunal observe à cet égard que si la déclaration en douane du 31 octobre 2012 en lien avec la facture n° 23417 mentionne effectivement le 

 

15_1029 du 28.07.2015 

15CHEI000414990860 du 28.04.2015 

Poudre de moules 0307.3900 

D._______ NZ 

15_1037 du 23.09.2015 

15CHEI000414990860 du 28.04.2015 

Poudre de moules 0307.3900 

D._______ NZ 

 

NT 0307.3900, la marchandise importée était en fait constituée de boîtes de gélules de « E ». Ce qui correspond à l’activité économique de la recourante qui a expliqué qu’à cette date, elle importait/exportait le produit fini sans intervenir dans sa fabrication. Ce n’est qu’à partir de 2015 qu’elle a importé de la poudre de moule (laquelle par ailleurs, selon l’avis de classement 311.3.2.2018.3 – certes suisse et certes publié en 2018, soit après cette importation – doit être classée sous le NT 0307.9900 : « poudre de moule verte aussi appelée moule aux orles verts, obtenue à partir de la chair séchée et moulue de l'espèce "Perna canaliculus" [famille Mytilidae] de Nouvelle-Zélande, sans autres ingrédients, pour la fabrication de complément alimentaire. Voir aussi la décision "Complément alimentaire", no 1605.5300. »). Cette taxation est entrée en force. Elle n’était pas accompagnée d’un certificat d’origine, si bien que c’est à juste titre que l’autorité inférieure a considéré que son origine était indéterminée (cf. supra consid. Bc et Cb).

 

Pour les factures 15_1029 et 15_037, – contrairement à ce que soutient l’autorité inférieure – la classification du produit fini, fabriqué en Suisse à partir de la poudre de moule importée, n’a pas fait l’objet d’une décision de taxation entrée en force à l’égard de la recourante. Il est vrai que selon un avis de classement prononcé en 2014, les compléments alimentaires sous forme de gélules en gélatine ou en substances d'origine végétale (amidon, cellulose, etc.), remplies d'un mélange pulvérulent constitué de champignon séché et moulu et de plus de 20 % en poids de farine de moule verte (aussi appelée moule aux orles verts) relèvent de la position tarifaire 1605.5300 (décision n° 3101.1534.2014.7). Toutefois, non seulement la composition décrite dans cet avis de classement ne correspond pas exactement à celle du produit litigieux qui ne contient pas de champignon séché et moulu (cf. infra consid. 5.2.1) mais de plus il s’agit là d’un avis de classement suisse, qui ne provient pas du Comité du Système harmonisé. En conséquence, il doit être considéré comme une ordonnance administrative qui ne lie pas les autorités judiciaires (cf. supra consid. 3.4.3). Il est certes difficile de reprocher à l’autorité inférieure – agissant comme autorité de recours hiérarchique – d’appliquer une prescription de service. C’est néanmoins à tort qu’elle a refusé d’entrer en matière sur les griefs de la recourante à cet égard, dans la mesure où la classification de la marchandise est susceptible d’avoir un impact sur l’appréciation de l’origine préférentielle. 

Cela étant, il ne convient pas de lui renvoyer l’affaire afin qu’elle statue sur cet aspect du moment que sa position à cet égard, largement exprimée lors des échanges d’écritures, est constante et connue et que le Tribunal est en mesure de statuer (cf. supra consid. 1.3).

 

5.2
5.2.1 
Interpellée au sujet de la composition exacte d’une gélule de « E® », la recourante affirme que la composition est différente selon que le produit a été importé/exporté de Belgique sans aucune intervention en Suisse (avant 2015) ou s’il a été fabriqué en Suisse à partir de poudre de moule importée et exporté vers l’UE sous le nom de « Eo® ». Elle produit les tableaux suivants :

 

E® 

Ingrédients 

Principes actifs mg/caps 

% conc. 

Substances mg/caps 

Ingrédients 

Perna canaliculus extract Vitamine C
Vitamine E
Cardamone 

390.00 27.00 6.17 1.50 

100% 97% 30% 100% 

390.00 27.84 20.56 

1.50 

Excipients 

Maiszetmeel C Gel 03401 Dioxyde de silicium Calcium stearate 

18.00 3.00 9.00 

100% 100% 100% 

18.00 3.00 9.00 

Capsules 

Hypromellose
Poids total d’une capsule 

96.00 

Principes actifs mg/caps 

100% 

% conc. 

96.00 565.891 

 

Substances

mg/caps

Eo® 

 

Ingrédients 

Ingrédients 

Perna canaliculus Glucosamine Chodroïtine Vitamine E Vitamine C Cuivre Manganèse 

Zinc Sélénium 

375.00 100.00 50.00 9.00 40.00 0.25 0.50 2.00 0.01 

100% 100% 100% 

30% 97% 36% 22% 31% 

0.50% 

375.00 100.00 50.00 30.00 41.24 0.69 2.27 6.45 2.50 

 

L–cystéine L–glutamine Excipients

Capsules 

Gélatine (fish)
Poids total d’une capsule 

25.00 100% 25.00 100% 0.00 100% 

96.00 100% 

25.00 25.00 0.00 

96.00 754.156 

 

En application de la RG 1 qui prescrit une interprétation en cascade (cf. supra consid. 3.4.4), le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres n’ayant qu'une valeur indicative, il faut consulter les termes des positions tarifaires, lesquelles ne permettent pas en l’espèce de classer indubitablement le produit litigieux dans l’une ou l’autre catégorie que sont Crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques, préparés ou conservés, autres(NT 1605.5900) et Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, autres (NT 2106.9099), quand bien même à ce stade, le position 1605 semble déjà la plus appropriée. Il sied donc de se référer aux notes de Sections ou de Chapitres.

 

Les deux chapitres 16 et 21 appartenant à la même Section IV « Produits des industries alimentaires ; boissons, liquides alcooliques et vinaigres ; tabacs et succédanés de tabac fabriqués », les notes de Section ne sont d’aucune aide. 

En revanche, il résulte du ch. 2 des notes du Système harmonisé pour le Chapitre 16 que « les préparations alimentaires relèvent du présent Cha- pitre à condition de contenir plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d'abats, de sang, de poisson ou de crustacés, de mollusques ou d'autres invertébrés aquatiques ou une combinaison de ces produits. Lorsque ces préparations contiennent deux ou plusieurs produits mentionnés ci-dessus, elles sont classées dans la position du Chapitre 16 correspondant au composant qui prédomine en poids. Ces dispositions ne s'appliquent ni aux produits farcis du no 1902, ni aux préparations des nos 2103 ou 2104 » 

Pour le Chapitre 21, ces mêmes notes prévoient au ch. 1 let. e que ledit Chapitre ne comprend pas « les préparations alimentaires, autres que les produits décrits aux nos 2103 ou 2104, contenant plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d'abats, de sang, de poisson, de crustacés, de mollusques, d'autres invertébrés aquatiques ou d'une combinaison de ces produits (Chapitre 16). » 

 

5.2.2 Se pose dès lors la question, pour calculer le poids du produit et la proportion des 20%, de savoir si seul le contenu de la gélule doit être pris en considération ou s’il faut tenir compte du poids de la capsule (l’enveloppe), laquelle est absorbé avec le contenu (cf. arrêt du TAF A-5273/2018 du 17 juillet 2019 consid. 3.2.2 [actuellement recours pendant devant le Tribunal fédéral sous le n° 2C_768/2019] qui ne prend pas en compte l’enveloppe la considérant comme un emballage contrairement à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE] du 17 décembre 2009 C-410/08 à C-412/08 Swiss Caps AG contre Hauptzollamt Singen point 32 dont se prévaut la recourante). 

Si l’on considère le poids total de la gélule de « E® » (565.891 mg), la poudre de moule (390 mg) représente près de 69% de la marchandise et cette proportion avoisine les 83% si l’on soustrait le poids de la capsule (96 mg). Quant à la gélule de « Eo® » (754.156 mg), elle est composée à raison de près de 50% de poudre de moule. Ce pourcentage monte à 57% si l’on soustrait le poids de l’enveloppe. 

Dans tous les cas, le pourcentage de mollusque serait donc supérieur à 20% si bien qu’en l’espèce la question de la qualification de l’enveloppe contenante n’est pas déterminante. 

5.3 Il faut donc retenir qu’à priori le classement du produit « Eo® » – comme celui du « E® » importé avant que la recourante fabrique les gélules elle-même – sous le NT 1605 par l’autorité inférieure ne prête pas le flanc à la critique. Il s’agit dès lors d’examiner si ce classement résiste aux griefs de la recourante. 

5.4
5.4.1 
La recourante se réfère aux notes explicatives en vigueur au moment des faits déterminants (soit dans une période allant de 2012 à 2015) pour le sous-chapitre 2106 lesquelles prévoient au ch. 16 que sont notamment classés ici « les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Ces préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (nos 3003 ou 3004). ». 

 

Elle développe également tout un argumentaire tendant à démontrer que la classification sous le NT 2106 serait plus appropriée. Elle soutient notamment que les préparations alimentaires qui sont prévues au Chapitre 16 et au sous-chapitre 1605 sont des repas cuisinés prêts à la consommation et qu’en aucun cas les compléments alimentaires ne peuvent entrer dans ce chapitre quelle qu’en soit leur composition. 

A l’appui de son argumentation, elle se réfère à plusieurs arrêts de la CJUE. 

Elle produit également deux décisions en matière de renseignements tarifaires contraignants (RTC) émises par la Direction générale des douanes et droits indirects françaises le 16 mai 2020 au sujet des produits « E » et « Ex® » de l’entreprise « B._______ Europe », qui classent la marchandise sous le NT 2106. 

5.4.2 Le Tribunal remarque tout d’abord que la recourante applique pèle mêle les différentes règles d’interprétation, faisant fi du système prescrit par la RG 1 et codifié par la jurisprudence qui veut que l’échelon ultérieur n’intervient que si l’échelon antérieur n’a pas permis le classement (cf. supra consid. 3.4.4). En l’espèce, il est possible de s’en tenir aux Notes du SH pour les deux Chapitres concernés afin d’opérer le classement du produit si bien qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer les autres règles d’interprétation. 

De surcroît, les notes explicatives à l’application desquelles elle prétend, englobent les préparations alimentaires « à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose » (cf. supra consid. 5.4.1). Or, le produit litigieux est essentiellement composé de poudre de moule, soit d’un mollusque et non d’un végétal ou d’un fruit. Cette poudre a fait précédemment l’objet d’une analyse en laboratoire par l’autorité inférieure. Il en résulte qu’il ne s’agit pas d’un « extrait » mais bien de chair de moules séchée et moulue (cf. décision n° 3101.1889.2008.01 concernant B._______ E® du 16 décembre 2008). Ce qui ressort également des compositions des deux produits « E® » et « Eo® » fournis par la recourante et qui indiquent une concentration à 100% de la poudre de moule « Perna canaliculus ».

 

5.4.3 S’agissant des deux RTC des autorités douanières françaises, il sied de rappeler que le système de classement tarifaire d'autorités étrangères n'est pas contraignant pour les autorités douanières helvétiques, pas plus que ne le sont, pour le Tribunal de céans, les décisions tarifaires des tribunaux étrangers (cf. supra consid. 3.5). Certes, le Tribunal peut en tenir compte si elles sont convaincantes et les autorités douanières suisses ne peuvent pas sans motif se départir d’une qualification d’une autorité douanière d’un pays membre de l’UE. Cela étant, les deux décisions françaises ne peuvent être suivies. Tout d’abord, l’une des deux concerne un produit différent, le « Ex® », certes également à base de « Perna canaliculus », mais sans que soit indiquée la proportion des ingrédients. A cela s’ajoute, et c’est le plus important, que les autorités douanières françaises retiennent qu’il s’agit d’une « préparation du type complément alimentaire, à base d’extrait végétal, présentée sous forme de doses ». Or, il faut bien reconnaître avec l’autorité inférieure que cette qualification est erronée et qu’elle fait de surcroît l’impasse, quand bien même elle se réfère aux RG 1 et 6, sur les deux notes du SH concernant le chapitre 21 et le chapitre 16 (cf. supra consid. 5.2.1). La classification française a visiblement été opérée en se fondant uniquement sur la note complémentaire 5 du Chapitre 21 selon laquelle « les autres préparations alimentaires présentées sous forme de doses, telles que les capsules, les comprimés, les pastilles et les pilules, et destinées à être utilisées comme des compléments alimentaires, relèvent de la position 2106, sauf si elles sont dénommées ou comprises ailleurs ». Or, cette note n’est pas issue du SH mais de la nomenclature combinée de l’Union Européenne (NC) qui ne lie pas les autorités douanières suisses. Elle a été introduite dans la NC suite à l’arrêt de la CJUE Swiss Caps AG précité (cf. Règlement d’exécution (UE) n° 698/2013 de la Commission du 19 juillet 2013 modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, JO L 198 du 23 juillet 2013 ; supra consid. 5.2.2). Cette jurisprudence ne s’impose pas à la Suisse. Elle a certes été développée au sujet d’un complément alimentaire vendu sous forme de gélule mais dont la composition est différente de celle de l’objet de la présente cause. Cette note ne concerne – ainsi que la position tarifaire 2106 le prévoit – que les préparations alimentaires utilisées comme compléments alimentaires non dénommées ou comprise ailleurs, ce qui n’est pas le cas de l’espèce, « E® » étant, par sa composition, couverte par une autre position tarifaire.

 

5.5 C’est le lieu de relever que les principes qui guident les Tribunaux suisses et européens reposent sur des prémisses différentes. En effet, selon la conception suisse, les notes explicatives du SH, de même que les avis de classement ou d’autres recommandations élaborées par le Comité SH ont un caractère impératif et lient pleinement le Tribunal (cf. supra consid. 3.4.3) alors que selon la conception européenne, elles sont une source d’interprétation de la portée des différentes positions sans toutefois avoir force obligatoire de droit (cf. arrêts CJUE du 17 juillet 2014 C-480/13 Sysmex Europe GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Hafen points 29 et 30, du 17 décembre 2009 Swiss Caps AG précité point 28). L’utilisation prévue n'est pas un critère de classement selon la jurisprudence de la Cour de céans sauf à figurer explicitement dans la position tarifaire (cf. supra consid. 3.4.5) alors que la CJUE estime que la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit (arrêts CJUE du 22 novembre 2012 C-320/11, C-330/11, C-382/11 et C-383/11 du 17 décembre 2009 Digitalnet OOD e.a. contre Nachalnik na Mitnicheski punkt — Varna Zapad pri Mitnitsa Varna point 43, du 17 décembre 2019 Swiss Caps AG précité point 29).

 

Si l’on peut regretter ces divergences d’interprétation au sein d’un système qui vise précisément une harmonisation (laquelle n’est pas encore intégrale, cf. BEUSCH/SCHNELL LUCHSINGER, op. cit., p. 17, qui concluent leur article par ces mots « Das Harmonisierte System ist sehr stark harmonisiert, aber doch (und noch) nicht vollständig. »), il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence fédérale établie à cet égard. Il faut rappeler dans ce contexte que les RG, les notes de sections, de chapitres et de sous-positions font partie de la Convention SH (cf. art. 3 § 1 let. a ch. 2 Convention SH) et doivent être respectées en vertu du principe pacta sunt servanda, déduit de l’art. 26 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV, RS 0.111 ; cf. sur la portée de ce principe, parmi d’autres : ATAF 2010/40 consid. 3.1 à 3.3).

 

5.6 Il s’ensuit que le produit « Eo® » fabriqué à partir de chair de moule provenant de Nouvelle-Zélande doit être classé sous la position tarifaire 1605. Or, la règle d’origine prévoit pour les produits du chapitre 16 que toutes les matières qui les composent et qui ressortent du chapitre 3 (Poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques) doivent être « entièrement obtenues » (cf. supra consid. 4.2.3), ce qui n’est pas le cas de l’espèce et n’est d’ailleurs pas contesté. Dans ces conditions, il ne peut pas être établi de preuves d’origine pour les gélules fabriquées par la recourante. 

6.
6.1 
En conséquence, le recours est très partiellement admis dans le sens où l’autorité inférieure aurait dû entrer en matière pour certaines factures sur les griefs de la recourante tendant à obtenir un classement tarifaire différent du produit fabriqué par elle. Il doit cependant être rejeté sur le fond. 

6.2 

Il reste à régler la question des frais et des dépens. 

6.2.1 Aux termes de l'art. 63 al. 1 PA, en général, les frais de procédure sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si celle-ci n'est déboutée que partiellement, ces frais sont réduits. A titre exceptionnel, ils peuvent être entièrement remis. La partie qui a formé recours est réputée avoir obtenu gain de cause lorsque la cause est renvoyée à l'administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision (cf. ATF 132 V 215 consid. 6.2). 

En l’espèce, dans la mesure où la cause aurait dû être renvoyée à l’autorité inférieure afin qu’elle entre en matière au sujet de certaines factures mais que le Tribunal a statué par économie de procédure, les frais à la charge de la recourante qui succombe au sujet des factures dont la tarification est entrée en force doivent être réduits en conséquence. Ils doivent également l’être pour tenir compte du manque de précision dans la décision de l’autorité inférieure qui n’a entre autre pas permis à la recourante de comprendre quelles factures étaient soustraites du contrôle ensuite de l’admission partielle de son recours devant l’autorité inférieure. 

En conséquence, les frais de procédure fixés à 1'000 francs sont mis partiellement à la charge de la recourante à hauteur de 300 francs. Ce montant sera prélevé sur l’avance de frais déjà versée de 1'000 francs. Le solde de 700 francs lui sera restitué une fois le présent arrêt entré en force. L’autorité inférieure ne supporte aucun frais de procédure (cf. art. 63 al. 2 PA).

6.2.2 A teneur de l'art. 64 PA, l'autorité de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés. En l'espèce, la recourante s'est défendue seule, sans faire appel à un mandataire, et il n'est pas démontré qu'elle a subi de ce fait des frais considérables

Partant, il ne lui est pas alloué de dépens. 

 

7. 

Les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière de perception de droits de douane fondée sur le classement tarifaire ou le poids des marchandises sont définitives (cf. art. 83 let. l de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Dans la mesure où la question du classement tarifaire est intervenue dans le cadre d’un litige relatif à un contrôle de preuves de l’origine et qu’elle n’a pas conduit à la perception de droits de douane, il faut considérer que le présent arrêt ne concerne pas un litige tarifaire au sens de l’art. 83 let. l LTF (cf. les arrêts du TF 2C_907/2013 du 25 mars 2014 consid 1.2.2 et 2C_355/2007 du 19 novembre 2007 consid. 1.3) et que le recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral est ouvert aux conditions des art. 82 et suivants, 90 et suivants et 100 LTF. 

 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce : 

1. 

Dans la mesure où il est recevable, le recours est très partiellement admis au sens des considérants. Il est rejeté pour le surplus. 

2. 

Les frais de procédure de 1'000 francs sont mis partiellement à la charge de la recourante à hauteur de 300 francs. Ce montant sera prélevé sur l’avance de frais déjà versée de 1'000 francs. Le solde de 700 francs lui sera restitué une fois le présent arrêt entré en force. 

3. 

Il n’est pas alloué de dépens. 

4. 

Le présent arrêt est adressé : 

  • –  à la recourante (acte judiciaire) 
  • –  à l'autorité inférieure (n° de réf. ; acte judiciaire). 

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante. 

(…)

 

Indication des voies de droit : 

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Pour autant qu'elle ne soit pas qualifiée de « décisions en matière de perception de droits de douane fondée sur le classement tarifaire ou le poids des marchandises » au sens de l'art. 83 let. l LTF. Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF). 

 

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